Kirchner fait preuve d’audace en remboursant la dette argentine au FMI

16/12/2005 16:07 BUENOS AIRES (AFP)

Le président argentin Nestor Kirchner a une nouvelle fois fait la preuve de
sa volonté d’indépendance et de son audace politique en annonçant le
remboursement par anticipation de la dette argentine vis-à-vis du Fonds
monétaire international, même si les économistes se montrent plus
sceptiques.
En annonçant jeudi devant un parterre de ministres, gouverneurs provinciaux
et chefs d’entreprise la fin des obligations de l’Argentine vis-à-vis du
FMI, volontiers considéré dans ce pays comme l’un des grands responsables
de la débacle économique de 2001-2002, le président Kirchner a pris une
décision "historique", souligne vendredi le journal La Nacion.
Le quotidien rival Clarin estime de son côté que M. Kirchner a agi en
"homme d’Etat" en prenant vis-à-vis du Fonds "l’une des cinq décisions les
plus fondamentales de son mandat".
Deux jours après le Brésil, l’Argentine a annoncé jeudi qu’elle paierait en
une seule fois avant la fin de l’année les 9,810 milliards de dollars
qu’elle devait encore au FMI en puisant dans ses réserves monétaires,
estimées fin novembre à plus de 26 milliards de dollars.
"Nous enterrons une bonne partie de notre passé", a déclaré M. Kirchner
dans un discours reprenant volontiers ce thème du changement et de la
nouvelle ère s’ouvrant désormais, selon lui, devant l’Argentine.
Il a d’ailleurs rappelé que ce remboursement anticipé s’inscrivait dans la
même ligne que la restructuration de la dette privée argentine en défaut,
négociée avec succès par Buenos Aires au printemps dernier.
En défaut de paiement de sa dette privée de 81,8 milliards de dollars,
l’Argentine avait annoncé en février avoir reçu l’accord de 76,15% de ses
créanciers, une adhésion inespérée compte tenu du fait que Buenos Aires ne
proposait de ne les rembourser qu’à hauteur de 34,4% de leurs créances.
Les commentateurs avaient alors salué l’audace de l’Argentine. Cette fois,
les économistes se sont montrés plus prudents, relevant pour certains le
risque de diminuer presque par deux les réserves monétaires.
Le bénéfice économique est également incertain, même si l’Argentine devrait
économiser plus de 800 millions de dollars en paiements d’intérêt, relève
ainsi l’économiste Miguel Kinkel dans le journal El Cronista.
D’autres soulignent qu’un accord de rééchelonnement de la dette avec le FMI
aurait été plus économique. La dette vis-à-vis du Fonds monétaire ne
représente que 7% de la dette totale de l’Argentine et "d’un point de vue
financier, cela coûte plus cher à l’Argentine de placer des titres de sa
dette sur le marché (à un taux d’intérêt de 9%) que de rééchelonner ses
paiements avec le FMI (à un taux de 6,5%)", relève ainsi un analyste dans
La Nacion.
La baisse des réserves aura aussi pour conséquence de faire monter le
dollar, selon certains analystes, bien que le chef du cabinet
(gouvernement) argentin Alberto Fernandez ait assuré vendredi qu’il n’en
serait rien.
Le dollar a ouvert à 3,06 pesos vendredi matin, soit en légère hausse par
rapport aux jours précédents.
L’opposition radicale, par la voix de son président Roberto Iglesias, a de
son côté raillé le remboursement rubis sur ongle et par anticipation à une
organisation internationale pourtant vouée aux gémonies alors que les
Argentins eux-mêmes n’ont pas été aussi bien traités par leur gouvernement
en février dernier.
Le gouvernement argentin avait caressé à plusieurs reprises l’idée d’un
remboursement anticipé pour éviter d’avoir à se plier aux conditions fixées
par le FMI à un accord de rééchelonnement. Le Fonds réclamait notamment une
meilleure prise en compte des créanciers de l’Argentine ayant refusé
l’offre d’échange de leurs titres de dette, une hausse des tarifs des
services publics privatisés et une hausse des taux d’intérêt pour lutter
contre l’inflation, qui devrait frôler cette année les 12%.