Pingrerie du G8 sur la dette - communiqué du CADTM (été 2005) Extrait de la Lettre n°31-32, été 2005

La réunion des ministres des Finances du G8 s’est soldée le 11 juin par les déclarations tonitruantes des représentants des pays les plus riches, annonçant notamment une annulation « historique » de la dette des pays pauvres.

Le CADTM surveille de près ces effets d’annonce qui, par le passé, ont toujours débouché sur des annulations cosmétiques dissimulant un renforcement de la domination des pays créanciers, comme dans le cas de l’initiative PPTE (42 pays pauvres très endettés) annoncée en 1996 au G7 à Lyon et renforcée en 1999 au G7 à Cologne [1]. L’analyse rigoureuse des modalités pratiques concernant l’annonce de l’annulation d’hier permettra, dès qu’elles seront publiques, de porter un jugement complet. D’ores et déjà, plusieurs remarques s’imposent.

Primo, le coût de cette opération s’élèverait pour les pays riches à environ 2 milliards de dollars par an, à comparer aux 350 milliards de subventions agricoles et aux 700 milliards des dépenses militaires du G8. Les pays riches seraient donc prêts à dépenser annuellement pour l’annulation de dette annoncée la moitié de ce que dépensent les Etats-Unis chaque mois en occupant l’Irak. Par ailleurs, les Etats-Unis financeraient leur contribution en puisant dans leur maigre aide publique au développement, bref sans rechercher des ressources additionnelles.

Secundo, un changement d’approche est annoncé : si l’on en croit le G8, il s’agirait pour la première fois d’une véritable annulation de stock de la dette [2] et pas d’un simple financement du service de la dette [3] versé aux institutions multilatérales. Si c’était bien le cas, cet aspect de la décision constituerait un petit pas en avant à mettre au crédit de l’activité inlassable des dizaines de milliers d’activistes qui luttent pour des annulations claires et nettes de dettes dues à la Banque mondiale, au FMI et aux autres banques multilatérales. Un bémol cependant : selon le G8, il n’y aura pas d’annulation de dette à l’égard de la Banque inter-américaine de développement (BID) ni à l’égard de la Banque asiatique de développement (BAsD). Or, ces banques multilatérales réclament des sommes importantes à certains PPTE tels la Bolivie, le Nicaragua, le Honduras, la Guyane, le Vietnam, le Laos.

Tertio, dans le meilleur des cas, les annulations annoncées, si elles étaient concrétisées, ne constitueraient même pas une annulation à 100% des dettes des seuls 18 pays concernés. Affirmer le contraire est mensonger car tous ces pays resteront endettés à l’égard de certains créanciers bilatéraux (dont des pays du G8), de certains créanciers multilatéraux (BAsD, BID et autres), de créanciers privés [4].

Quarto, dans les 18 pays concernés ne vivent que 5% de la population des Pays en Développement (PED). Si la mesure est étendue dans les années à venir à l’ensemble des 42 PPTE, cela ne concernerait encore que 11% de la population des PED. La majorité des habitants les plus pauvres de la planète vivent dans d’autres PED. Au total, il y a 165 PED.

Quinto, la décision du G8 implique la poursuite de l’initiative PPTE qui soumet les pays concernés à de très fortes doses de politiques néolibérales : privatisation des ressources naturelles et des secteurs économiques stratégiques au profit des transnationales des pays riches, augmentation des coûts de santé et d’éducation pour la population, augmentation de la TVA, libération des mouvements de capitaux qui favorisent la fuite de ceux-ci comme plusieurs études de la CNUCED l’ont démontré, baisse des protections douanières des pays concernés ce qui entraîne la disparition des millions de petits et moyens producteurs qui ne sont pas capables de résister à la concurrence des marchandises importées...

Le CADTM de commun accord avec de très nombreux mouvements qui luttent, tant au Sud qu’au Nord de la planète, pour l’annulation de la dette, exige l’abandon des conditionnalités néolibérales. L’annulation des dettes doit être INCONDITIONNELLE. Les populations du Sud et leurs mouvements sociaux, les parlements des pays concernés sont en mesure d’exercer un contrôle sur l’application de mesures d’annulation afin que celle-ci profite réellement à ceux qui en ont besoin.

Le CADTM réclame l’annulation totale et immédiate de la dette extérieure publique de tous les pays en développement, qui est le principal obstacle à la satisfaction des besoins humains fondamentaux. L’initiative de Londres ne peut résoudre ni le problème de la dette ni celui de la pauvreté puisqu’elle ne porte que sur 2 % de la dette extérieure des pays en développement.

Le CADTM appelle à se mobiliser massivement en Ecosse à Edimbourg et à Gleneagles du 1 au 6 juillet dans le cadre de la mobilisation « Make G8 history » (Reléguer le G8 à l’histoire) et du 6 au 9 juillet à Fana au Mali dans le cadre du 4e Forum des peuples.

Communiqué de presse du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde).


[1] Voir : www.cadtm.org/fr.mot.php3?id_mot=21.
[2] Montant total des dettes.
[3] Somme des intérêts et de l’amortissement du capital emprunté.
[4] Dans les 24 PPTE qui ne sont pas concernés par la décision du G8 figurent la Côte d’Ivoire dont 35 % de la dette extérieure sont dus à des créanciers privés. Pour l’Angola, cela représente 27% ; pour la République démocratique du Congo, 20 % ; pour le Soudan, 21 %. (Source : Banque mondiale, 2004).