L’électricité n’est pas une marchandise ! Non à la libéralisation du secteur électrique

En France, au 1er juillet 2007 tous les particuliers auront « la liberté de choisir leur fournisseur d’électricité et de gaz en faisant jouer la concurrence ». La création d’un marché européen de l’électricité et du gaz n’est que la mise en œuvre dans ce secteur de la logique néo-libérale : élargir le champ de la marchandise et du profit en faisant reculer celui du service public. Il est aujourd’hui nécessaire et urgent de s’opposer spécifiquement à la libéralisation du marché électrique et aux menaces de disparition des tarifs réglementés. Attac a décidé de lancer une campagne sur ce thème.
Cette mobilisation ne saurait remplacer le (vaste) débat sur la politique énergétique, le nucléaire, les énergies renouvelables, l’impact sur l’environnement, la nécessaire sobriété énergétique, la nature du service public, la question des monopoles. Elle doit être l’occasion, non pas d’apporter des réponses définitives à toutes ces questions, mais d’ouvrir des pistes de réflexion. Ce débat est déjà en cours, dans Attac et ailleurs ; il doit se poursuivre et s’enrichir de la confrontation avec tous les usagers et acteurs concernés.

La concurrence ne fait pas baisser les prix...

La libéralisation du secteur de l’énergie en Europe a été initiée en 1996 par une directive européenne et son niveau d’achèvement varie selon les pays. En France, l’étape du 1er juillet représente la dernière phase de l’ouverture à la concurrence. Après les gros industriels en 2000, puis les PME-PMI en 2004, ce sera au tour des usagers particuliers de « faire jouer le marché pour profiter des prix les plus bas ».
Les industriels et les professionnels ont déjà vécu l’expérience : le prix du kilowattheure s’est envolé (voir encadré 1) sur le marché « libre » tandis que les tarifs régulés d’EDF restaient à peu près stables. La réalité de cette hausse des prix n’est plus contestée par grand monde, seuls les libéraux les plus dogmatiques refusent de reconnaître son lien avec l’ouverture à la concurrence. Ils invoquent des causes extérieures au marché et en particulier la hausse du prix du pétrole : ce qui joue dans une certaine mesure pour le gaz, puisque son prix comporte une indexation sur le cours du pétrole, ne peut pas valoir pour l’électricité en France dont la production n’utilise que très marginalement le fioul et le gaz. Dans les pays dont le secteur électrique est libéralisé (États-Unis, Royaume-Uni, Australie), le phénomène d’augmentation du prix de l’électricité avec l’ouverture du marché a d’ailleurs eu lieu avant la hausse du pétrole. Après une courte période où des stratégies de marketing ciblées pour appâter le client peuvent faire baisser le prix du kilowattheure, celui-ci s’envole ensuite, notamment lors du renouvellement du contrat. Les hausses les plus importantes sont souvent enregistrées au niveau des populations les plus faibles (ainsi, en Grande-Bretagne, les inégalités sont flagrantes puisque les classes les plus pauvres - pas d’accès aux forfaits - paient leur électricité plus de 30 % plus cher que les ménages de la classe moyenne qui, eux-mêmes, paient 30 % de plus que les industriels...). Les négociants d’électricité et de gaz adoptent les stratégies commerciales classiques pour capter les particuliers en France : offrir des formules plus alléchantes les unes que les autres, en amorçant par un prix bas garanti pour un délai qui peut être de 6 mois. Ensuite ? Bienvenue dans le monde merveilleux du marché...

1. Le prix de la « liberté »

Depuis l’an 2000, en France comme dans l’Union européenne, les entreprises industrielles peuvent « profiter » d’un marché libre de l’électricité en choisissant leur fournisseur. Pour la plupart des pays concernés, cette libéralisation s’est traduite par une envolée des prix souvent spectaculaire. En cinq ans, de 2001 à 2006, ils ont augmenté de 39 % en Espagne, de 49 % en Allemagne, de 67 % en Finlande, de 77 % en Suède, de 81 % au Royaume-Uni, de 92 % au Danemark ! Et en France ? Pour les entreprises qui ont préféré conserver les tarifs régulés d’EDF, l’augmentation n’a été « que » de 11 % en moyenne. Par contre, celles qui ont choisi le marché dérégulé ont vu leur facture d’électricité croître en moyenne de 76 %. De quoi faire réfléchir les particuliers qui se voient offrir la « liberté » du marché au 1er juillet... (Source : Étude internationale sur le prix de l’électricité- Nus consulting, mai 2006 :

De nombreux industriels, après avoir opté pour le marché et être « sortis » du tarif d’EDF, demandent aujourd’hui la possibilité d’un retour à la « protection des tarifs réglementés d’EDF et de Gaz de France » (voir encadré 2) qui continuent à être inférieurs aux prix du marché « libre ». La nécessité d’aménager un peu la concurrence pour leur « permettre de bénéficier d’un approvisionnement en électricité à un tarif avantageux [1] » a convaincu le gouvernement, puisqu’il a jugé bon d’inscrire une disposition particulière dans la loi relative au secteur de l’énergie promulguée en décembre 2006 ! Il s’agit de permettre à ces clients professionnels de revenir à une forme de tarif réglementé, appelé tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché (TRTAM) qui correspond au tarif régulé majoré de 10 à 23 % selon la taille de l’entreprise. Malgré cette majoration, le TRTAM sera plus avantageux que le prix du marché libre. Cela revient au fond à reconnaître dans la loi l’échec de la concurrence à faire baisser les prix de l’électricité...

... et menace les tarifs régulés

Que le tarif régulé d’EDF soit très largement en dessous des prix dits libres constitue un obstacle de taille au développement du marché : les particuliers ne s’y aventureront pas spontanément, du moins s’ils bénéficient d’une information minimale ! La solution libérale consiste donc à les y pousser en supprimant - doucement mais sûrement - le tarif régulé ! C’est ce à quoi s’active actuellement la Commission de Bruxelles qui, en décembre 2006, l’a décrété incompatible avec la règle de la concurrence. Même position de la part de la Commission de régulation à l’énergie, la CRE. La raison invoquée est que la persistance de tarifs régulés « prive les clients du libre choix du fournisseur ». Ainsi un tarif public moins cher que le prix de marché nuirait à « la concurrence qui est le seul moyen de faire baisser les prix » !

2. Le tarif régulé de l’électricité et du gaz

Le tarif régulé (dit aussi réglementé) est un des éléments du service public. Un tarif est décidé politiquement. Aujourd’hui, sur tout le territoire français (y compris les DOM), chaque particulier bénéficie du même tarif de kilowattheure, calculé par « péréquation tarifaire » : la desserte des zones les plus « rentables » aide au financement des zones moins « rentables ». Le principe de solidarité entre usagers finance l’égalité de traitement, il a été rendu possible par le contrôle des pouvoirs publics (et par la situation de monopole en ce qui concerne la France). La péréquation n’est pas seulement géographique mais permet aussi un lissage du prix du kilowattheure sur le long terme. Le tarif régulé de l’électricité est environ deux fois plus faible que le prix du kWh sur le marché. Ce qui est inacceptable du point de vue néo-libéral, c’est que ce tarif puisse être moins cher tout en ayant permis à EDF de financer les investissements nécessaires pour couvrir les besoins énergétiques à court et long terme, d’assurer un statut envié au personnel et en même temps d’avoir des résultats financiers confortables qui rétribuaient largement l’État. À l’inverse d’une idée répandue, EDF n’a pas été subventionnée par l’État mais a financé elle-même ses investissements par des emprunts. Les critiques concernant l’absence de démocratie sur les choix énergétiques nucléaires sont justes et essentielles. Toutefois, et malgré la sous-évaluation probable des coûts finals du nucléaire (démantèlement des centrales, retraitement des déchets), l’entreprise de service public a rempli une de ses missions essentielles : permettre l’accès pour tous à une électricité de bonne qualité. Son objectif premier n’était pas en effet d’accumuler des profits et les gains de productivité ont été redistribués à la collectivité à travers les baisses de tarifs (en particulier pour les industriels !). De 1990 à 2000, le tarif du kilowattheure d’électricité avait ainsi diminué de plus de 25 %. Son augmentation en juillet 2003 est venue rompre avec une politique de baisse continue des tarifs. Elle répercutait la dégradation des comptes d’EDF, lancée depuis la libéralisation du secteur électrique dans une stratégie effrénée d’acquisition de sociétés avec l’adoption d’un nouvel objectif, celui d’accroître la rentabilité financière et de devenir un des leaders mondiaux de l’électricité. Une telle stratégie a été conduite au détriment de la mission de service public : absence de démocratie sur les systèmes énergétiques à privilégier, dégradation progressive du service rendu aux usagers (services gratuits devenant payants, fermetures d’agences), diminution du budget de recherche et de maintenance, réduction des emplois accompagnée de la dégradation des conditions de travail, priorité au « tout électrique-tout nucléaire » et faible présence dans les filières alternatives et décentralisées de production d’électricité.

La conscience qu’il existe un risque de forte hausse des factures d’énergie pour les usagers est largement partagée. Le gouvernement français discute ainsi avec la Commission européenne un compromis « conciliant libéralisation et protection des consommateurs » (l’intitulé en lui-même est un aveu). À côté de ce discours qui se veut rassurant, se développe une offensive juridique pour contester la légalité des tarifs réglementés dans un univers de marché. La loi sur l’énergie de décembre 2006 mentionne leur pérennisation, mais concrètement elle organise leur effritement !
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs partiellement censuré la loi en rendant une décision qui restreint encore le champ d’application de ces tarifs : ils ne pourront plus exister dans le cas des nouvelles habitations, ni pour les Français qui emménageront dans un logement dont les propriétaires auront déjà renoncé à ces tarifs, et aucun retour à ces tarifs ne sera possible pour les ménages partis vers la concurrence. Ces mesures mènent droit à la disparition des tarifs réglementés.
En outre, les dispositifs existants en direction des plus démunis, comme le tarif de « première nécessité » et le fonds dédié à la prise en charge des impayés d’énergie, ne suffisent pas à éviter 200 000 coupures annuelles pour impayés. Ils n’assurent donc pas le droit universel d’accès à l’énergie. La mission du service public implique un véritable tarif social, évitant toutes les coupures, assurant un accès égalitaire et tenant compte des situations sociales.

La direction d’EDF, acquise à la cause de la libéralisation, a elle aussi intérêt à la disparition des tarifs réglementés, puisqu’elle se verrait alors libre de faire grimper les factures et d’augmenter ses bénéfices. Pierre Gadonneix, son président, préconise une « période de transition » durant laquelle la France ferait évoluer progressivement les tarifs réglementés de l’électricité vers les prix du marché ! Les actionnaires d’EDF n’attendent que ça. La contestation des tarifs par Bruxelles alimente leur enthousiasme. Le cours de l’action a gagné plus de 70 % en 2006 !

Le service public contre la loi du marché

L’urgence n’est pas de savoir si l’existence de tarifs régulés est, ou non, conforme à la libre concurrence exigée par les directives européennes pour le marché de l’électricité. L’urgence est d’en finir avec l’ouverture à la concurrence et d’exiger la mise en place d’un véritable service public de l’énergie.

L’électricité relève du service public pour trois raisons. Tout d’abord, elle est un bien de première nécessité et son accès doit être garanti à tous dans un souci d’égalité de traitement. Ensuite, elle est au cœur de la question énergétique dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources de la planète. Enfin, le secteur électrique est au niveau mondial un émetteur important de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, à quoi s’ajoutent les déchets produits par le secteur nucléaire.
Le marché libéral qui affiche l’objectif de faire baisser le prix de l’électricité - sans y réussir - fonctionne sur le dumping social, en détruisant l’environnement, en endettant les générations à venir ou en pillant les pays du tiers-monde. Il accentue les risques de spéculation et ne répond en rien aux enjeux de solidarité ni à ceux de développement durable. Le droit à l’énergie, sa garantie dans le long terme et dans le respect de l’écosystème impliquent des priorités et des critères bien différents de ceux dictés par la logique de profit.
Il faut bien noter que le développement actuel de la production d’électricité à partir des « énergies renouvelables » (EnR) ne doit pas grand-chose au système de marché. Il résulte au contraire de politiques adoptées par les Etats de l’Union européenne qui en subventionnent la production et/ou instaurent un tarif « administré de rachat obligatoire » de l’électricité verte, suffisamment avantageux pour garantir un retour sur investissement attractif. De plus, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, la création d’un « marché des droits à polluer » échoue à initier concrètement la baisse impérative des rejets et ne fait qu’en organiser la marchandisation.
Seul un service public rénové pour permettre l’intervention et le contrôle des citoyens, notamment sur les choix énergétiques, peut donner la priorité à l’intérêt général en prenant en compte les aspects environnementaux et sociaux. Le fait qu’EDF ait engagé la France dans un programme électronucléaire sans aucun débat démocratique n’est pas une raison pour rejeter le principe du service public.

Il y a une raison supplémentaire et tout aussi essentielle pour refuser le marché de l’électricité : c’est qu’il ne fonctionne pas ! Plus que dans n’importe quel autre domaine, la mise en place d’un marché dans le domaine électrique relève du pur dogmatisme.

Le marché de l’électricité ne marche pas

La libéralisation du secteur de l’électricité (voir encadré 3), outre son échec patent à faire baisser les prix, a entraîné de graves dysfonctionnements, de natures diverses : pannes et coupures de courant en Californie, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et récemment, en novembre 2006, une coupure qui a touché plus de 10 millions de foyers européens, sous-investissements chroniques dans les moyens de production et le réseau, ou encore volatilité extrême du prix dans les bourses de l’électricité où les électrons se vendent comme n’importe quel titre financier (lors de la canicule de 2003, le prix du kWh a atteint plus de 70 fois son cours moyen).
L’électricité a deux caractéristiques bien particulières qui font que le système de marché est fondamentalement inadapté. D’abord, elle se stocke mal, ce qui, conjugué avec le caractère massif et continu du besoin en électricité, produit le risque de rupture d’approvisionnement. Il faut en effet à tout instant maintenir un équilibre entre la production et la consommation. C’était possible avant la libéralisation, car un même acteur (EDF) maîtrisait la chaîne de l’électron depuis sa production jusqu’à sa consommation et avait les moyens et l’information nécessaires pour ajuster cet équilibre à chaque instant. Cela devient beaucoup plus complexe avec la multiplication des acteurs, qui accroît considérablement les risques de rupture d’équilibre. La bourse de l’électricité vient accroître cette complexité. En outre, la « non stockabilité » de l’électricité rend les prix encore plus volatiles et objets de spéculation. Autre aspect, le marché est inapte à garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme : en l’absence de visibilité sur l’évolution des prix et des parts de marché, les producteurs ne sont pas incités à faire les investissements pourtant nécessaires.

3. La libéralisation du secteur de l’électricité

La libéralisation, dite aussi dérégulation, entraîne la séparation des activités de gestion des infrastructures, relevant toujours du monopole naturel (les réseaux de transport et de distribution d’électricité) et des activités réputées relever du marché qui se voient offertes à tout nouvel acteur (la production, la commercialisation... éventuellement même le comptage !). Une Commission de régulation de l’électricité (CRE) s’assure de l’ouverture du marché à la concurrence et contrôle les conditions de fixation des tarifs. En France, le réseau du transport a été séparé d’EDF pour devenir le RTE (Réseau de transport électrique). La même séparation est en cours pour la gestion du réseau de distribution. La création de bourses de l’électricité et de ventes aux enchères de capacités de production vient encore complexifier et désorganiser le système ! Le cloisonnement des activités fragilise grandement les mécanismes de coordination, de la production à la distribution. L’opacité des coûts, justifiée au nom de la concurrence, rend de plus en plus difficiles les choix énergétiques. Les activités en concurrence sont soumises à la logique de rentabilité à court terme des marchés. La qualité du service rendu aux usagers s’est dégradée. L’apparition de nouveaux intermédiaires, dont certains ne sont que des « commercialisateurs » et la croissance des budgets publicitaires contribuent automatiquement à l’augmentation des coûts. La libéralisation se traduit par une stratégie générale de Monopoly financier dans le secteur énergétique, accompagnée par la privatisation progressive d’entreprises publiques. Rachats, fusions, prises de participations croisées se succèdent toujours plus aujourd’hui, aboutissant à une concentration des entreprises du secteur et à une destruction massive d’emplois (300 000 au niveau européen). La « concurrence » reste limitée à quelques acteurs toujours plus puissants. On passe donc progressivement du monopole public à un oligopole privé régi par la loi du profit.

Seconde caractéristique, l’électricité se transporte mal à cause de pertes sur le réseau proportionnelles à la distance parcourue. Ce qui signifie un gaspillage d’énergie. Il est aberrant de vouloir un marché européen pour permettre de produire dans un pays ce qui sera consommé dans un autre (par exemple produire à partir du nucléaire en France pour vendre en Roumanie). C’est pourtant au nom de cette vision que Bruxelles dénonce les « congestions » dans les interconnexions entre pays et en appelle à leur renforcement. L’ancien président d’EDF, Marcel Boiteux, dénonçait l’aberration de la notion de marché européen et le non-sens de consacrer des milliards à bâtir des « autoroutes de l’énergie à travers l’Europe ».

4 - Monopole, entreprise publique et service public

Les services publics en réseau - télécommunications, rail, énergie, activités postales - relèvent à la fois d’une économie particulière et de besoins fondamentaux, constitutifs d’une citoyenneté moderne, auxquels s’ajoutent aujourd’hui des enjeux écologiques majeurs. Pour permettre l’accès de tous au réseau, un système de « péréquation » généralisé a été mis en place, permettant une redistribution tarifaire entre les différentes catégories d’utilisateurs. Le tarif d’une prestation particulière est déconnecté de son coût de revient. Cette redistribution tarifaire - à l’opposé des « lois » du marché concurrentiel - s’applique aussi entre les différentes prestations fournies. Lorsque cette péréquation est « sociale », ce sont les activités les plus rentables qui financent celles qui le sont moins ou pas du tout, parce qu’elles concernent des publics modestes ou des territoires en difficulté. Il est impératif dans cette situation d’éviter « l’écrémage » des activités les plus rentables par des entreprises qui n’interviendraient que sur ces segments. C’est l’une des raisons pour lesquelles la notion de monopole s’est historiquement imposée et c’est l’un des motifs qui ont justifié la propriété publique de ce monopole. Parce qu’elle peut échapper à la logique de la rentabilité capitaliste, l’entreprise publique, n’ayant ni actionnaires ni capital financier à valoriser, a été le cadre le plus adapté pour gérer un tel système. Mais il faut aujourd’hui aller plus loin. D’une part, le caractère public des entreprises n’est pas une garantie et celles-ci peuvent avoir soit des comportements bureaucratiques tenant les citoyens à distance, soit des comportements similaires à ceux des entreprises privées comme le montrent certaines évolutions actuelles. D’autre part, le monopole, s’il reste souvent une condition nécessaire au bon fonctionnement d’un service public en réseau, a lui aussi des limites. Ainsi en France, le monopole public sur les télécommunications n’a pas empêché que le téléphone soit longtemps considéré comme un moyen de communication réservé aux entreprises et aux particuliers aisés. Dans tous les cas, le service public doit se conjuguer avec des progrès de l’intervention des citoyens sur la production et la répartition des biens communs.

Outre son absurdité technique, le renforcement des interconnexions constitue une nuisance environnementale (comme les lignes haute tension traversant les Alpes ou les Pyrénées). Viser l’augmentation des échanges électriques entre les pays est contradictoire avec l’objectif de développer une production décentralisée d’électricité à base d’énergies renouvelables. L’interconnexion du réseau électrique européen doit revenir à sa fonction première, qui est de servir de secours réciproque aux frontières et d’assurer simplement à la marge un échange d’électricité.
Malgré ces constats sur l’échec du marché, reconnu y compris par de nombreux libéraux, la marche aveugle vers l’ouverture totale à la concurrence se poursuit, avec tous les risques qu’elle entraîne. La politique énergétique, compte tenu de ses conséquences en termes environnemental et social, doit appartenir aux citoyens. Leur intervention est le levier indispensable à la démocratisation des services publics.
Il y a urgence du point de vue environnemental avec le réchauffement climatique, le risque nucléaire et la raréfaction des ressources énergétiques, du point de vue social avec la menace sur les tarifs, du point de vue technique avec les problèmes liés au marché électrique. La campagne électorale de début 2007 doit être l’occasion de porter cette question dans le débat public.

Propositions pour une campagne de mobilisation

Le cadre général de la campagne doit être l’abandon de l’objectif de marché européen de l’électricité et la création d’un service public de l’énergie en Europe et en France.
Abrogation des directives européennes qui instaurent le marché de l’électricité et du gaz, non-application de l’ouverture du marché aux particuliers prévue en France au 1er juillet 2007.
Création d’un service public de l’énergie : droit à l’énergie pour tous, recherche prioritaire des économies d’énergie, définition et contrôle citoyen de la politique énergétique, choix de modes de production diversifiés qui intègrent les conséquences sociales et environnementales, recherche dans la maîtrise de l’énergie et la production du futur.
EDF (comme GDF) doit être dé-privatisée, (re)trouver le caractère démocratique qu’avaient voulu impulser ses fondateurs et être mise au service du public (voir encadré 4). La notion de service public doit être redéfinie pour faire face aux enjeux actuels. Une articulation souple peut exister à travers un réseau de services publics transversaux, du niveau local au niveau européen. Des partenariats sont possibles entre l’entreprise publique et des initiatives de coopératives, locales ou de particuliers, visant à la production d’électricité « propre » tout en respectant les principes du service public de l’énergie.

L’urgence est d’obtenir le maintien du tarif réglementé, en mobilisant l’ensemble des usagers (particuliers, collectivités locales, PME/PMI), des syndicats, des associations de consommateurs, etc.

Pour la défense et l’amélioration du tarif réglementé de l’électricité et du gaz

• Face aux attaques de la Commission européenne, le tarif réglementé doit rester l’outil du service public pour garantir l’égalité de traitement entre les usagers par la péréquation tarifaire.
• Outre l’exigence d’égalité de traitement, il est souhaitable d’intégrer plusieurs objectifs à la politique tarifaire et de débattre de différentes pistes possibles pour :
 assurer à tous le droit à l’énergie par l’attribution gratuite d’un quota d’électricité correspondant aux besoins de base (à définir),
 inciter aux économies d’énergie et à l’adoption de comportements économes en instaurant un tarif fortement progressif au-delà d’un certain niveau de consommation.

Documents d’Attac disponibles sur la question de l’énergie :

La question énergétique en débat

Énergie : Réponses à des questions que l’on n’ose pas poser

[1] Comme l’a défendu le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, M. Breton

article publié le 2/02/2007
auteur-e(s) : Groupe de travail énergie