Retour d’Athènes, par Pierre Berthelier (11 juin 2013) Un compte-rendu de l’Altersommet

RETOUR d’ATHÈNES

Pierre BERTHELIER

11 juin 2013

La délégation portugaise chante « Grandola, Vila Morena » (la chanson de la révolution des œillets) pendant la session plénière de L’ALTERSOMMET, le 7 juin 2013

Dans l’indifférence générale des médias français, l’ « ALTER-SOMMET » européen vient de se terminer à Athènes. Pour la première fois depuis le Forum Social Européen de Florence (en 2002, lorsque l’alter-mondialisme était à la mode), il a permis à toute une galaxie de mouvements, de syndicats, et de partis européens (180 au total) de se concerter et d’organiser une riposte commune face à la crise.

La crise grecque était bien entendu au centre des discussions ; d’autant que face au désastre des politiques d’austérité, la Troïka commence à se fissurer. Par des fuites savamment organisées, le FMI cherche à se dédouaner, et à faire porter la responsabilité de la tragédie grecque sur la Commission Européenne. Selon le FMI, une nouvelle restructuration massive de la dette est inévitable. Mais la discussion s’annonce ardue, car les autorités allemandes ne veulent pas en entendre parler tant que le gouvernement grec n’intensifie pas l’austérité – et les privatisations bradées. Le pays est à genoux, il faut encore le faire plier. Mais la Grèce en a vu d’autres. Comme l’écrivait le poète Yannis Ritsos :

« Ne pleure pas sur la Grèce, – quand on croit qu’elle va fléchir,
Le couteau contre l’os et la corde au cou,
La voici de nouveau qui s’élance, impétueuse et sauvage,
Pour harponner la bête avec le trident du soleil 
 »

Mais les grecs ne sont pas les seuls à expérimenter la « Stratégie du Choc » des nouveaux Docteurs Folamour : les espagnols, les portugais (pour ne citer qu’eux) suivent le même chemin : chômage massif, santé et éducation sacrifiées… sans que le sacro-saint ratio de dette/PIB ne fléchisse.

Source : FMI, World Economic Outlook, April 2013
Source : FMI, World Economic Outlook, April 2013

Alors que faire ? C’est une première historique, les 180 organisations présentes à Athènes ont adopté un « Manifeste des Peuples » pour refonder l’Europe sur les principes démocratiques qu’elle n’aurait pas dû renier. En matière économique, loin des outrances ultra-gauchistes, le Manifeste reste sage, et devrait recueillir l’approbation de tout keynésien raisonnable :

 Arrêt des politiques d’austérité, renégociation des dettes publiques sans porter préjudice aux petits porteurs,
 Moratoire sur les paiements de dettes permettant de relancer les services publics et les investissements de transition écologique,
 Taxation exceptionnelle des grandes fortunes et des grandes sociétés en éradiquant les paradis fiscaux,
 Prêts directs de la BCE aux Etats, à faible taux, sous contrôle démocratique.

Mais la sagesse des autorités n’est pas ce qui règne sur le monde néo-libéral, où les grands prédateurs ont réussi à bloquer les voies nouvelles de sortie de crise depuis 2008, et à intoxiquer les gouvernements européens... Comme le faisait dire Sophocle à Œdipe « Ceux que Zeus veut perdre, il les rend aveugles. »

Pour soutenir ces revendications (et toutes celles des autres domaines, sur la précarité, les salaires, les migrations, les systèmes bancaires, etc…), un calendrier de mobilisations coordonnées a été préparé. L’Alter Sommet s’est terminé le 8 juin par une grande manifestation de la place du Musée à celle de la Constitution : pacifique et aux couleurs de tous les pays européens… mais faute d’affrontements et de cocktails Molotov, ceci ne fit pas une ligne dans les gazettes françaises.

Le calendrier des mobilisations sera publié dans les prochaines semaines sur le site de l’Altersummit, et il sera popularisé, à Orléans, par le Comité d’Audit Citoyen du Loiret. Aux citoyens européens de s’en saisir… puis de saisir leurs bulletins de vote aux élections européennes de Juin 2014. Si d’aventure les chaos économiques et sociaux européens débouchaient sur les mêmes chaos politiques que ceux des années 30, nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas prévenus. Souvenons-nous que l’Europe a été, jadis, enlevée par un taureau furieux qui l’a mise à sac…

Max Beckmann « L’Enlèvement d’Europe », 1933 - Berlin.
Retour d’Athènes, par Pierre Berthelier