Et un, et deux, et trois « non » : maintenant on reconstruit ! Par Attac France (juin 2008) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°46 (été 2008)

Le 12 juin, le peuple irlandais, seul autorisé à se prononcer, a rejeté par référendum le traité de Lisbonne, copie conforme du Traité constitutionnel européen. Les Français et les Néerlandais avaient rejeté celui-ci en 2005, pour les mêmes raisons : le refus d’une construction européenne néolibérale, militariste et anti-démocratique. Les réactions des dirigeants européens, dont Nicolas Sarkozy, indiquent qu’ils se préparent une nouvelle fois à tourner le dos à l’expression populaire.
Nous avons organisé une campagne de grande ampleur pour le « non de gauche » en 2005. Nous nous sommes mobilisés pour un référendum en France et contre le traité de Lisbonne il y a quelques mois. Nous avons mené de nombreuses autres initiatives face aux attaques de l’Union européenne contre les droits sociaux. Dans les mois qui viennent, le « non » irlandais doit être l’occasion de relancer notre action pour une autre Europe. Cela d’autant plus que débute au 1er juillet la présidence française de l’Union européenne. Dans cette perspective, nous appelons l’ensemble des militants d’Attac et les comités locaux à se mobiliser.

Dès à présent, et durant toute cette présidence, nous ferons entendre d’autres voix, tout d’abord pour le respect de la décision souveraine du peuple d’Irlande. Le rejet du traité par tous les peuples qui ont pu se prononcer par un référendum doit être l’occasion d’un grand débat public sur la construction européenne. Nous demandons, avec les Attac d’Europe, qu’un nouveau traité européen soit élaboré par une assemblée élue directement par les citoyens, avec la participation effective des Parlements nationaux, et adopté par référendum dans chaque État membre. Ce traité devra permettre de tout remettre à plat et de fonder ensemble une Europe démocratique, écologique et solidaire, remettant le pouvoir monétaire et financier à sa place : subordonnée.
En même temps que nous exigeons une remise à plat de tous les traités européens, il nous faut résister aux attaques contre les droits sociaux et imposer d’autres politiques, pour une Europe capable de répondre aux crises financière, sociale, écologique et alimentaire qui frappent le monde entier.

Pour cela, des outils d’éducation populaire sont prévus : un modèle de lettre à envoyer au président de la République pour exiger le respect du « non » irlandais ; un 4 pages sur la présidence française de l’UE ; un livre d’Attac France sur l’Europe et une brochure des Attac d’Europe faisant suite aux « Dix principes » ; et en projet, un observatoire sur la présidence française de l’UE, à l’inititiative de l’AITEC et avec le soutien, entre autres, d’Attac.

Et des initiatives altermondialistes se tiendront sur les principaux dossiers de cette présidence :
 « Rassemblement pour une PAC légitime et une agriculture paysanne durable dans un monde solidaire », les 20 et 21 septembre 2008 à Annecy ;
 Sommet citoyen Migrations, « des ponts pas des murs », les 17 et 18 octobre à Paris ;
 « Énergie et climat », fin novembre, en écho au sommet de Poznan en Pologne, où se tiendra le prochain sommet international sur le climat.
 Le collectif pour une autre Europe, initié par un ensemble d’organisations associatives, syndicales et politiques, dont Attac, travaillera notamment à une convergence du mouvement altermondialiste pour une autre Europe à l’occasion du contre-sommet européen du 6 décembre 2008 à Paris, ainsi qu’à la préparation d’un 4 pages pour mettre l’accent sur le grand oubli de la présidence française de l’Union : l’Europe sociale.
 Au niveau européen, le Forum social de Malmö, du 17 au 20 septembre 2008, sera l’occasion d’un rassemblement important en vue de poursuivre des campagnes jusqu’à un échelon européen, avec l’objectif, en particulier, d’une mobilisation sur l’Europe sociale en mars 2009.

D’ici les élections européennes de juin 2009, tandis que s’intensifient la fracture entre la construction européenne et les citoyens et la crise systémique du néolibéralisme dans le monde, le mouvement altermondialiste fera entendre sa voix pour une autre Europe, dans un monde démocratique, écologique et solidaire.

Une présidence peut-elle commencer dans le dos des peuples ?

Le 1er juillet 2008, le président de la République française a endossé l’habit de président de l’Union européenne. Les quatre chantiers qu’il a promis d’ouvrir durant le second semestre de cette année concernent la politique agricole commune, la politique d’immigration, la question du climat et de l’énergie et la politique de défense.

On pourrait se féliciter du choix de ces objectifs. Malheureusement, certaines décisions déjà prises ou projetées par les institutions européennes (Commission et Parlement), avec l’aval des chefs d’État ou de gouvernement, augurent mal de l’avenir. La directive « retour » dessine une politique d’immigration honteuse. L’Union européenne propose une politique énergétique et une réforme de la politique agricole qui ne sont ni à la hauteur des enjeux climatiques, ni en mesure de répondre à la crise alimentaire qui a éclaté au cours des derniers mois. Quant à la proposition de Nicolas Sarkozy de réintégrer le commandement intégré de l’OTAN, elle équivaut à donner quitus à la politique agressive des États-Unis. Et on cherche vainement la moindre proposition de la Présidence française en matière de régulation financière. En revanche, la France vient d’approuver le projet de directive européenne autorisant l’allongement de la durée du travail jusqu’à 60 ou 65 heures par semaine.

Chaque fois qu’on leur demande leur avis, les peuples désavouent le projet d’inscrire définitivement l’Union européenne dans un monde où règne le droit de la concurrence et où sont minorés les droits sociaux. Malgré cela, la fuite en avant dans la libéralisation mondiale continue, et elle ne peut conduire qu’à l’aggravation des crises de toutes sortes, financière, sociale, alimentaire, écologique, ainsi qu’à la mise en cause des principes démocratiques les plus élémentaires.

La fiction du traité de Lisbonne « simplifié » s’est effondrée. Aussi, Attac réaffirme son attachement à ce qu’un traité européen soit élaboré démocratiquement par une assemblée élue à cet effet, de sorte que les citoyens et les parlements nationaux soient parties prenantes de ce processus. Attac exprime également sa conviction que la profondeur des crises engendrées par le néolibéralisme exige d’inaugurer une ère de politiques résolument alternatives, tant en matière sociale qu’écologique. Le temps de la finance reine a assez duré.

ATTAC France