La grande désillusion

Joseph STIGLITZ
vendredi 20 juillet 2001
par  Attac Herault

L auteur, professeur d économie à Stanford, a été successivement conseiller de Bill Clinton puis économiste en chef et vice-président de la banque mondiale. Le Prix Nobel d économie lui a été attribué en 2001.

Le FMI et la Banque mondiale, institutions issues des accords de Bretton Woods en 1944, ont été mises en place en vue de pallier les futures crises capitalistes, de favoriser la croissance et le plein emploi par le libéralisme. Au FMI, le nombre de voix est proportionnel au nombre de souscriptions données ; les Etats-Unis disposent d un droit de veto. (1$ = 1 voix)

A partir des années 1980, l idéologie de « l aide au développement » prônée par la Banque Mondiale, a dévié en faveur de l idéologie libérale. Or, constate Joseph Stiglitz, les effets négatifs de la mondialisation libérale l emportent sur les effets positifs. D autant que les politiques du FMI, en ne prenant pas en compte les spécificités de chaque pays, n ont fait bien souvent qu aggraver les crises et engendrer la détresse. Quelques cas illustrent cette politique. L Ethiopie, par exemple, pays caractérisé par une inflation réduite, très peu de corruption et destinant ses prêts au système éducatif et de santé. Non content de lui refuser le droit de rembourser un prêt de manière anticipée, au motif que des réserves équivalentes aux prêts devaient être prévues, le FMI exigea l ouverture de son marché financier. L Ethiopie refusa. Conséquence de son refus, il ne lui fut plus possible d obtenir de prêts du FMI.

Autre cas d école, la crise asiatiques de 1997, illustre les risques dus aux conditions exigées par le FMI. Tandis que l Asie du sud-est vivait dans les années 1980-90 un développement sans précédent, le FMI exige l ouverture des marchés financiers. Une bulle spéculative se forma peu à peu. Les entreprises locales s endettèrent (notamment en Corée), les banques émirent des prêts. Lorsque intervient une crise de confiance des spéculateurs, l effondrement du baht et de l économie en Thaïlande entraînent dans leur chute les pays voisins. Le FMI appelé en renfort, préconisa des taux d intérêts forts, davantage d ouverture des marchés et des restrictions monétaires, notamment une forte réduction des crédits bancaires. Par ailleurs, il conseilla de réduire les importations et d augmenter les exportations. Les économies asiatiques étant assez dépendantes les unes des autres, les exportations sont freinées. Les classes moyennes, largement touchées, ne consommèrent plus, et les faillites d entreprises furent multipliées.

On constate que les pays qui n ont pas accepté de suivre les directives FMI, telle la Malaisie, s en sont mieux sortis. De plus, l exemple de la Chine, qui reçoit un très important volume d investissements étrangers et contrôle pourtant strictement ses marchés financiers, démontre que la libéralisation des marchés financiers n est pas nécessaire pour attirer des fonds étrangers.

Quant à la thérapie de choc prônée par le FMI pour la Russie, elle s avéra catastrophique. La libéralisation de tous les prix entraîna une hyper inflation, les privations se transformèrent en gigantesques braderies, l argent fut placé sur des comptes dans les paradis fiscaux. En peu de temps, le recul de la production fut supérieur à 60% tandis qu en 1998, la Russie reçu le choc de la crise asiatique avant de pâtir de la baisse des prix du pétrole.

Joseph Stiglitz conseille un contrôle des mouvements de capitaux par les pays et reconnaît que nulle part le FMI n agit dans l intérêt des populations, en s intéressant au chômage, à l éducation ou au niveau de vie. De fait, le mandat originel du FMI est de maintenir la stabilité économique et non de réduire la pauvreté. Il suggère un changement des institutions, notamment par une augmentation du nombre de voix pour les pays pauvres.

Cet ouvrage révèle l échec des institutions financières, Banque Mondiale et FMI, dans leur politique de libéralisme à tout va. Il rejoint les thèses d Attac sur la circulation des capitaux, les paradis fiscaux et la spéculation d une manière générale. Ces affirmations, formulées par un nord-américain, « homme du sérail » et d idéologie libérale, en acquièrent que plus de poids.