Un OUI de nantis ! Par Alain Delannoy (juin 2008) Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°46 (été 2008)

« Non » ! et paf : re-« non » ! Cette fois ce sont les Irlandais qui ont dit « non » à la nouvelle mouture de la constitution Giscard, comme les Français, puis les Néerlandais, l’avaient déjà fait en 2005, et comme notre département... Mais pas comme Orléans ! Orléans où nous nous étions activement démenés, avec Attac, pour appeler à refuser ce traité constitutionnel, rejoints à l’époque par des personnes d’horizons politiques divers - dont PS et Verts dégoutés de la position prise par leurs édiles. Cette fois encore, nous avons appelé à voter « non », ou plutôt « no » : en signant une pétition invitant les Irlandais à dire « non » pour tous leurs frères européens frustrés de référendum.

C’est que la démocratie a été bien mise à mal ! Traîtrise d’un PS français qui fait mine d’exiger un blanc-seing populaire... Alors que notre sénateur estampillé PS, Jean-Pierre Sueur, rompant la discipline abstentionniste de son parti, approuve, de concert avec les UMPistes Doligé et Grouard, la réforme constitutionnelle Sarko ! Même traîtrise que l’on retrouve outre-Manche quand les travaillistes, qui promettent d’abord un suffrage universel, le refusent maintenant tant le No est, là-bas aussi, quasi certain, comme il l’est en Allemagne, et toujours en France (à 53% selon un récent sondage)... et peut-être bien dans une majorité des peuples qui fondent l’Europe ? Alors, à Attac, nous avons aussi envoyé, comme bouteilles à la mer vers « l’île d’émeraude », quelques lettres (en anglais !) pour, en paraphrasant le talentueux éditorialiste de la Rép, Jacques Camus, encourager « 4,2 millions d’Irlandais à imposer leur « non » à une poignée de potentats européens ».

Mais, remarquera t-on finement : Verts, PS, anti-avortements irlandais, lepénistes, altermondialistes, communistes, NDA, Chevènement, Fabius, Garaud et les chasseurs de tourterelles... quelle unité tirer de ce qui n’est en aucun cas - là-bas comme ici - un « front du non » ? Pire encore, quand la plus jolie des sarkozistes, Rama Yade, en visite à Orléans le jour même du résultat irlandais, révèle qu’elle aussi, en 2005, a voté « non » au TCE ! Elle : on ne peut pas la suspecter de racisme ni de collectivisme, quand même ? Taquinerait-elle le moineau ?

S’il n’y a pas de « front du non », mais une multitude de refus pour de bonnes ou de mauvaises raisons, y a t-il par contre un camp du « oui » ? alors même que ce « oui » rassemble les partis mêmes qui ne font habituellement que se crêper le chignon, et là s’embrassent comme vieux complices ! Comment des Mialot, Grouard, JiPS, Doligé, coutumiers de s’étriper publiquement, en viennent-ils à faire si facilement copain-copain quand il s’agit d’approuver ce texte, pourtant si contesté et contestable ? Plus haut, ce sont Hollande, Sarkozy, DSK, Royal, Chirac, VGE... et Johnny ! Ah bah : mais qu’ont-ils donc de commun ces derniers-là ? Peut être bien trois lettres : « I » comme « impôt », « S » comme « sur », « F » comme « fortune », impôt sur la fortune, ISF. Car tous ceux-là qui sont ouistes convaincus ont la chance d’y être assujettis ! Or dans le camp ouiste, si on ne trouve pas que des « riches », on n’en trouve quand même beaucoup. Et dans notre agglo, où le « oui » faisait-il son meilleur score en 2005 ? Combleux ! La banlieue d’Orléans pas vraiment célèbre pour ses barres d’HLM ni son taux de chômage. Loin de nous l’idée de vouloir prétendre que tous les nantis sont ouistes quand les moins favorisés ne le seraient pas (Le Pen est lui aussi imposé sur la fortune), n’empêche que ce camp-là du « oui » - de Jacques Camus à Christophe Chaillou - réunit quand même pas mal de bourgeois ! (Il n’y a pas de honte à en être - ne soyons pas jacobins - mais il faut bien aussi assumer sa réalité sociale).

Quand au camp du « non » - de l’Issoudunois André Laignel (député européen, PS), du Stéroruellan Tony Ben Lahoucine (conseiller municipal délégué à la culture, PS), du Sourcien Michel Ricoud (conseiller général, PCF), de Christophe Rossignol (conseiller régional, Verts), à des villiéristes ou pire, son point commun n’est pas un réflexe identitaire franchouillard, mais bien plutôt une inquiétude populaire légitime et justifiée devant une européanisation libérale promulguée au bénéfice de privilégiés et au mépris des peuples, de la démocratie, et de l’Europe sociale.

Alain Delannoy, Attac 45.