Aquattac : La privatisation de l’eau en Italie

, par attac92clamart




EAU, MOUVEMENTS, SOCIÉTÉ

 

La privatisation de l’eau en Italie

Dans les anneées ‘90 une loi cadre de réforme des collectivitées locales (Loi Bassanini) a effacé les pouvoirs des Conseils municipales de gérer les entreprises publiques et a poussé à transformer celles-ci en entreprises privées. Ensuite, d’autres lois ont amené à une progressive privatisation des services de l’eau. La privatisation s’est deroulée avec une separation entre la propriété des réseaux, qui reste publique et la gestion du service de l’eau qui peut être participée par les privés.

À partir de là s’est bien repandu l’activité d’entreprises multiutilities, transformées en societés de droit privé (s.p.a.ou s.rl. en Italie), ouvertes à l’appui du capital financier et très souvent intéressées par opérations de fusion. La plupart du capital actionnaire dans les multiutilities peut être publique, mais le but, que determine les choix, reste celui de satisfaire les attentes de profit des partenaires privés.

La loi Galli en 1994 avait fait démarrer la marchandisation de l’eau avec : l’obligation du sujet qui gere le service à parvenir à l’équilibre économique et financier, la couverture des coûts d’investissement et des charges d’exploitation et le principe « full cost recovery » qui assure une satisfaisante remuneration du capital parmi la tarification.

La dernière loi adoptée par le Parlement, sur proposition du gouvernement Berlusconi, fin 2009 prevoit qu’il faut confier la gestion des services integrés (eau potable et assainissement) à travers une adjudication, du service dans son ensemble ou d’au moins 40% de l’apport total dans les sociétés mixtes publique/privé. Le système de l’in house providing est très limité, admissible seulement dans les cas où on peut demontrer à l’autorité nationale garante de la concurrence qu’on ne peut pas recourir avec autant d’efficace au marché. La gestion in house peut etre attribué à societés de droit privé à proprieté publique. Les gestions in house encore en place vont disparaître au 31/12/2011, si l’on ne prevoît pas une participation du capital privé d’au moins 40%. À la meme date vont aussi disparaître les societés mixtes PP, qui n’ont pas confié au moins le 40% à un partenaire privé, qui soit chargé des rôles operationnels. Les societés à participation publique, auxquelles a été confiè la gestion des services integrés de l’eau, si cotées en Bourse peuvent continuer leur exercice jusqu’à l’écheance naturelle si la participation publique va se reduire jusq’à 40% au 30/06/2013 et non plus de 30% au 31/12/2015.

 

 

La position d’Attac Italie sur la privatisation de l’eau

La privatisation de l’eau est le paradigme d’une phase qui a caractérisé les dernières décennies du capitalisme, à savoir la victoire absolue de la loi du profit et la marchandisation de tout ce qui touche à la vie. La privatisation a également été le paradigme de la logique du profit dont les effets néfastes sur une partie importante de la population se traduisent par l’exploitation de cette dernière, la non satisfaction des besoins sociaux et la destruction de l’environnement.

 

La privatisation des services de l’eau a entraîné l’augmentation des prix, l’exclusion de couches sociales ou de zones territoriales de l’accès aux services de distribution pour cause de faible rentabilité ou par manque de financements publics, la baisse des coûts d’entretien et de contrôle, la réduction de l’activité des sociétés de gestion, les externalisations, la dégradation des conditions de travail, la précarisation, l’intensification du travail.

 

Toutefois, l’eau est un paradigme qui, d’une certaine manière, est encore plus puissant. L’eau n’est pas seulement soumise au mécanisme d’appropriation capitaliste par la privatisation des services hydriques, elle l’est également d’une manière plus générale :

 

- par la vente en bouteille, c’est-à-dire par l’appropriation du bien commun et son exploitation commerciale ;

 

- par une agriculture industrialisée qui impose des cultures et des races d’élevage allochtones destinées aux marchés mondiaux, activités qui sont de grandes consommatrices en eau. Par la pollution des nappes phréatiques due à l’emploi de pesticides et à l’élevage intensif ;

 

- par une industrie qui consomme, pour ses propres cycles de production, de grandes quantités d’eau et rejette des substances polluantes ;

 

- par des modèles de consommation qui incitent au gaspillage de l’eau et par des modèles de concentration urbaine qui pèsent lourdement sur les ressources hydriques tant par les prélèvements effectués que par la pollution ;

 

- par un modèle de développement général orienté vers la maximisation des profits à l’origine de la brutale aggravation du réchauffement climatique qui, entre autres, exposera une part importante de l’humanité au risque de sécheresse.

 

Dès sa création, Attac Italie a eu un groupe de travail sur l’eau et sa privatisation. Nous avons travaillé à la création de réseaux permettant à différents acteurs sociaux touchés par les privatisations de s’organiser.

 

Nous avons été présents dans les principaux mouvements de lutte contre la privatisation des services de l’eau. Nous nous sommes impliqués dans la mise en place de coordinations et de réseaux toujours plus étendus.

 

Notre proposition de republicisation avec la participation de tous n’est pas une solution fantaisiste. Il s’agit d’un processus et d’un projet qui se sont développés à partir des luttes contre les privatisations, de l’action et de la discussion menées par différents acteurs sociaux, des employés des services de l’eau et des usagers qui sont eux-mêmes des salariés, des étudiants, des chercheurs d’emploi et des retraités - les privatisations ont une évidente incidence sur les couches sociales. D’autres propositions de solutions à mettre en place naissent également de la prise de conscience de ceux qui s’impliquent et des analyses qu’ils font. La republicisation avec la participation de tous ne peut donc se limiter aux seules sociétés qui gèrent ce secteur ; elle doit nécessairement s’étendre à la planification de la production et de la consommation dans le plus grand nombre de secteurs ayant une influence sur cette question. Il s’agit ainsi de renouer avec une perspective plus large qui englobe la manière dont les choix de production sont déterminés, choix qui ne peuvent être dictés ni par les décisions à but lucratif d’entreprises privées ni par les bureaucraties étatiques. Le meilleur moyen de définir les besoins à satisfaire et la manière d’y parvenir passe par un processus de planification démocratique et de gestion participative.

 

Les crises économique, environnementale et démocratique, qui se sont produites à l’échelon mondial, constituent l’échec patent du modèle capitaliste et de l’idéologie de la « pensée unique » du marché. Toute solution qui viserait à relancer le système précédent en en faisant peser les conséquences sur la collectivité est inacceptable. Aussi faut-il créer un lien avec les différents acteurs sociaux frappés par la crise et tenter de redéfinir leurs besoins, recueillir leurs propositions afin de transformer la société en profondeur.

 

Par conséquent, pour sortir de la crise, il faut en premier lieu que le service « public » redevienne le garant de l’intérêt général dans toutes les sphères de l’économie, de la société, de la politique.

 

Le rôle du service « public » consiste avant tout à réaffirmer les droits inaliénables de chaque individu à l’existence et à une haute qualité de vie grâce au libre accès aux biens naturels communs et à leur préservation, ainsi qu’au libre accès aux biens sociaux communs et à leur jouissance. Le terme "public" renvoie, en outre, à l’universalité de ces biens pour tous, abstraction faite des différences d’origines, sociales, économiques, de sexe et d’orientation sexuelle. Cette universalité est particulièrement importante aujourd’hui alors que le chômage et le risque réel de perdre son emploi font qu’un grand nombre de personnes pourrait ne plus avoir accès aux biens essentiels à l’existence.

 

Étendre la sphère publique signifie que c’est l’intérêt général qui détermine tant les choix économiques et productifs à l’échelon mondial que les décisions relatives à l’utilisation des biens communs. C’est aussi combattre les politiques de division sociale, d’atomisation des besoins et les réponses sectorielles qui leur sont apportées en élaborant une nouvelle proposition de socialité nécessaire à la prise de décision collective.

 

La crise environnementale exige une transformation radicale du modèle de production et de la société grâce à une nouvelle planification démocratique et participative.

 

La réappropriation sociale permet d’établir un lien entre la lutte contre les privatisations et l’idée d’une transformation générale de la société. Autrement dit, tous les secteurs liés aux droits, biens communs naturels et sociaux doivent être soustraits au marché.

 

Le gouffre qui s’est creusé entre la représentation politique, institutionnelle et la société doit être comblé non seulement par la réactivation d’un système de représentation démocratique mais également par la réappropriation de la démocratie participative par la base.

 

Attac et les mouvements pour l’eau publique

Attac Italie a joué un rôle déterminant dans le lancement du 1er Forum italien des mouvements pour l’eau qui a eu lieu en 2006. Plus de six cents représentants de réseaux associatifs, syndicats nationaux et de collectifs régionaux étaient présents. Ils ont analysé en profondeur les actions de mobilisation ; ils se sont entendus sur la nécessité de changer de façon radicale le cadre normatif actuel en présentant une proposition de loi d’initiative populaire qui vise à préserver les ressources hydriques et leur qualité, republiciser le service intégré de l’eau et sa gestion par le biais de la démocratie participative. La proposition de loi, qui a fait l’objet d’une discussion collective, a été au centre d’une campagne nationale et a recueilli 406 626 signatures.

 

À l’heure actuelle, le Forum italien compte plus de 80 réseaux nationaux avec plus de 1 000 collectifs régionaux et des centaines d’organismes locaux, qui ont créé une Coordination Nationale des Collectivitès locales pour l’Eau qui va se reunir à Rome le 6 Mars. Le Forum a pu également bloquer des propositions d’autres projets de libéralisation des services publics locaux ; il a surtout fait adopter un moratoire sur les délégations de gestion des services hydriques à des sociétés privées. Moratoire qui est resté en vigueur jusqu’au 1er décembre 2008. Ce mouvement a perduré grâce à un efficace secrétariat et aux réunions de coordination nationale organisées tous les deux mois auxquelles les collectifs du Forum participent de plein droit. Le monde du théâtre et celui de la musique se sont impliqués.

 

Le 2e Forum italien des mouvements pour l’eau s’est tenu en 2008, preuve de longévité d’un mouvement dont les objectifs sont : la construction d’une plateforme générale, la relance des mobilisations à l’échelon régional, l’ouverture à d’autres expériences de lutte et de mobilisation pour la protection des biens communs et leur mise en relation. En 2008 s’est aussi deroulé à Rome la premiére manifestation nationale pour l’eau publique avec la participation des dizaines des milliers de personnes.

Pour s’opposer aux plus récentes dispositions de loi de 2008 et 2009, qui réglement la privatisation de l’eau Attac Italie et le Forum des mouvements pour l’eau ont organisé la campagne « Salva l’acqua-Sauve l’eau » qui a conduit le gouvernement à demander au Parlement le vote de confiance pour s’assuer l’approvation face à l’impopularité des dispositions dans la même majorité gouvernementale.

Après l’approbation définitive de la proposition de loi de cette loi, Attac Italie et le Forum ont lancé une nouvelle campagne pour soutenir la possibilitès des collectivités locales à déclarer le service public sans importance économique et à confier la gestion à un Etablissement de droit publique. Plus d’une centaine de municipalités et une région, la Puglia qui a le plus grande aqueduc d’Europe, ont adoptè des décisions favorables.

Nous sommes aussi en train de lancer avec beaucoup d’autres organisations, associations, syndicats une récolte de 500.000 signatures de citoyens pour abroger par referendum populaire les lois qui soutiennent la privatisation de l’eau.

Le 20 mars le Forum va organiser une manifestation nationale contre la privatisation de l’eau et de tous les biens communs et pour la justice climatique.

 

Cette expérience a de nouveau validé notre approche du problème. Le combat contre les privatisations consiste à rassembler les acteurs sociaux qui en sont victimes en mettant en place des mouvements issus de la lutte et en élaborant des solutions de changement radical de l’ordre actuel.

 

Nous nous sommes fixé comme défi l’élargissement de cette expérience aux autres biens communs et sociaux afin de construire une société différente.

 

ATTAC ITALIE

 

 

Document présenté à l’EAM de Paris-Nanterre.

Mise à jour et traduction pour les titres : « La privatisation de l’eau en Italie » « Attac et les mouvements pour l’eau publique » par ATTAC ITALIA (fev. 2010)