Pour un véritable développement durable d’Orléans, par Christian Weber et Ninó-Anne Dupieux (sept. 2006) Paru dans Bâbord de Loire n° 46, septembre 2006

« 52 000 visiteurs recensés lors des journées du développement durable à Orléans les 2 et 3 juin 2007 ! Orléans première ville de France à adopter une charte des achats publics durables ! Orléans encourage la vente de produits issus du commerce équitable ! Orléans s’associe à PlanetFinance, présidée par Jacques Attali, pour favoriser le développement du microcrédit au Bénin dans la région de Parakou ! » Orléans, ville modèle en matière de développement durable ! ? ?

Et si la réalité était différente ? D’abord qu’est ce que le développement durable (DD) ? Essayons de remettre les pendules à l’heure. Le DD est un processus « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (rapport Brundtland, 1987). Il s’appuie à la fois sur l’environnement, l’économique et le social. C’est un développement respectueux de la planète Terre qui prend en compte les finalités sociales : lutte contre la pauvreté, contre les inégalités, contre l’exclusion et qui recherche l’équité. Il ne peut y avoir de DD si le social n’est pas le médiateur entre l’économique et l’environnement. La déclaration de Rio (1992) rappelle que « l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités entre les peuples sont les conditions essentielles d’un développement qui satisfasse durablement les besoins des habitants de la planète ». Il apparaît clairement que nous sommes loin de l’utilisation du terme faite par l’OCDE, la plupart des industriels et les écolo-libéraux.

L’agenda 21 de Rio (en anglais agenda = ordre du jour) met l’accent sur la place des collectivités locales et de leurs partenaires économiques et sociaux pour mettre en œuvre le DD. Il recommande l’élaboration d’ « agendas 21 locaux », impliquant fortement les habitants, l’ensemble des acteurs locaux et les entreprises. C’est en effet dans les villes que se posent le plus les problèmes de pollution, d’accumulation de déchets, de consommation d’espace et d’énergie, mais aussi d’inégalités sociales, de pauvreté et d’accès au droit au logement. (http://www.association4d.org/IMG/pdf/agenda_21_local.pdf)

L’Agenda 21 de la ville d’Orléans (mars 2006), se présente comme une magnifique opération de communication, conduite par un bureau d’études, Etik Presse, spécialisé dans l’édition de journaux, qui a également réalisé l’Agenda 21 de la ville de Massy. Feuilletons ensemble le document de 52 pages diffusé auprès de tous les habitants d’Orléans. Il commence par 5 bonnes raisons pour le DD, 4 dates, 3 axes, 2 méthodes (la transversalité, la participation), 1 outil (l’agenda 21). Il décline ensuite 6 thématiques (déplacement, urbanisme, déchets-eau-énergie, exclusions, économie-consommation, démocratie-culture). Les trois dernières pages sont consacrées au concret : les 234 actions à mener, publiées en tout petits caractères, véritable inventaire à la Prévert ou lettre au Père Noël, listant tout ce qu’il serait possible et souhaitable de réaliser. En fin d’année 2006, la municipalité constatait que 80 actions avaient été réalisées, d’autres étant en cours, comme par exemple une réflexion sur la mobilité durable de ses 2700 agents, par le même cabinet Etik Presse, financé à 70% par l’ADEME et la Région Centre.

Regardons de plus près la partie concernant l’urbanisme et les actions qui y sont liées. On parle de tri sélectif (34), d’éléments solaires (35), de végétalisation des constructions (36), de prévention des risques (37), de rédaction d’un guide (38), du vélo (39), des déchetteries (40), etc…Rien qui concerne l’accès aux logements sociaux, la mixité sociale. La « prise en compte de la philosophie d’urbanisme durable dans le grand projet de ville (GPV) » , annoncée dans les thématiques prises en compte, reste un vœu pieux. Il suffit de regarder ce qui est advenu du GPV de la Source pour voir qu’il n’y a rien de « durable » dans la destruction d’immeubles (la réaction des habitants de la rue Bossuet a permis d’éviter le pire) ni dans l’absence de relogement correct des personnes expulsées ou dans l’augmentation de 50 à 80 % du loyer des logements réhabilités.

Il en va exactement de même pour le chapitre concernant l’exclusion. On y trouve 40 actions clés relatives au handicap, mais rien de solide concernant la grande précarité : On y parle de faciliter le parcours d’insertion (151), de développer les guichets uniques (152), mais aussi de bonnes intentions qui n’ont pas vu le jour : construire un foyer ouvert jour et nuit pour les femmes en situation de détresse (154), accroître les capacités des structures d’accueil des personnes en difficultés (160), ne pas séparer les familles dans les structures d’accueil (161), etc… Clairement, la préparation et la mise en œuvre de ce chapitre ne peut se faire qu’en concertation avec les travailleurs sociaux. Or on sait quel rôle le pouvoir actuel et la mairie d’Orléans leur font jouer : partager avec le maire le secret professionnel, confondre prévention et répression dans un Conseil local de la Sécurité et de prévention de la délinquance. Cela ne va pas précisément dans le sens du développement durable.

Les prochaines élections municipales doivent fournir une occasion de démystifier la politique de DD mise en œuvre par la ville d’Orléans : bien faire comprendre que le DD est tout autre chose que la préconisation de mesures élémentaires de sauvegarde de l’environnement, relevant souvent du gadget visant à responsabiliser, voire même à culpabiliser le citoyen, (cf p. 4 de couverture de la brochure diffusée : ne pas laisser le robinet ouvert pendant que l’on se brosse les dents, acheter des produits de saison…). Ce devrait être une opportunité pour élaborer collectivement, avec les populations et acteurs concernés, un programme de lutte contre les inégalités dans la cité, en plaçant la priorité sur les quartiers populaires.

L’ouvrage de 131 pages « Repères pour l’Agenda 21 local », publié par l’association 4D, déjà cité, insiste sur l’enjeu que représente le développement social urbain : « Rares sont les agglomérations qui ne connaissent pas de dysfonctionnements urbains : quartiers dégradés, poches de pauvreté, chômage et exclusion, violence... On constate que les zones en difficulté sur le plan social sont aussi celles qui connaissent des taux de chômage parmi les plus élevés et sont confrontées à de graves problèmes d’environnement : pollution de l’air, bruit, effets de coupures des grandes infrastructures de transports, risques naturels et industriels (…). On se situe donc au cœur de conflits entre le développement social, le respect de l’environnement et l’activité économique que le développement durable doit s’efforcer de résoudre en partant de l’entrée sociale ».

Orléans n’échappe pas à ce constat. Il reste donc beaucoup à faire à Orléans !