Davos se mêle de son business

Fini l’Afrique, le sida... Cette édition renoue avec les préoccupations patronales.

par Grégoire BISEAU
QUOTIDIEN

Davos (Suisse) envoyé spécial

Alors que le Forum social mondial se démultiplie entre Bamako, Caracas puis Karachi en mars, le Forum économique de Davos, lui, veut rester bien au chaud dans ses Moon Boots. Et souhaite se recentrer sur son coeur de métier : le business.

Contrées inconnues. Poussées par la concurrence de Porto Alegre, les trois dernières éditions du World Economic Forum avaient exploré des contrées, pour lui, inconnues jusqu’alors : la crise de confiance dans les marchés (en 2003), la sécurité (en 2004), et enfin, l’an dernier, la lutte contre la pauvreté. En 2005, l’Afrique était quasiment devenue le sujet obligatoire : Chirac y avait présenté (par vidéoconférence) son projet de taxe sur les avions, Blair, son plan pour l’Afrique, et, surtout, Sharon Stone avait interpellé une salle garnie de patrons pour les inciter à mettre de leur poche pour lutter contre les pandémies.

Mais la mauvaise conscience du patron occidental a un temps. « L’Afrique n’est clairement plus la priorité des débats », confirme un spécialiste des affaires africaines, dans la salle d’accréditation du Forum. Cette année, on revient aux fondamentaux. Le grand manitou et fondateur de la manifestation, Klaus Schwab, a choisi de faire de l’innovation un des principaux thèmes de sa grand-messe. Dans une interview au Wall Street Journal, il a d’ailleurs sifflé la fin de la récréation, en regrettant notamment que Sharon Stone ait un peu trop tiré la couverture à elle l’an dernier.

« Le Forum ne peut pas se transformer en une conférence pour le développement Nord-Sud », a ajouté Schwab, comme pour tirer un trait définitif sur l’expérience alter de 2005. La mondialisation retrouve des vertus que les participants avaient presque fini par oublier. Outre l’innovation, la montée en puissance de la Chine et de l’Inde sera, par exemple, un des grands sujets de discussion. Toutefois, là encore, pas question de fiche la trouille. Cette entrée en force des deux principales économies asiatiques est considérée « non pas comme une menace mais comme une chance », selon Schwab.

Huiles chinoises. Pékin a envoyé dans la station suisse quelques-unes de ses huiles, dont le gouverneur de la banque centrale et le responsable du plan quinquennal. L’Inde, qui ne veut pas être en reste, a choisi l’arme du marketing. Dans les couloirs de l’aéroport de Zurich, et sur certains bus de Davos, s’affiche en gros caractère ce slogan : « India, the most attractive democracy for global investors » (l’Inde, la plus attractive des démocraties pour les investisseurs). Samedi, la soirée pince-fesses de clôture du Forum sera d’ailleurs aux couleurs indiennes.

Cette 36e édition aura, malgré tout, du mal à éviter le sujet qui fâche : l’énergie. Beaucoup de tables rondes y sont consacrées. Envolée du prix du pétrole, crise du gaz russe, retour du nucléaire... les sujets de friction ne manquent pas. Hier après-midi, dans la station totalement sous contrôle des policiers et des organisateurs du Forum, il ne restait plus qu’un minuscule détail qui faisait mauvais genre. Au numéro 14 de la promenade, sur le balcon du premier étage, un squelette emmitouflé d’une couverture suspend une banderole : « Bush, ne me tue pas pour du pétrole. »