Attac - Val de MarneLe conflit iranien autour du nucléaire ne cesse de s’éterniser, traversant des phases de tension où une attaque militaire de l’Iran semble possible, et de phases calmes, où le danger semble écarté.
Nous étions dans une de ces phases plus tranquilles, à la publication du rapport des services de renseignements états-uniens, qui concluaient à l’abandon par l’Iran de son programme nucléaire militaire en 2003.
Nous sommes probablement entrés maintenant dans une phase où la tension s’accroit à nouveau, chaque camp cherchant à consolider ses alliances ou à en bâtir de nouvelles, et à éliminer ses adversaires les plus actifs.
Bush, en fait, veut terminer son mandat sur une victoire (il la clame sur l’Irak, le croit qui veut). Il veut laisser à son successeur un champ dégagé. Et surtout Bush veut réaliser la mission devant l’histoire et plus encore devant Dieu dont il se croit investi.
Certes, il y a des fausses notes, des faits devant lesquels les États-Unis font le dos rond, faute de mieux : la récente visite du président Ahmadinejad à Bagdad, traduisant l’influence iranienne en Irak, l’inauguration le 17 février, après une longue attente, de la bourse iranienne du pétrole de l’île de Kish (où les hydrocarbures seront vendus en toutes monnaies, sauf le dollar, contrairement aux bourses de New-York et Londres : au début ce sera le rial iranien, ensuite sans doute le rouble) (1).
Il y a aussi les tentatives de liquidation des gêneurs de l’ordre étatsunien - l’armée du Mahdi de Moqtada Al-Sadr - pour dégager l’horizon, les tentatives de pacification par la force à Gaza - sans grands résultats -.
Et pour le nucléaire iranien, le jeu de la pression : le Conseil de Sécurité offre une coopération sur le nucléaire civil en échange de l’arrêt de l’enrichissement, suivant la résolution 1803 du 3 mars 2008, et surtout, et il fixe une nouvelle échéance : l’AIEA a 3 mois pour fournir un rapport prouvant que l’Iran a arrêté ses « activités nucléaires suspectes »(2). Autrement dit le bras de fer continue : l’Iran doit renoncer à son indépendance nucléaire.
Dans ce jeu de tension, tout est prêt pour la confrontation : les bombes anti-bunker sont livrées pour attaquer les sites nucléaires enterrés, les bombardiers B2 sont modifiés pour les pouvoir les charger, avec les crédits qui ont été votés en octobre. Un porte-avion supplémentaire est arrivé dans le Golfe (3).
Comme la confrontation amènerait une riposte, le gouvernement israélien prépare la population à des attaques de missiles, avec, le 6 avril, les plus importants exercices d’alerte jamais réalisés. Et le conseil de la Shura saoudien discute des mesures à prendre en cas de retombées radioactives sur le pays (une attaque du nucléaire iranien, même avec des bombes classiques, en provoquerait)(4)
Tout ceci a lieu après la tournée de Dick Cheney dans les pays de Moyen-Orient. De quoi a t il parlé : du danger iranien ? de sa prétendue victoire en Irak ? de la hantise d’Israël pour le nucléaire iranien et des moyens pour l’empêcher ? Ce qui se passe après sa visite laisse penser que l’hypothèse d’un conflit est toujours présente.
C’est l’opinion de Scott Ritter, l’ancien responsable de inspecteurs de l’AIEA en Irak, qui pense que plusieurs indices laissent croire à une guerre probable à 80 % (3).
Est-ce si évident ? Une lutte d’influence importante se déroule actuellement.
Lequel des deux camps, celui de la négociation ou celui de la guerre, vaincra ?
Les pacifistes américains, qui ont manifesté dernièrement, demandent une « mobilisation générale contre la guerre »(4). La démission de l’amiral Fallon, récemment, marque un recul du camp plus favorable à une solution négociée qu’à la confrontation. Et les dirigeants israéliens, eux, veulent que le « problème iranien » soit résolu avant la fin du mandat de Bush, car ils ne peuvent être sûrs de son successeur. Quand à Bush, Cheney et aux néoconservateurs, ils échappent à la rationalité, puisqu’ils se croient investis d’une mission...
Et comme d’habitude, les décisions qu’ils prendront, au nom de la fin des tensions, de la liberté... auront des conséquences exactement inverses aux buts affirmés : on l’a déjà vu en Irak.
Les mois qui viennent risquent d’être dangereux, soit après la publication du prochain rapport de l’AIEA, en juin, soit avant, si les ultras se précipitent et montent une fausse provocation pour justifier la guerre (5).
La voie de la négociation seule doit être mise en avant, mieux vaut s’y engager que courir au désastre que représenterait une guerre, ses morts, ses destructions, ses retombées nucléaires...
Si c’est la voix de la guerre qui est choisie, elle ne fera, d’après Scott Ritter, que « précipiter le déclin déjà engagé de la domination américaine sur le monde, ensuite, la Russie et la Chine pourront tirer profit de la vacance de pouvoir qui en résultera »(3). Si la guerre ne se produit pas, le déclin des Etats-Unis se produira malgré tout, et nous allons vers un monde multipolaire, situation forcément plus favorable aux peuples qu’un monde comme l’actuel, dominé par un seul camp et une seule pensée.
Le pire n’est pas certain, et ce n’est pas en l’ignorant que nous l’éviterons.
Daniel Hofnung (8-04-08)
(1) Petit à petit les Pétroeuros pourraient remplacer les Pétrodollars - Pepe Escobar Asia Time Online, le 21 février 2008 - article original : "Slouching towards Petroeurostan" http://questionscritiques.free.fr/e... (2)Troisième série de sanctions contre l’Iran au Conseil de sécurité de l’ONU - Philippe Bolopion - Le Monde 05.03.08 (3)Ritter says White House preparing for war in Iran by ED BARNA (source : Rutland Herald) Friday, April 4, 2008 http://www.campaigniran.org/casmii/... (4)Les anti -guerre US lancent un cri d’alerte par Mobilisation Générale Anti-Guerre http://www.mondialisation.ca/index.... (5)Russians, Saudis Expect U.S. Attack On Iran - Paul Craig Roberts (source : vdare.com) Monday, March 31, 2008 http://www.campaigniran.org/casmii/...
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