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QUE PENSER DE LA CONSTITUTION EUROPEENNE ?

mardi 8 février 2005, par Creteil, Bonneuil

Signé officiellement par les 25 chefs des Etats membres, le Traité Constitutionnel (appelé souvent Constitution européenne et parfois constitution Giscard !...) doit maintenant être ratifié par chacun de ces Etats pour entrer effectivement en application. En France cette ratification se fera à l’issue d’un référendum si le oui l’emporte. Il importe que chacun soit informé avant de participer au prochain référendum. Voici quelques clefs pour comprendre.

UN OBSTACLE A LA COMPREHENSION

Le texte de la constitution reprend et amplifie les traités antérieurs ( Rome, Acte unique, Amsterdam, Nice). Il comporte 850 pages initialement rédigées en anglais et extrêmement difficiles à comprendre, même dans la version désormais traduite en français.

« CONSTITUTION » UN TERME ABUSIF

Le terme de constitution est parfaitement abusif parce qu’une constitution fixe un cadre au sein duquel peuvent être menées démocratiquement des politiques différentes, voire contradictoires ( alternance). Ce n’est pas le cas pour cette « constitution » qui fixe et incorpore une fois pour toutes les orientations d’une politique économique ultra-libérale. Le domaine économique n’a rien à faire dans une constitution et ne devrait être régi que par les lois et règlements librement votés par les élus. Enfin ce terme de constitution est abusif parce que l’élaboration d’une constitution aurait demandé l‘élection d’une assemblée constituante.

UN MASQUE RASSURANT

L’article I.3 est apparemment séduisant. On y lit par exemple que « l’union combat l ‘exclusion sociale et les discriminations et promeut la justice et la protection sociale » , « elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale » , « l’union offre à ses citoyens un espace de liberté de sécurité et de justice sans frontières intérieures ». Tout ceci est très séduisant. Hélas on y lit également que « l’union offre à ses citoyens un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». 1° jamais on n’ avait vu apparaître dans une constitution les notions de marché et de concurrence 2° un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée a des conséquences extrêmement graves puisque toute aide publique accordée au secteur économique, toute politique industrielle, tout service public, tout code du travail deviennent un obstacle à la libre concurrence. De ce fait le marché prime sur le social et le bien public. La notion de service public disparaît dans le texte de la constitution pour être remplacée par celle de service d’intérêt économique général. Cet article est extrêmement dangereux car il permet le démantèlement programmé des services publics et des acquis sociaux en les faisant entrer dans le champ de la concurrence. Le but n’est plus de faire une politique sociale mais de faire une politique de marché.

PARLONS D’ARGENT

L’article III.156 stipule que : « dans le cadre de la présente section les restriction tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et les pays tiers sont interdits » . C’est clair et concis : l’instauration de toute taxe sur les capitaux ( de type « taxe Tobin » par exemple ) devient impossible en raison de leur mobilité pratiquement incontrôlable. Pour lutter contre le blanchiment de l’argent , les évasions, le dumping fiscal, il faudrait l’unanimité des Etats ! ...

LE PACTE DE STABILITE MAINTENU

L’article III.177 précise que « les prix doivent être stables, les finances publiques et conditions monétaires saines et la balance des paiements stable ». Ceci conduit tous les Etats de l’union européenne à rationner les dépenses publique sociales et à s’engager dans une course effrénée à la baisse du coût du travail.

UN MONETARISME SANS CONTRÔLE

L’article III.188 stipule que : « ni la banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme... ». Cet article repris du traité de Maastrich soustrait le conseil des gouverneurs de la banque centrale européenne ( B.C.E) ( la plus occulte des institutions européennes) à tout contrôle démocratique. L’Europe s’affirme plus libérale que les Etats-Unis dont le gouvernement conserve un pouvoir d’influence et de contrôle sur la Réserve Fédérale (F E D ). Pourtant rien interdit aux banquiers centraux de prendre leurs consignes auprès des milieux d’affaires et des lobbies financiers.

UNE DEMOCRATIE LIMITEE

L’article I.47 stipule que : « des citoyens de l’union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres peuvent prendre l’initiative d’inviter la commission... à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles , ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la constitution ». En clair cela signifie que les citoyens ne peuvent qu’inviter la commission qui fait ensuite ce qu’elle veut.

UN POUVOIR TECHNOCRATIQUE

L’article I.26 stipule que : « la commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend des initiatives appropriées à cette fin... elle surveille l’application du droit européen sous le contrôle de la Cour de Justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exécute des fonctions de coordination... Un acte législatif ne peut être adopté que sur proposition de la commission ». Ces attributions exorbitantes mêlent des pouvoirs législatifs, des pouvoir exécutifs (budget, coordination, gestion) mais aussi judiciaires ( surveillance de l’application du droit). Une telle concentration dans les mains dans l’aréopage de technocrates souvent liés aux milieux d’affaires est absolument ahurissant.

UNE CONSTITUTION GRAVEE DANS LE MARBRE

Le traité adopté en juin 2004 avec sa troisième partie a été officiellement signé à Rome en octobre 2004. Seules deux propositions de modifications sur vingt et une formulées par Attac ont été prises en compte. L’une relative à l’égalité hommes-femmes , l’autre partiellement visant à empêcher la marchandisation de la culture de l’éducation et la santé. La nouvelle version de l’article III.217 replace les services sociaux, d’éducation et de santé dans le champ du vote à l’unanimité mais en l’assortissant de clauses restrictives qui rendent leur mise en œuvre très problématique. Par contre dans le domaine de la fiscalité, si l’on se réfère à l’article III.62 la possibilité prévue à l’alinéa 2 de décider à la majorité qualifiée pour la coopération administrative en Etats contre l’évasion fiscale a été supprimée.

De même, l’article III.63 relatif à l’impôt sur les sociétés et à la coopération administrative ou à la lutte contre la fraude fiscale a été également supprimée. Notons que la première Vice-Présidente, Madame Margot Wallstrom est implicitement chargée de la stratégie de communication. On peut s’attendre à un très gros budget et à un matraquage publicitaire pour nous vendre l’Europe ; Une fois ratifié par tous les Etats membres, le texte sera gravé dans le marbre de façon inamovible car il faudrait l’unanimité pour le modifier ce qui est absolument impossible.

EN CONCLUSION

Ce traité constitutionnel fait suite aux traités antérieurs( qui s’emboîtent les uns dan s les autres comme des poupées russes), inspirés par la même logique marchande. Le marché prime tout, c’est ce qu’affirme l’article I.3 en stipulant que l’union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures... où la concurrence est libre et non faussée. De ce fait, le social et le bien public sont subordonnés à la loi de marché. Une telle constitution est inacceptable et doit être revue et corrigée. Mieux vaut remettre l’ouvrage sur le métier plutôt que d’enclencher le mécanisme irréversible d’un libéralisme institutionnalisé. Dire que ce traité n’est pas parfait mais qu’il pourra être amendé par la suite après, avoir été ratifié constitue un formidable mensonge, nous l’avons démontré. Affirmer que ce traité est imparfait mais qu’il offre des avancées sociales est tout aussi faux puisque le social est soumis implacablement à la concurrence et que rien ne doit échapper au marché . Faux encore de dire que si la France ne ratifie pas ce traité par voie de référendum, nous entrerons dans une ère de chaos et de vide juridique qui déconsidèreraient notre pays. En effet, si la constitution n’est pas adoptée dans l’immédiat, l’Europe restera régie par les traités antérieurs. Par contre ce rejet permettra de prendre du temps pour amender un traité actuellement inacceptable sous la poussée des peuples de plus en plus conscients qui subissent partout les méfaits du libéralisme ( destruction des acquis sociaux, libéralisation des service publics, chômage et paupérisation croissants, délocalisations etc...) D’ailleurs, rien ne prouve que la France serait la seule à dire non. Si notre pays se retrouvait isolé momentanément par son refus ,celui-ci provoquerait sans aucun doute une onde de choc capable de renverser les opinions publiques souvent anesthésiées par les médias et le manque d’information. L’histoire nous enseigne que les grands changements sont souvent provoqués par des minorités qui ont su se faire entendre pour refuser l’inacceptable.

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