Les Luxembourgeois ont dit « oui »

Les Luxembourgeois ont voté « oui » au projet de Constitution européenne. Le Premier ministre Jean-Claude Juncker, qui avait fait part de son intention de démissionner en cas de victoire du « non », peut donc être soulagé. Non seulement, il reste à son poste. Mais en plus, il est rassuré sur la vigueur des convictions européennes de ses concitoyens.

Enfin un « oui ». Du côté de Bruxelles, on doit être un peu plus serein depuis l’annonce des résultats du référendum sur la Constitution européenne au Luxembourg. Il est d’ailleurs significatif que José Manuel Durão Barroso, le président de la Commission, ait été le premier responsable politique à réagir après l’annonce de l’adoption du traité par les citoyens luxembourgeois. Pour une fois qu’il peut faire part de sa « grande satisfaction », il n’a pas perdu de temps. Il en a aussi profité pour prêcher pour sa paroisse en tirant comme conclusion immédiate de ce scrutin qu’il s’agit d’un « signal fort car cela signifie qu’une majorité des Etats membres considère que le Traité constitutionnel répond à leurs attentes en ouvrant la voie à une Europe plus démocratique, plus transparente, plus efficace et plus forte sur la scène mondiale ».

Il est vrai que le « oui » obtenu au Luxembourg brise le cycle du rejet que les référendums français et néerlandais semblaient avoir engagé. Contagion ou vrai débat, les dernières semaines de la campagne luxembourgeoise ont été marquées par une avancée du camp des détracteurs du traité. A tel point que Jean-Claude Juncker a fini par se demander si ses concitoyens étaient si europhiles que cela. A quelques jours du scrutin, le Premier ministre a d’ailleurs manifesté son scepticisme sur l’issue de la consultation : « Je ne peux pas dire que je suis confiant, je reste inquiet quant à la volonté des Luxembourgeois de dire ‘oui’ ».
Une campagne moins paisible que prévu

Il est vrai que s’il n’y avait pas vraiment de partis politiques ou de responsables syndicaux nationaux réellement motivés pour défendre le rejet du texte, des pourfendeurs étrangers du « oui » n’ont pas hésité à franchir les frontières pour expliquer leurs motivations. Le socialiste français Henri Emmanuelli est, par exemple, venu dans le Grand-Duché prêcher la bonne parole anti-Constitution et donner les raisons qui ont poussé les voisins hexagonaux des Luxembourgeois à refuser d’entériner un texte jugé trop libéral. Tant et si bien que certaines questions jugées préoccupantes par les habitants du pays ont surgi dans le débat sur la Constitution. Ainsi celle des risques de remise en cause des services publics et des acquis sociaux. Mais aussi celle de l’adhésion de la Turquie à l’Union, une perspective majoritairement rejetée par les Luxembourgeois très attachés à leur tradition catholique et soucieux face une éventuelle cohabitation avec un Etat musulman.

Le débat sur la Constitution européenne, qui promettait d’être paisible au Luxembourg, ne l’a finalement pas été tant que cela. Sans pour autant aboutir à un rejet populaire du traité comme en France ou aux Pays-Bas. Jean-Claude Juncker qui a décidé de maintenir la consultation coûte que coûte et même de dramatiser les enjeux en annonçant son intention de quitter ses fonctions à la tête du gouvernement en cas de victoire du « non », a gagné son pari. Il a convaincu une majorité d’électeurs du bien-fondé de sa position. Le score du « oui » (56,52 %) est large. Le Premier ministre peut donc être satisfait car il n’obtient pas un soutien mitigé. Pour autant, le score du « non » (43,48 %) n’est pas ridicule. Les derniers sondages réalisés un mois avant le référendum donnaient déjà un pourcentage d’électeurs décidés à rejeter le traité de cet ordre (45 %). Il est donc resté stable jusqu’au scrutin, ce qui fait penser que les électeurs qui ont voté « non » ne l’ont pas fait par hasard ou sur un coup de tête. Et le Premier ministre devra aussi tenir compte de cet enseignement.

« La Constitution n’est pas morte »

Pour l’Europe, le « oui » des Luxembourgeois est une bonne nouvelle. En tout cas, ce n’est pas une mauvaise nouvelle de plus. Cela ne veut pas dire pour autant que ce résultat change la donne. Les échecs successifs en France et aux Pays-Bas ont ébranlé le moral européen. Ils ont insinué le doute et modifié le scénario en cours de route. Plusieurs pays en ont même tiré la conclusion immédiate que rien ne servait de continuer à préparer la ratification d’un texte peu susceptible d’entrer en vigueur un jour. La Grande-Bretagne a initié le mouvement en annonçant qu’elle suspendait son processus d’adoption du traité. Mais elle n’est plus la seule à avoir fait le choix d’attendre. La Suède, le Portugal, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Pologne ont pris dans la foulée la même décision. Ce scepticisme ambiant ne rend que plus courageux le choix du Premier ministre de maintenir la consultation dans le Grand-Duché. Reste à savoir si l’impact de la victoire du « oui » au Luxembourg sera suffisant pour faire oublier la crise provoquée par celle du « non » en France et aux Pays-Bas. Il y a au moins un Européen qui pense que cela est possible. Il s’agit de Jean-Claude Juncker qui s’est réjoui du résultat du référendum dans son pays et en a conclu sans attendre que « le message qui émerge et qui s’adresse à l’Europe et au monde, c’est que la Constitution n’est pas morte après les votes en France et aux Pays-Bas ».

Valérie Gas
Article publié le 10/07/2005 19:47