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L’aveu de M. Moscovici : la France veut couler la taxe sur les transactions financières proposée par la Commission européenne

Pierre Moscovici, le ministre français de l’économie, a déclaré ce jeudi 11 juillet devant un parterre de banquiers que la proposition de taxe Tobin avancée par la Commission européenne était « excessive ». « Il faut être pragmatique et réaliste », a-t-il ajouté, promettant aux banquiers « d’améliorer la proposition de la Commission ». Il confirme ainsi une information révélée par Attac [1] : cédant à la pression de Goldman Sachs et des banquiers français, la France a décidé de réduire à presque rien le projet européen de taxe sur les transactions financières.

Un groupe de onze pays a choisi la méthode de la « coopération renforcée » pour introduire la taxe en s’appuyant sur le projet de directive de la Commission. Le projet de la Commission n’était certes pas parfait, mais il constituait un pas en avant important, et bénéficiait du soutien de la société civile. La France avait activement soutenu cette initiative. François Hollande s’était énergiquement prononcé pour la TTF dans sa campagne électorale.

Mais les banquiers sont passés à la contre-offensive. Et pas les moindres : c’est Goldman Sachs elle-même qui a lancé le signal en publiant en mars dernier une « étude » [2] grotesque intitulée : « Financial Transaction Tax : How severe ? ». Cette « étude » est immédiatement reprise par les banquiers français : le 15 avril le Medef et la Fédération française des banques mettent en garde M. Moscovici contre une taxe « destructrice de richesse », qui « affaiblira gravement la compétitivité des entreprises ». M. Mignon, directeur général de Natixis, reprend les chiffres ridiculement surestimés par Goldman Sachs, selon lesquels la taxe coûtera 7 milliards d’euros par an à sa banque : « un montant supérieur à notre chiffre d’affaires, ça n’a pas de sens ! » (sic). M. Hocher, du Crédit Agricole, ne craint pas d’évoquer le chiffre de 17 milliards d’euros pour sa seule banque.

Depuis lors, la France a fait machine arrière et a rallié le camp des adversaires de la taxe. Lors de la réunion du groupe de travail des onze pays du 22 mai, Bercy a proposé de modifier le projet de la Commission sur des points essentiels qui le réduisent à néant :

exonération quasi-totale des transactions sur produits dérivés (l’immense majorité du volume des transactions !) ainsi que des « repos » (prêts de très court terme entre banques) : cela réduirait de 95% le montant attendu des recettes.
taxation des opérations après compensation : cela permettrait en fait aux banques de continuer comme auparavant leurs activités de « tradingà haute fréquence ».
taxation des seuls vendeurs, et pas des acheteurs : cela réduirait encore de moitié les recettes fiscales attendues
Bien que les chiffres de Goldman Sachs n’aient aucune valeur, la réaction des banques confirme la pertinence de la proposition portée par Attac depuis sa création il y a quinze ans : une partie probablement importante de leurs profits provient d’opérations spéculatives sans aucune justification économique réelle. Après sa "réforme" bancaire dictée par les banquiers, le gouvernement français, en persistant à vouloir saboter le projet de la Commission, franchira un pas de plus dans la soumission aux intérêt de la finance.

Attac France,
Paris, le 12 juillet 2013

Notes

[1blogs.mediapart.fr/blog/attac-france/080713/alerte-la-france-sabote-la-taxation-des-transactions-financieres

[2www.wiwo.de/downloads/8281810/1/GoldmanSachs.pdf Pour une réfutation complète de cette « étude », voir le travail de Stephan Schulmeister, stephan.schulmeister.wifo.ac.at/fileadmin/homepage_schulmeister/files/GS_FTT_05_13.pdf. La principale faille de "l’étude" de Goldman Sachs est qu’elle fait l’hypothèse que les banques ne changeront rien à leurs opérations spéculatives après l’introduction de la taxe, alors que le but de la taxe est justement de réduire drastiquement le trading à haute fréquence et les opérations spéculatives de très court terme, économiquement inutiles et déstabilisatrices