Bon anniversaire au FMI et à la Banque mondiale ! par Laurent Lhuillier (été 2004) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°25-26, été 2004

22 juillet 1944 : Les accords de Bretton Woods actent la naissance de l’hégémonie américaine sur l’économie mondiale.

Il y a 60 ans, 15 jours à peine après le débarquement en Normandie (tout un symbole !), débutait la conférence internationale de Bretton Woods qui verra la signature des accords du même nom, instaurant le dollar US comme valeur de change de référence, au même titre que l’or.

Ainsi, les Etats-Unis, après s’être imposés comme la grande puissance militaire mondiale (avec l’URSS) durant cette seconde guerre mondiale finissante, s’impose comme la première puissance économique, détrônant la Grande-Bretagne et l’Europe, victorieuses mais ruinées.

Le constat des 44 signataires des accords de Bretton Woods tenait en une phrase : c’est l’instabilité monétaire de l’entre-deux guerres qui fut le premier facteur de la crise économique et donc de la montée du fascisme et du nazisme. Et leur préconisation tenait en une autre : Seuls le libre-échange (favorisé qu’il serait par un système de changes fixes) et la croissance permettront la stabilité internationale. La paix dans l’abondance...

Le principe fondamental qui sous-tend les accords de Bretton Woods est donc que la liberté et le bonheur des peuples passent, organisés sous la férule de l’ONU, par le libéralisme économique.

Et, en 2004, alors même que le système des parités fixes, cœur des accords de 1944, a été abandonné, ce principe est plus que jamais économiquement dominant et est porté par deux organismes, créés suite à Bretton Woods et toujours bien vivants : le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale (FMI et BM), chargés à l’époque de favoriser les prêts pour la reconstruction de l’Europe et de surveiller le nouveau système monétaire international*.

Tous les économistes s’accordent pour dater la fin du « Système Bretton Woods » à 1971, quand Richard Nixon, suite au redressement des monnaies européennes et la baisse des réserves d’or américaines, décide de suspendre la convertibilité du dollar en or et de dévaluer. C’est la conférence de Kingston, en janvier 1976, qui entérinera officiellement le retour à un « non-système monétaire international ».

Car, somme toute, les accords de Bretton Woods, sous la houlette des Nations Unies, avaient pour volonté d’imposer une certaine réglementation du libéralisme en le favorisant de manière encadrée : Notons que parmi les signataires figuraient J.M. KEYNES pour la Grande-Bretagne et Pierre MENDES-FRANCE pour la France, partisans du mythe du « capitalisme humain », ancêtre du « économie de marché mais pas société de marché ».

Depuis la lente déconfiture des accords de Bretton Woods et sa fin, seuls en subsistent ses deux rejetons, le FMI et la BM, livrés à eux-même et imposant leur dogme aux pays les plus pauvres, sans aucun contrôle et avec la bénédiction d’un autre avorton libéral : l’OMC (dont l’ancêtre, le GATT, est né lui aussi de Bretton Woods).

Ainsi, 60 ans après le grand élan de Bretton Woods, certains se sont montrés favorables au retour à une réglementation nouvelle de la monnaie et de l’économie (notamment lors de la conférence de Williamsburg en 1983 puis lors de la crise financière internationale de 1997) : il leur a été répondu (rapport de la commission monétaire de l’OMC de janvier 1998) que « le retour à des taux de change rigides sont des freins inadaptés à la liberté nécessaire des mouvements libres de capitaux ».

Les accords libéralo-humanistes de Bretton Woods voulaient le bien de tous selon des dogmes erronés, la fin de ces accords a consacré le principe qu’une « meilleure économie » ne se traduit en « mieux » que pour une minorité.

Laurent Lhuillier, Attac 45.

*Aujourd’hui, ces deux institutions, bras armés du néolibéralisme triomphant, imposent à coups de prêts sous conditions des destructurations drastiques de ce qui peut exister en terme de solidarité sociale et de bien commun dans les pays pauvres.