Traité modificatif européen : une copie du TCE

lundi 15 octobre 2007
par  Attac Paris 12

Le 23 juillet dernier, l’Union européenne a présenté un projet de traité modificatif, portant sur les deux principaux traités européens : le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne (qui prend le nom de « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne »).

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Ce projet devrait être adopté formellement par le sommet européen des 18 et 19 octobre 2007, puis soumis à la ratification des 27 membres de l’Union européenne, un processus qui devrait être conclu avant les élections européennes de juin 2009. Le projet de « traité modificatif » comporte plusieurs centaines de pages avec 297 modifications des traités existants, douze protocoles et quelques dizaines de projets de déclarations ayant la même valeur juridique que les traités. Faisant constamment référence aux traités existants, l’ensemble est évidemment illisible par tout un chacun. Ce sont les traités une fois modifiés qu’il faut considérer. Or ils ne sont pas publiés…
L’analyse article par article des projets de traités modifiés montre que le traité modificatif transfère dans les traités actuels la quasi totalité de la constitution rejetée par les électeurs français et néerlandais au printemps 2005 à près de 55 et 62 % des voix, après un engouement rare des uns et des autres pour le débat politique. Certes, le terme « constitution » n’est plus employé et ce texte aura donc une moindre portée symbolique, d’autant qu’il n’est plus question d’hymne
européen ni de fête annuelle de l’Europe. Mais, dès le préambule, on s’aperçoit que rien n’a vraiment changé, puisqu’un ajout entend affirmer, comme en 2005, le rôle essentiel de « l’héritage religieux » dans le développement de nos valeurs universelles, expression inacceptable au nom de la laïcité et du respect des réalités historiques. Le reste est à l’avenant.

POUR TENTER DE S’Y RETROUVER
Signé en 1957 et plus connu sous le nom de traité de Rome, le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) est toujours en vigueur aujourd’hui, dans une version consolidée incluant les modifications des traités ultérieurs. Le traité de Maastricht (1992), outre une actualisation du traité de Rome, comportait un certain nombre de nouveaux articles, identifiés par les lettres A à S. Ce sont eux qui, une fois regroupés, puis renumérotés par le traité d’Amsterdam (1997), constituent le traité sur l’Union européenne (UE). Celui-ci comporte, après le traité de Nice (2001), 53 articles, tandis que le traité de Rome, dont l’adjectif « économique » a été supprimé de
l’intitulé (CEE devenant CE), en comprend 314. À ces deux traités, il convient d’ajouter le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), signé en 1957, et les 54 articles de la Charte des droits fondamentaux (2000).
L’un des rares avantages du Traité constitutionnel européen (TCE) était de regrouper en un seul texte les traités UE, CE et la Charte. Ce qui donnait un ensemble à peu près lisible et compréhensible, même s’il comprenait en tout 448 articles. Nous l’avons d’ailleurs tellement lu et compris que nous l’avons rejeté ! Les dirigeants européens ont retenu la leçon, en nous proposant un « traité modificatif » tout aussi illisible que l’étaient les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice.

Pour s’y retrouver dans les sigles employés à l’intérieur de ce « quatre pages » :
TUE = Traité sur l’Union européenne dans sa nouvelle mouture.
TFUE = Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (nouvel intitulé du traité de Rome).
TCE = Traité constitutionnel européen (2004-2005).

Concurrence

La presse a fait grand cas du « succès » remporté par Nicolas Sarkozy qui a obtenu que l’expression « concurrence libre et non faussée » n’apparaisse pas comme un objectif de l’Union. Il s’agit certes d’une victoire symbolique des citoyens français et néerlandais et les victoires symboliques ne sont pas négligeables car elles légitiment un combat. Cela aura-t-il la moindre conséquence concrète ?

Le principe de concurrence libre reste présent dans nombre d’articles des traités. Citons par exemple l’article 105 maintenu dans le TFUE (et dans le TCE) qui affirme
« le principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Il est de plus au cœur de la
plupart des actes législatifs européens qui restent en vigueur, ceux notamment libéralisant les services publics.
Enfin, pour éviter toute fausse interprétation, le protocole n° 6 rappelle clairement le principe applicable en la matière : « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article [I-3] du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». L’article [I-3] porte sur les objectifs de l’Union. C’est ainsi que la concurrence non faussée est réintroduite dans les objectifs de l’Union d’où elle semblait avoir disparu. Pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’un objectif théorique, le protocole n° 6 indique qu’à cet effet, « l’Union prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités ».

On le voit, la force du droit de la concurrence reste identique. Il reste le droit organisateur de l’Union, un droit normatif, véritable droit « constitutionnel » qui réduit la plupart du temps les autres textes européens à être des déclarations d’intention sans portée opérationnelle pratique.

Politique commerciale / circulation des capitaux

La politique commerciale de l’Union se fixe pour objectif « d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des
obstacles au commerce international » (nouvel article 10A TUE repris du TCE). Le libre-échange généralisé reste
l’horizon indépassable des politiques européennes.

Cet objectif est affirmé de façon élargie par l’article 188 B du TFUE qui indique que l’Union « contribue (…) à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». Cet article repris du TCE modifie la rédaction actuelle dans le sens d’une encore plus grande libéralisation : les investissements étrangers directs et le « et autres » n’apparaissaient pas dans l’article initial. Cette dernière expression renvoie aux « obstacles non tarifaires au commerce » tels que les normes environnementales ou la protection des consommateurs qui sont la cible des politiques de libéralisation menées, entre autres, par l’OMC et les accords bilatéraux de libre-échange.

L’unanimité des États est cependant requise pour la conclusion d’accords commerciaux dans « le domaine des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de
porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union » et « dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national ». Ce sera à la Cour de justice d’apprécier si le droit de veto des États membres s’applique ou non.

Le traité modificatif ne touche évidemment pas à la liberté de circulation des capitaux, non seulement entre les États membres, mais aussi entre ceux-ci et des pays tiers (art. 56 TFUE ou 156 du TCE) et l’unanimité des États reste requise pour toute mesure visant à restreindre la libéralisation des mouvements de capitaux (art. 57-3 TFUE ou 157-3 du TCE).

ENTRE LA PESTE ET LE CHOLÉRA
Les « objectifs de l’Union » sont apparus avec le traité de Maastricht et ont été à plusieurs reprises modifiés. Parmi ces objectifs, l’article 3-2 du défunt TCE se présentait ainsi :
L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.

Voici maintenant sa nouvelle mouture, identique d’ailleurs à celle du traité d’Amsterdam de 1997 :
L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration, ainsi que de prévention contre la criminalité et de lutte contre ce phénomène.

La chasse aux sans papiers n’était certes pas inconnue du TCE, qui l’évoquait dans sa partie III. La voilà désormais à nouveau promue au rang d’objectif de l’Union, à la place de la concurrence libre et non faussée. De ces deux maux, difficile de choisir le moindre !

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Rôle de la BCE / politique économique

La stabilité des prix fait maintenant partie des objectifs de l’Union (art. 3 TUE modifié repris du TCE), alors que cela n’était pas le cas auparavant. C’était simplement un objectif de la Banque centrale européenne (BCE) indiqué dans l’article 105 du traité instituant la communauté européenne, objectif réaffirmé dans au moins trois articles du TFUE qui sont des copies du TCE. Si son rajout comme objectif de l’Union ne changera rien en pratique, il n’en est pas moins symbolique.

L’indépendance de la BCE est évidemment maintenue (art. 108 TFUE ou 188 du TCE) et elle aura comme seul objectif le maintien de la stabilité des prix, contrairement aux autres banques centrales des pays riches.

La Déclaration 17 préconise le renforcement de la compétitivité. Elle invite « à une restructuration des recettes et des dépenses publiques, tout en respectant la discipline budgétaire conformément aux traités et au Pacte de stabilité et de croissance ». Elle fixe comme objectif « de parvenir progressivement à un excédent budgétaire en période de conjoncture favorable ». Bref, la doxa néolibérale habituelle aggravée par l’objectif d’atteindre un excédent budgétaire.

Politique de sécurité et de défense

La défense commune de l’Union n’est envisagée que dans le cadre de l’OTAN. Le lien à l’OTAN est renforcé. La formulation actuelle (art. 17-4 TUE) indique que la coopération dans le cadre de l’OTAN ne peut avoir lieu que « dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à celle qui est prévue au présent titre ni ne l’entrave ». La nouvelle formulation lie plus étroitement une future défense européenne à l’OTAN : « Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre » (futur article 27-7 TUE repris du 41-7 TCE et réaffirmé par le Protocole n°4).

Le militarisme est officiellement encouragé : « Les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires » (futur art. 27-3 TUE repris du TCE). Ce doit être d’ailleurs le seul endroit où le traité encourage les États à augmenter leurs dépenses publiques !

Au nom de la lutte contre le terrorisme, les interventions militaires à l’étranger sont encouragées : « Toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire » (futur art. 28 TUE copie du 309 TCE). Un tel article autorise, de fait, toutes les aventures militaires.

Charte des droits fondamentaux

La Charte des droits fondamentaux n’a pas été intégrée au traité modificatif. La Déclaration n°11 indique qu’elle « sera proclamée solennellement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission le jour de la signature » des deux traités modifiés. Cette même déclaration en reprend le texte. L’article 6 du TUE sur les droits fondamentaux a été réécrit pour y intégrer son existence qui « a la même valeur juridique que les traités ». La Charte sera donc « juridiquement contraignante » (Déclaration 31). Tout le problème est de savoir jusqu’à quel point.

En effet, les droits sociaux qui y sont contenus sont de très faible portée. Ainsi, le droit au travail et à l’emploi n’existe pas et seul apparaît le « droit de travailler ». Le droit à la protection sociale est remplacé par un simple « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux ». D’autres sujets posent encore plus de problèmes. Le droit à l’avortement et à la contraception n’est pas reconnu par la Charte. Dans ce cadre, on peut craindre que la réaffirmation du « droit à la vie » ne soit utilisée par certains pour les contester devant la Cour de justice.

Pour l’essentiel, l’application des droits contenus dans cette Charte est renvoyée aux « pratiques et législations nationales ». Cette charte ne crée donc pas fondamentalement de droit social européen susceptible de rééquilibrer le droit de la concurrence qui restera dominant à l’échelle européenne. Cerise sur le gâteau, des limitations à ces droits peuvent être apportées si elles sont jugées « nécessaires ».

Les droits dits « fondamentaux » ne s’adressent pas aux citoyens mais aux institutions de l’Union et des États quand ils « mettent en oeuvre » le droit de l’Union ; ces droits ne créent « aucune compétence et aucune tâche nouvelle pour l’Union » ; ils restent subordonnés aux autres dispositions du projet, caractérisées, elles, par « la concurrence libre et non faussée ». Ces droits « fondamentaux » ne le sont donc guère. L’Union les reconnaît et les respecte, mais n’en assure pas la mise en application.

Malgré toutes ces précautions, ce texte est encore de trop pour certains gouvernements. Ainsi le Royaume-Uni a obtenu d’en être dispensé (Protocole n°7) et la Pologne et l’Irlande envisagent de faire de même.
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Services publics

L’article 16 du traité instituant la communauté européenne reconnaît les services d’intérêt économique général (SIEG) comme une « valeur commune de l’Union » et indique que l’Union et ses États membres « veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions ».

Cet article est modifié. Il devient l’article 14 du TFUE. La nouvelle rédaction évoque explicitement la nécessité pour l’Union et ses États membres d’assurer les conditions économiques et financières permettant aux SIEG d’assurer leurs missions. De plus, une nouvelle phrase est rajoutée qui indique que « le Parlement européen et le Conseil (…) établissent ces principes et fixent ces conditions ».

Ces modifications d’apparence positive ne touchent hélas pas à l’essentiel. En effet, la mise en œuvre de cet article est explicitement soumise aux articles 86 et 87 du traité. Ces articles ont été conservés dans le TFUE. L’article 86 a une portée considérable. Il est mortifère pour les services publics. Ceux-ci sont soumis aux règles de la concurrence. Ils ne peuvent y déroger que si cela n’entrave pas le développement des échanges « dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté ». C’est la Commission qui est juge des dérogations possibles. Elle a ainsi tout pouvoir pour ouvrir les services publics à la concurrence. Cet article fournit la base juridique à la libéralisation des services publics. Quant à
l’article 87, il rend quasi impossible toute aide d’État pour des raisons d’intérêt général.

La référence à ces deux articles vide, de fait, le nouvel article 14 de toute portée opérationnelle pour développer les services publics.

Le Protocole n° 9-2 porte sur les services d’intérêt général non marchands, c’est-à-dire qui ne sont pas directement payés par l’usager. C’est la première fois qu’un texte de portée juridique équivalente aux traités porte sur les services non marchands : « Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l’organisation de services non économiques d’intérêt général. » Cet article semble donc protéger les services non marchands des règles de la concurrence. Le problème vient en fait de la définition des « services non économiques » qui n’est pas présente dans le texte.

Un arrêt de la Cour de justice (C-180-184/98) indique que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné ». Avec ce type de définition, tout peut être considéré comme « une activité économique » s’il y a marché et donc être soumis au droit de la concurrence et aux règles du marché intérieur. Et de fait, dans un rapport sur les services d’intérêt général, fait à l’occasion du Conseil européen de Laeken à la fin de l’année 2001, la Commission indique qu’il n’est « pas possible d’établir a priori une liste définitive de tous les services d’intérêt général devant être considérés comme non économiques ». Elle indique d’autre part que « la gamme de services pouvant être proposés sur un marché dépend des mutations technologiques, économiques et sociétales ».
L’article 2 de ce protocole risque fort, dans ce cadre, de rester sans aucune portée pratique.

TOUS D’ACCORD, SAUF SARKOZY
Afin de justifier la ratification du traité par voie parlementaire, le candidat, puis le président Sarkozy parle de « mini-traité », affirme que le TCE est bel et bien enterré et qu’on n’a affaire qu’à des modifications mineures, essentiellement techniques. Il est bien le seul de son avis. On se rappelle que, dès le mois de juillet, Valéry Giscard d’Estaing, le « père du TCE » affirmait : « En termes de contenu,
les propositions demeurent largement inchangées, elles sont justes présentées de façon différente. » Ou encore, enfonçant le clou : « La raison de ceci est que le nouveau texte ne devait pas trop ressembler au traité constitutionnel. Les gouvernements européens se sont ainsi mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler. »

Avis partagé par José Luis Zapatero, qui s’en félicite :
« Nous n’avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution… C’est sans aucun doute bien plus qu’un traité. C’est un projet de caractère fondateur, un traité pour une nouvelle Europe. »

Ou encore par Angela Merkel :
« La substance de la Constitution est maintenue. C’est un fait. »

Ou par le Premier ministre du Danemark, Anders Fogh Rasmussen :
« Ce qui est positif, c’est … que les éléments symboliques aient été retirés et que ce qui a réellement de l’importance – le cœur – soit resté. »

Sans oublier Romano Prodi, orfèvre en la matière :
« En ce qui concerne nos conditions, j’ai souligné trois « lignes rouges » portant sur le respect du texte de la Constitution : conserver un président permanent de l’Union, un seul responsable de la politique étrangère et un service diplomatique commun, préserver l’extension du vote à la majorité, la personnalité juridique unique de l’Union. Tous ces éléments ont bien été conservés. »

Tous les chefs de gouvernement sont d’accord. Quant à l’état d’esprit du traité, il est clairement résumé par Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères :
« Le but du Traité constitutionnel était d’être plus lisible… Le but de ce traité est d’être illisible… La constitution voulait être claire alors que ce traité devait être obscur. C’est un succès. »

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Les modifications institutionnelles

1) Pas de droit d’initiative citoyenne
Le projet reconnaît un prétendu droit d’initiative citoyenne (article 8 B-4 TUE repris du 47-4 TCE), mais il est soumis au bon vouloir de la Commission, qui est seulement « invitée » à soumettre une proposition et n’a donc aucune obligation d’examiner ni de prendre en compte l’initiative et les propositions formulées par un minimum d’un million de citoyens « aux fins de l’application des traités », tout projet de modification des traités étant donc exclu. La Commission n’est même pas tenue d’expliquer sa décision aux citoyens. Le droit de pétition était déjà reconnu par le traité de Nice (art. 194) comme par les constitutions de tous les États membres.

2) Rôle des Parlements nationaux et du Parlement européen
Les Parlements nationaux apparaissent à plusieurs reprises, avec la volonté manifeste d’en renforcer le rôle. Dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’Union, ils peuvent s’élever contre un projet d’acte législatif européen s’ils estiment qu’il ne respecte pas le principe de subsidiarité (art. 5 TUE et art. 3 du prot. 1, repris du TCE).

L’article 7 du protocole n°2, repris du TCE, indique la procédure. Si un tiers des parlements nationaux (un quart en matière de liberté, sécurité et justice) sont de cet avis, le projet doit être « réexaminé », et à l’issue de ce réexamen, le projet peut être maintenu, modifié ou retiré. En outre, si une majorité des
parlements nationaux et 55 % du Conseil (ou la majorité du Parlement européen) sont contre, le projet est retiré.

Cet article renforce certes le rôle des Parlements nationaux, mais sa portée est très limitée puisque ces derniers ne se déterminent pas sur le fond du projet mais sur le seul respect du principe de subsidiarité.

Comme dans le TCE, le rôle du Parlement européen est accru par une augmentation significative des domaines relevant de la codécision avec le Conseil des ministres, qui passent de 40 à 69 sur un total de 90, en intégrant notamment les politiques de coopération policière et judiciaire. Cependant c’est toujours le Conseil qui exerce la fonction législative décisive, d’une part car une loi ne peut être adoptée sans son accord, de l’autre car ce sont ses positions qui deviennent rapidement non amendables, et non celles du Parlement.

Il reste 21 domaines dont le Parlement est exclu, et certains très importants. La liste n’en est écrite nulle part. Il faut comprendre qu’un domaine est exclu lorsqu’un article du projet de traité précise que c’est le Conseil qui décide ou que le Parlement est simplement consulté : inquiétante opacité du texte qui devrait pourtant être absolument clair. Voici donc les domaines ou les parties de domaine les plus importants où le Parlement n’est pas co-décideur : la politique étrangère et de sécurité, le marché intérieur, les tarifs douaniers, la politique monétaire, la fiscalité, l’essentiel de la politique agricole, et la politique sociale pour partie.

3) Droit de recours individuel devant la Cour de justice
Il est restreint. En effet, le 4ème alinéa de l’article 230 TFUE est modifié. La rédaction actuelle prévoyait qu’un recours d’un individu était possible même si les décisions le concernant directement et individuellement avaient été « prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne ». Cette dernière possibilité a disparu.

4) Les autres modifications
L’Union se voit dotée d’une personnalité juridique, ce qui lui permet de signer des accords internationaux au nom des États membres. La majorité qualifiée au Conseil passe à 50 % des États et 55 % de la population au 1er novembre 2014 avec des mesures transitoires complexes qui pourront durer jusqu’en 2017. Réduction du nombre de Commissaires avec là aussi une procédure de transition jusqu’au 31 octobre 2014. Création d’un poste de Président du Conseil européen pour un mandat de 2,5 ans renouvelable une fois et d’un Haut Représentant (le terme « ministre » a été rejeté) de l’Union pour les Affaires étrangères.

Conclusion

On le voit, les raisons de fond du rejet du TCE demeurent pour ce projet de traité, marqué de bout en bout par le néolibéralisme, tant dans les principes qu’il promeut que dans les politiques qu’il prône. S’il demeure en l’état d’ici sa ratification, l’Union européenne restera un espace privilégié de
promotion des politiques néolibérales. Les quelques points positifs ne remettent pas fondamentalement en cause le fonctionnement actuel de l’Union, marqué par un profond déficit démocratique avec une confusion des pouvoirs qui voit
l’organe exécutif de l’Union, la Commission, dotée de pouvoirs législatifs et judiciaires, et qui fait du Conseil un organe législatif alors même qu’il est la réunion des exécutifs nationaux.

À ces raisons de fond vient s’ajouter la méthode employée, qui confirme la volonté des gouvernements et de la Commission d’exclure les peuples et les citoyens du
processus de construction de l’Union.

EXIGER UN RÉFÉRENDUM
Une fois le traité adopté par le Conseil européen, s’ouvre la phase de ratification par les États. Pendant la campagne électorale, Nicolas Sarkozy, arguant du caractère « simplifié » et consensuel du futur traité, s’était prononcé pour une ratification par voie parlementaire. En fait de traité « simplifié », le traité modificatif est plus complexe que le TCE et son contenu ne fait absolument pas consensus.

Si nos dirigeants continuaient à vouloir imposer ce traité modificatif qui reprend la totalité du TCE par voie parlementaire, les députés français devraient le rejeter, en respectant le choix largement majoritaire des électeurs. Si l’on prétend que les électeurs ont pu changer d’avis en deux ans, il faut leur redonner la main, et demander aux électeurs de ratifier ou rejeter ce projet de modification des traités par référendum. Comment en effet pouvoir débattre réellement de l’avenir de l’Union, de ses orientations si les citoyennes et citoyens ne peuvent pas décider des choix à effectuer ? Comment croire que l’Europe puisse avoir la moindre légitimité si les Européens n’ont pas droit à la parole quant aux politiques qui vont conditionner leur vie pour l’avenir et quant aux institutions qui leur permettent ou leur interdisent d’exercer leur souveraineté fondamentale ? Il est nécessaire aujourd’hui de poursuivre la construction européenne sur d’autres bases, à définir par les citoyens eux-mêmes. Une réorientation fondamentale en faveur de l’Europe des citoyens est indispensable.

Quel que soit donc le point de vue que l’on puisse avoir sur le contenu de ce traité, chacun d’entre nous doit pouvoir en débattre et se déterminer. C’est une exigence démocratique minimale.



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