Annulons la dette de l’Asie, par Damien Millet (janvier 2005) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°28, décembre 2004 / janvier 2005

Les dégâts causés par le séisme du 26 décembre 2004 en Asie sont gigantesques. Les victimes dépassent le nombre de 145 000. Des villages entiers sont dévastés, des centaines de milliers de personnes ont perdu des proches et sont sans abri. Les risques sanitaires sont considérables.
L’aide internationale tente de se mettre en place. Les Nations unies demandent un plan exceptionnel. Une première estimation indique que le montant des dégâts pourrait dépasser 10 milliards de dollars. Voilà pour le visible et le médiatique.

A côté de cela, la dette continue de faire son œuvre. De façon moins spectaculaire, mais tout aussi ravageuse. La communauté internationale cherche comment aider les pays meurtris et, pendant ce temps, les pays riches, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), les banques privées et les marchés financiers attendent leurs remboursements en provenance d’Indonésie, d’Inde, du Sri Lanka, de Thaïlande et de Malaisie.

Selon les derniers chiffres publiés par la Banque mondiale, la dette extérieure publique des cinq pays les plus touchés s’élève à plus de 300 milliards de dollars. Les remboursements qu’elle implique sont gigantesques : plus de 32 milliards de dollars par an, qui se dirigent à 36 % vers les institutions multilatérales comme la Banque mondiale, à 25 % vers les pays riches et à 39 % vers les créanciers privés.

Comment comprendre que tous ces créanciers puissent continuer à exiger des remboursements de la part de pays aussi gravement frappés ? Des sommes colossales sont nécessaires pour porter secours aux populations ayant survécu au séisme et l’annulation totale de leur dette extérieure peut les fournir. Il est du devoir des grands argentiers de la planète de cesser les manœuvres géopolitiques déplacées pour enfin agir vraiment.

Car d’autres tsunamis plus terribles frappent la planète, et l’opinion publique doit en prendre conscience. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), « le décès de plus de 30 000 enfants chaque jour, pour des raisons qui auraient pour l’essentiel pu être évitées, passe inaperçu. Pourquoi ? Parce que ces enfants sont les victimes invisibles de la pauvreté ». Dans le monde, 2,8 milliards de personnes, soit près d’un être humain sur deux, survivent avec moins de 2 dollars par jour, et 850 millions de personnes souffrent de la faim. Là aussi, la dette fait son œuvre, les populations se saignent aux quatre veines pour que leur pays rembourse les riches créanciers du Nord, avec la complicité des détenteurs de capitaux du tiers-monde. Chaque année, les pouvoirs publics de tous les pays en développement remboursent plus de 230 milliards de dollars au titre de la dette : c’est une véritable hémorragie. L’aide au développement du Nord, chiffrée à 68 milliards de dollars en 2003, est à la fois très insuffisante et mal répartie, d’autant plus qu’elle profite souvent bien plus à de grandes sociétés transnationales qu’aux populations les plus vulnérables.

Il est temps d’exiger des grandes puissances une véritable annulation de la dette extérieure des pays dévastés. Ils remboursent des sommes colossales et ne sont pas en mesure de garantir le minimum vital à leurs peuples. Je ne vous parle pas de charité : il s’agit de justice. L’annulation totale de la dette extérieure publique est désormais une exigence morale minimale.

Damien Millet

CADTM France.