8ème université d’automne

Pour la souveraineté alimentaire, quelles politiques pour demain ?

Avec Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac, agronome et membre de la Société Française d’Economie Rurale, lors de notre Université d’Automne 2008.

HISTORIQUE

Aurélie Trouvé retrace tout d’abord l’évolution de l’agriculture contemporaine : l’augmentation de la production et de la productivité entraînant l’intensification de l’emploi d’engrais, d’intrants et de la mécanisation, avec pour conséquence l’augmentation du capital par rapport à la terre et à l’homme, et la diminution du nombre des petites exploitations.

Ensuite, à partir des années 1970, s’installe le problème des excédents de production, des débouchés, du chômage. La PAC est mise en place avec pour objectifs :
 le soutien aux prix agricoles,
 la préférence communautaire,
 la protection des marchés intérieurs,
 les subventions aux exploitations.

A partir des années 1980, une politique agricole ultra-libérale se met en place, qui atteint son sommet en 1994 avec le GATT : l’agriculture est le secteur premier et principal à "libéraliser".

Actuellement, depuis la réforme de la PAC en 2003, les aides allouées initialement uniquement à certaines productions (céréales-viande-lait)ont été transformées en « aides découplées » : aides à l’hectare quelle que soit la production (et même si on ne produit pas !).

On assiste aussi à l’alliance des intérêts néo-mercantiles et néo-libéraux :
 intérêts néo-mercantiles : forte intervention de l’Etat au service de l’augmentation de la production et de la productivité pour avoir une amélioration de la balance commerciale (cas de la france soutenue par la FNSEA).
 intérêts néo-libéraux : cas de la Grande-Bretagne importatrice nette de produits agricoles. Les outils de marché sont démantelés et les « entreprises alimentaires » s’approvisionnent sur les marchés mondiaux aux prix les plus bas.

Entre parenthèse, il faut signaler qu’en Europe 10 centrales représentent 40% des marchés alimentaires, et empochent les bénéfices des baisses de prix sur le marché, les prix à la consommation restant stables.

Autre constatation : quand on démantèle les outils de marché, c’est le prix mondial qui fait la loi et seule l’agriculture industrielle peut s’en sortir.

En conclusion, la politique agricole actuelle est dans une véritable impasse.

QUE FAIRE ?

Il faut d’abord réaffirmer certains principes essentiels et fondamentaux :
 Droit à la souveraineté alimentaire : chaque Etat doit pouvoir définir sa propre politique agricole, à condition que ce la ne nuise pas aux pays tiers.
 Droit à une alimentation suffisante et saine et à un environnement sain : c’est le premier des droits humains.
 Préservation des ressources naturelles.
 Lutte contre la pauvreté rurale (80% des malnutris dans le monde sont des paysans).

QUELLES ALTERNATIVES PEUT-ON ENVISAGER ?

 Faire le lien entre le local et le global.
 Réaffirmer la souveraineté et la sécurité alimentaires (qui sont 2 choses différentes).
 Arrêter toutes les formes de « dumping ». Mener une politique de stabilisation des marchés pour permettre d’avoir un revenu agricole suffisant tenant compte des coûts réels de production.
 Arrêter les accords de partenariat économiques bilatéraux qui avantagent les pays puissants et dominateurs. Mettre en place une régulation internationale dans le cadre de l’ONU et de ses organes : BIT (Bureau International du Travail), FAO, OMS...
 Etablir une taxation variable sur les produits importés en tenant compte des prix intérieurs.
 Arriver à des accords mondiaux sur les prix des produits tropicaux, qui ont chuté, pour garantir aux agriculteurs de ces pays des prix tenant compte des coûts de production.
 Accorder un soutien significatif aux zones défavorisées où la diminution du nombre d’exploitations agricoles est encore plus forte.
 Interdire tout brevetage sur le vivant et en particulier les Plantes génétiquement Modifiées.
 Soutenir les pratiques écologiques, en donnant par exemple des subventions directes pour orienter l’agriculture vers un modèle respectueux de la biodiversité et de l’environnement.
 Etablir des contrôles sanitaires et phytosanitaires.
 Démocratiser les instances agricoles et aller vers une co-gestion de l’agriculture par les consommateurs.
 Réguler le foncier (les SAFER, en France, étant de plus en plus vidées de leur sens et même parfois privatisées).
 Changer la recherche agricole actuelle, coupée du public et trop soumise au privé.
 Mettre en place un autre enseignement agricole et une politique nationale d’information alimentaire indépendante des groupes de pression agro-alimentaires.
Au cours de l’exposé, de nombreuses interventions ont eu lieu, apportant des éléments de discussion ou d’information. Ce qui a donné un atelier très vivant, instructif et intéressant