CODE DU TRAVAIL : HALTE À LA CASSE !

, par André

RÉUNION PUBLIQUE le 23 mars 2016 à 20h MÉDIATHÈQUE ORLÉANS

Organisé par Attac45.

Avec Daniel BOULMIER

Maître de Conférence en droit privé Université de Lorraine. Directeur de l’Institut Régional du travail de Nancy de 2003 à 2013 (publie régulièrement des chroniques dans les revues Droit Social et Droit Ouvrier)

 

CODE DU TRAVAIL : HALTE à LA CASSE !

Parlons en, bougeons nous ! L’apathie est un danger !

Le projet de loi concocté par nos gouvernants et applaudi par le MEDEF et certains candidats aux primaires de la droite "républicaine" constitue une étape supplémentaire dans le démantèlement des droits des salariés dans le code du travail. Une réaction s’impose, à la hauteur de cette attaque frontale, contre ce coup de hache supplémentaire dans ce qui subsiste encore des limites à la toute puissance patronale.

Mais d’abord, il faut en mesurer la nocivité. A ce titre il faut peut être prendre garde à ne pas focaliser son attention sur certains des aspects les plus saillants du projet qui ne sont pas nécessairement les plus dévastateurs.

Derrière le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse se cachent d’autres méfaits qui vont impacter directement la survie des contrats de travail. Certes, cette limite apportée à l’impérium du juge est détestable pour de multiples raisons qui sont développées par les commentateurs, mais il n’est pas interdit d’imaginer que les promoteurs du projet lâchent du lest sur ce point, très critiquable en droit, pour faire avaler des mesures tout aussi dévastatrices mais plus pernicieuses et d’une dangerosité plus difficile à percevoir. On en a fait l’expérience avec certaines lois précédentes où le chiffon rouge agité sous nos yeux ( travail du dimanche dans la loi Macron) dissimulait d’autres vilenies plus discrètes ( justification du licenciement économique en cas de refus par le salarié de la modification de son salaire et/ ou de ses horaires après un accord de maintien de l’emploi par exemple) mais tout aussi dommageables .

Dans le projet qui sera présenté le 9 mars , le temps de travail "assoupli" à la hausse et l’extension des forfaits jours, les majorations pour heures supplémentaires en option, les licenciements économiques facilités en cas de baisse de commandes ou du chiffre d’affaires temporaires, la modulation du temps de travail et de la rémunération par des accords "offensifs" pour la conquête de nouveaux marchés et le référendum pour court-circuiter l’opposition des syndicats majoritaires aux accords d’entreprise régressifs réalisent un pas de plus vers la "modernité" et le droit du 21ème siècle selon le premier ministre et ses supporters inféodés. En réalité, cette réforme consacre encore un peu plus le "droit" du salarié à se soumettre aux lois du marché, le salarié jetable, soumis ou démis.

D’après les partisans de cette adaptation de notre droit aux réalités économiques "imposées" par l’ouverture des frontières et la concurrence internationale, la résorption du chômage sera au rendez vous. Peut être pas maintenant, mais sans doute à Pâques, ou un jour, ou à la trinité...Enfin bref, on verra bien ... Alors, silence les "archaïques" qui sont restés au 19ème siècle, selon monsieur Valls. Le progrès est en marche. Ça passera de gré ou de force nous assène, martial, le premier ministre. L’avenir , c’est maintenant.

Archaïque, vous avez dit archaïque ? Mais qui souhaite nous ramener au XIX ème siècle en attaquant méthodiquement les protections sociales mises en place depuis des décennies ? Qui s’emploie à éliminer les dispositions du droit du travail conquises par les salariés pour échapper, précisément, à leur condition sinistre du XIX ème ?

Archaïque , le fait de s’interroger sur les résultats des réformes qui ont déjà mis en place la rupture conventionnelle pour sécuriser la rupture du contrat de travail afin, soi disant , de faciliter l’embauche, instauré le pacte de responsabilité qui devait entrainer la création d’un million d’emplois, et limité le contenu des plans de sauvegarde de l’emploi (adaptation du contenu aux moyens de l’entreprise) et les possibilités d’en contester la teneur ?

Archaïques , ceux qui veulent croire que le fait de perdre son emploi sans cause réelle ni sérieuse doit donner lieu à la réparation intégrale du préjudice qui en résulte comme dans tous les autres domaines du droit sans que le juge soit bridé par un barème forfaitaire et fantaisiste ?

Archaïques , ceux qui veulent croire que la modernité, les gains de productivité spectaculaires accomplis dans les entreprises au cours des dernières années pourraient déboucher sur une amélioration de la qualité de vie au travail comme dans la vie personnelle et des niveaux de salaire adéquats et vers une augmentation du temps de vie personnelle en échappant ainsi au fatal adage "perdre sa vie à la gagner" .

Passéistes , les citoyen(e)s qui considèrent que faciliter les licenciements n’a jamais permis de créer des emplois ( en 1986, l’autorisation administrative exigée dans la loi du 3 janvier 1975 pour les licenciements économiques a été supprimée ; combien d’emplois créés, combien de chômeurs en plus ?) et que la solution du chômage est peut être à chercher dans le partage du travail pour que trois millions cinq cent mille sans emplois ne continuent pas, désemparés , à regarder les actifs se tuer au travail. On peut aussi songer à la qualité de vie au travail ( ANI du 19 juin 2013 ) favorisant la créativité des salariés, facteur de qualité des produits et de leur attractivité ?

Archaïques enfin , Alain Supiot, professeur au Collège de France, éminent juriste spécialiste du Droit du travail, lorsqu’il écrit dans L’esprit de Philadelphie La justice sociale face au marché total (Seuil 2010) " réformer, au sens que ce mot a acquit dans l’histoire sociale, ne consiste pourtant pas à s’adapter à l’injustice du monde, mais à se donner les moyens théoriques et pratiques de la faire reculer" ?

Face à ceux qui installent durablement l’injustice sociale, ici et ailleurs, il est grand temps de proposer d’autres voies que la résignation et l’apathie. Faire vivre le débat précurseur de l’action locale et globale, c’est ce à quoi Attac 45 convie tous les citoyens(e)s le 23 mars à la Médiathèque d’Orléans à 20h.

Comme l’écrivait Stéphane Hessel après Indignez -vous, Engageons nous ! !

BL