Pourquoi la pauvreté n’appartient-elle pas au passé ?

Déclaration des Attac d’Europe, juillet 2005

http://www.france.attac.org/a5237

Les chefs d’Etats et de gouvernements et leurs ministres vont se réunir
d’abord à Gleneagles pendant le G8, puis à New-York à l’ONU, et enfin à Hong
Kong pour la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC). Une fois encore, au cours de ces différents événements, ils vont
faire des promesses concernant l’annulation de la dette, la suppression de
la pauvreté et l’accroissement de l’aide au développement. Nous avons de
sérieuses raisons de penser qu’il faut afficher notre plus grand
scepticisme.

Attac veut faire de la pauvreté un phénomène du passé. Mais le partage de
cet objectif avec d’autres ne signifie pas que nous sommes du même côté.
Nous ne croyons pas qu’il est possible de combattre la pauvreté au moyen de
politiques néolibérales et sans s’attaquer aux inégalités. Nous savons qu’on
ne combat pas la pauvreté en procédant au démantèlement systématique des
politiques sociales.

Les politiques néolibérales - intégrées au « Consensus de Washington » -
qui furent lancées il y a une vingtaine d’années sont un échec notoire. La
croissance est moins importante qu’alors, le développement social et
économique n’est plus à l’ordre du jour. Les politiques commerciales privent
les pays pauvres de leurs potentiels à se développer. Le remède néolibéral
pour réduire la pauvreté n’apporte aucune guérison. Pourtant les dirigeants
du monde riche ne font que reconduire les mêmes prescriptions.

Toutes les institutions mondiales doivent faire face à une grave crise de
légitimité. Désormais l’ONU met en avant les Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD), mais les gouvernements des pays du Nord et du Sud sont
incapables de dégager les ressources financières nécessaires pour combattre
la pauvreté. Il est presque certain que les OMD ne seront pas atteints en
2015. L’extrême pauvreté est celle qui tue. C’est celle que les OMD veulent
réduire de moitié, ce qui abandonnerait encore à la mort des millions de
gens.

Les politiques de réduction de la pauvreté préconisées par la Banque
mondiale ne cherchent qu’à donner un visage humain à la mondialisation
néolibérale. Mais c’est un visage emprunt d’une grimace sardonique. Les
politiques de la Banque mondiale détruisent la protection sociale et
privatisent les services sociaux, les rendant ainsi inaccessibles aux plus
démunis. La Banque mondiale affirme que les pays pauvres ont besoin d’être
bien gouvernés, mais, dans le même temps, rend toute démocratie impossible
en ne prenant en compte que l’aspect soi-disant culturel du développement
institutionnel.

Les politiques de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) obligent les
pays pauvres à ouvrir leurs frontières aux marchandises et services en
provenance des pays riches. Les conséquences directes de ces politiques sont
la désindustrialisation et le chômage. Parallèlement, les pays pauvres se
voient contraints de produire pour l’exportation et d’importer pour leur
consommation propre. C’est un cercle vicieux totalement absurde et
insoutenable auquel on doit mettre un coup d’arrêt immédiat.

La dimension très limitée des décisions que prennent les ministres de
l’économie et des finances du G7 afin d’annuler la dette multilatérale de 18
pays pauvres reste conditionnée une fois de plus à l’obligation de
privatisation. Les bénéfices ainsi fournis aux entreprises des pays riches
peuvent se révéler supérieurs au montant de la dette annulée.

D’autres politiques sont possibles et doivent être définies par les peuples
des pays riches et pauvres. Certaines exigences sont mondiales. La dette
extérieure de tous les pays pauvres doit être intégralement annulée. Ces
pays ont besoin d’une autonomie plus importante afin de déterminer leurs
propres politiques de développement social et économique. Les pays du Sud
doivent avoir leur propre espace pour poursuivre des politiques de
développement garantissant l’accès à un certain bien-être semblable à celui
des pays riches. Des politiques pour l’emploi et la protection sociale
doivent être menées. Les mouvements des capitaux doivent être contrôlés et
des taxes globales nécessairement introduites pour une redistribution
globale des revenus et le financement de biens publics mondiaux
indispensables, eux aussi, à la réduction des inégalités et à la protection
de la planète.

Le traitement de la pauvreté dans le monde reste une question très ambiguë.
Les dirigeants du monde riche se servent de la tragique pauvreté subie par
des milliards d’habitants comme prétexte pour mettre en œuvre, partout, les
« réformes » néolibérales.

De notre point de vue, l’éradication de la pauvreté constitue l’objectif
primordial. Cela signifie qu’il faut une autre forme de développement et que
l’on doit s’attaquer aux inégalités, que tous les droits de l’homme doivent
être respectés. Le réseau des Attac s’engage à combattre pour ces objectifs
aux côtés du mouvement altermondialiste. Parce qu’un autre monde est
possible, un monde de paix, de solidarité et de justice.

Déclaration des Attac d’Europe, juillet 2005