L’AGCS, un horizon pour l’Union européenne ? Par Christiane Laribi (déc. 2003) Extrait de la Lettre d’ Attac 45 n°22, décembre 2003

En vertu des article 19 et 28 de l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services), les négociations périodiques entre les états membres de l’OMC ont lieu pour « élever progressivement le niveau de libéralisation » et « réduire ou éliminer les mesures » législatives ou réglementaires restreignant le commerce des services. A terme, l’AGCS a pour objectif de supprimer « tous les gardes fous » historiquement mis en place dans toutes les sociétés pour protéger leurs membres et particulièrement les plus fragiles d’entre eux, en leur assurant les « droits fondamentaux », seuls garants d’une vie digne.

En Europe et spécifiquement en France, l’AGCS vise à la libéralisation des services publics. Certes, l’Europe s’intéresse bien aux « Services d’Intérêts Généraux » (SIG)... Dans la définition et la mise en application du concept de « Service d’Intérêts Généraux », l’ambiguïté persiste, permettant de ne pas être en contradiction avec les objectifs de l’AGCS. Les objectifs de l’AGCS sont d’ailleurs les objectifs de l’Europe actuelle, puisqu’il est écrit dans le « livre vert » que les fournisseurs de services devront être mis en concurrence.

Cest le maître mot de l’Europe : la loi de la jungle est de retour...

Mis en place dès 1994, l’AGCS ne fait parler de lui que périodiquement, au cours des conférences ministérielles de l’OMC (Seattle, Doha, Cancun), mais en dehors de ces évènements quelque peu médiatisés grâce aux mobilisations des altermondialistes, des négociations « silencieuses » se poursuivent... Ainsi le 15 décembre 2003 se réunira à Genève le Conseil Général de l’OMC, qui a les mêmes pouvoirs décisionnels que la Conférence Ministérielle de l’OMC. Les pays membres de l’OMC ont proposé pour Cancun des listes de services qu’ils offrent à la concurrence internationale et des listes de services qu’ils demandent à leurs partenaires d’ouvrir à la concurrence. Les confrontations demandes / offres de services devaient être examinées à Cancun dans un cadre plus vaste, incluant d’autres accords de l’OMC (agriculture, propriété intellectuelle...), mais Cancun a capoté... Néanmoins la « Draft Declaration » rédigée à la suite de la conférence s’est engagée à « intensifier les efforts » pour atteindre les objectifs ; il y est précisé « qu’aucun service ni mode de fourniture n’est exclu ».
A Genève, l’AGCS devra étendre ses prérogatives.

Il nous faut faire dérailler ces négociations secrètes

Secret est l’autre maître mot de l’Europe. Il lui permet d’éviter les résistances citoyennes à ses projets libéralistes. Résistance est celui que nous mettons en place dans l’autre Europe que nous construisons.

Les résistances ont permis d’arracher la liste des services offerts par l’Union Européenne (UE). N’y figurent pas encore l’éducation la santé et la culture de façon frontale ; par contre, des parties de ces domaines ont été renommées pour pouvoir être intégrées à des services déjà engagés. Ainsi les lits d’hôpitaux feront partie des services d’hôtellerie et ainsi déconnectés de la santé, etc...

Ce « saucissonnage » d’une activité de service public amènerait à faire effectuer différents actes par différents prestataires de services mis en concurrence, certains actes peu rentables seront délaissés par les prestataires peu soucieux de la mission globale à laquelle faisait référence le service public initialement organisé.

Il est clair que l’idéologie du « marché autorégulateur » est celle de l’actuelle Union Européenne.

En cela, l’AGCS n’est qu’un outil parmi d’autres, mais c’est un outil excessivement puissant. En effet lorsqu’un état membre a engagé un service à la concurrence internationale, il lui est pratiquement impossible de revenir en arrière.

C’est un outil d’autant plus puissant que les négociations le concernant se passent très loin des usagers ; elles sont menées sous l’égide du « comité 133 » dont les membres sont nommés par les différents gouvernements, et dont le fonctionnement varie de la majorité qualifiée à l’unanimité selon les dossiers - bref, d’une façon très obscure et non maîtrisable pour les citoyens ! Les règles de fonctionnement étant révisées dans le projet de Convention européenne, attac a demandé que les accords commerciaux concernant l’éducation et la santé soient toujours conclus dans le cadre de l’unanimité, contrairement à ce qui est prévu dans le texte en projet.

Les résistances doivent s’amplifier !

1° La campagne « STOP AGCS » menée par des associations, syndicats et par un collectif réunissant certains d’entre eux doit être continuée :

Interpeller les élus (députés français et européens, maires, conseillers régionaux, généraux et municipaux) pour qu’ils signent l’appel du 3 décembre « pour la suspension des négociations sur les services » (533 signataires en septembre 2003 ; consulter la liste de ceux-ci sur les sites www.urfig.org et www.transnationale.org).

Demander aux élus la révision du mandat de P.Lamy (le négociateur européen) à l’instar de ce qu’ont déjà fait les gouvernements belge et autrichien. Ce mandat très large et très ambigu est le même depuis Seattle, malgré les protestations.

Demander aux élus d’interroger leurs ministres sur des articles de l’accord (art.6.4 et les art.14 ,15 ,19/21). ce qui suppose que les élus auront lu les articles et que les ministres pourront répondre sans délai... Surprises en perspective !

Solliciter les maires et conseillers municipaux pour que leur municipalité se déclare « hors AGCS » ; actuellement plus de 220 communes, dont Paris, ont souscrit à ce principe en France ; leur liste est consultable sur les sites ci-dessous.
De nombreuses communes l’ont fait également à l’étranger (Oxford, Vienne, Melbourne, Toronto, Vancouver...). La liste des « zones hors AGCS » est consultable sur les sites www.attac.org et www.gatswatch.org

2° La constitution européenne va graver dans le marbre sa définition de l’EUROPE SOCIALE.

A nous de ne pas la laisser réduire à la « peau de chagrin » qui est actuellement proposée par le projet élaboré par la Convention de Monsieur Giscard d’Estaing !

Dans le Loiret, le groupe de travail d’ATTAC45 sur l’AGCS/OMC * a participé à des campagnes d’information sur ce sujet, particulièrement au moment des sommets du G8 et des conférences ministérielles de l’OMC (Doha -2001, Cancun-2003). En août 2003, les sollicitations auprès des élus susceptibles de prendre position pour le moratoire sur l’AGCS n’ont pas encore permis d’allonger considérablement la liste des « municipalités hors AGCS » : à ce jour, dans notre département, seules les communes de Bou et de Saran ont émis un vœu dans ce sens,ainsi que le Conseil Régional (qui avait émis ce vœu avant notre campagne et à l’initiative des Verts).

Nous allons reprendre notre campagne, en sollicitant une entrevue auprès des élus, afin de les sensibiliser au problème de la disparition de la « politique », puisque les choix seront dictés par l’OMC dont la seule boussole est le droit commercial.

Notre groupe peut mettre des accompagnateurs, des pétitions à disposition des citoyens qui se sentent engagés dans cette campagne ; et notre groupe attend aussi des idées !

Christiane Laribi, Attac 45