L’Afrique

mardi 27 mars 2007
par  Marie Solange Pasdeloup

Le fait que l’Afrique soit le continent le moins développé ne tient pas à ses conditions géographiques ou climatiques mais au poids de l’histoire. En effet il y a eu de grands empires, au sud de l’Egypte et dans la corne de l’Afrique, à l’époque égyptienne ou même avant. Au 1er millénaire, des royaumes prospèrent (Ghana, Mali, Soudan). Comme partout ailleurs dans le monde ces civilisations naissaient, se développaient, disparaissaient.
L’on est en droit de se demander pourquoi, à l’époque moderne, ce continent est resté délibérément à l’écart du développement. Remarquons que les Amériques ne se sont pas développées à partir des populations autochtones mais par l’immigration massive européenne. Les populations autochtones y ont été, au contraire, marginalisées quand elles n’ont pas disparu. L’Asie a vu sa prospérité décroître après le Moyen Age alors que l’Europe mettait en place sa domination mondiale. Le degré de misère en Asie a même atteint des dimensions colossales qui n’ont pas encore disparues. Il y a aujourd’hui moins de personnes sous-alimentées en Afrique subsaharienne que dans la seule Inde.
En 1950 le PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat) était supérieur au Kenya qu’en Corée du Sud. En 1990 celui de la Corée était 7 fois supérieur à celui du Kenya. D’où vient cette stagnation de l’Afrique ?

UN CAS D’ECOLE

LE PILLAGE DES FORCES VIVES

Le système social africain depuis la plus haute Antiquité était esclavagiste. Mais l’Afrique n’en avait pas le privilège exclusif. L’esclavage existait en Mésopotamie, en Chine, en Inde ainsi que dans les civilisations américaines précolombiennes. Les civilisations grecques puis romaines permettaient l’émergence d’une caste privilégiée hautement cultivée grâce aux esclaves. Ceux-ci étaient obtenus généralement suite aux guerres,
Athènes et Rome ayant fondé de larges empires grâce à leurs armées. En Afrique également les esclaves résultaient de prises de guerre et de razzias. Dès le 1er millénaire le commerce des esclaves se faisait au même titre que celui de l’or ou de la métallurgie du fer et du cuivre. Les esclaves étaient échangés contre des biens de consommation (Côte de l’or, Congo, Bénin, Mozambique, Zimbabwe).

Le commerce des esclaves s’est développé à partir du 7ième siècle avec l’essor de l’empire musulman mais c’est au 16ième siècle qu’il a acquis une ampleur sans précédent. Il s’agissait de fournir de la main d’œuvre aux planteurs sud et nord américains. Le prélèvement sur la population atteint alors 40.700 personnes par an. Au 18ième et 19ième siècle le chiffre dépassait 50.000 par an en moyenne. Se posent deux questions : pourquoi les terres d’émigration européenne ont été l’Amérique et non l’Afrique, et pourquoi les esclaves ont-ils été cherchés en Afrique ? En fait l’Afrique n’offrait pas les mêmes possibilités d’enrichissement aux Européens que l’Amérique. Les mines de Guinée fournissaient peu d’or et le sol n’était que rarement fertile. Quant à la deuxième question les planteurs en Amérique du Sud ont bien utilisé les populations autochtones comme esclaves mais elles n’ont pas résisté aux dures conditions de travail qu’on leur imposait, d’où la nécessité d’en faire venir d’un autre continent.

Il est clair que ce sont les meilleurs éléments de la population qui ont été prélevés pour être vendus et qu’une hémorragie aussi importante des forces vives ne pouvait qu’entraver le développement de ces sociétés. De nos jours on ne procède pas autrement au détriment des pays africains en pillant les cerveaux. Il y a plus de médecins du Malawi à Manchester que dans tout le Malawi, qui pourtant en manque. En Zambie sur 600 médecins formés depuis 40 ans, seuls 50 sont encore dans le pays. Au Ghana, Kenya, Mozambique, etc. un tiers à la moitié des diplômés s’expatrient. D’un autre côté l’immigration clandestine africaine cherchant à fuir la misère est composée de la fraction des jeunes la plus dynamique. En trois mois de 2006, 20.000 jeunes sénégalais ont ainsi émigré et 100.000 autres sont prêts à le faire.

LA COLONISATION

Au 19ième siècle les pays européens colonisent progressivement l’Afrique. Le partage du continent entre Européens se réalise à l’amiable à la conférence de Berlin (1884-1885) délimitant les zones d’influence. L’objectif était d’assurer l’approvisionnement en matières premières de leurs industries naissantes. Ils ont créé des villes sur la côte à partir desquelles ils pouvaient contrôler les territoires et exporter la production. Il s’agit notamment de Dakar, Abidjan, Luanda, Cotonou, etc. Les mines et les ports étaient gérés par des sociétés capitalistes européennes. Des routes et des chemins de fer ont été construits afin d’acheminer les matières premières de l’intérieur vers les ports. La population a été assujettie à des impôts qu’elle devait payer soit en travail forcé (pour la construction des routes), soit en numéraire, mais alors il fallait produire des cultures d’exportation (arachide, coton, huile de palme).

Là où les conditions s’y prêtaient ce sont des colons blancs qui se sont accaparés des bonnes terres pour produire des cultures d’exportation en repoussant les autochtones sur des terres de moindre qualité. Au Cameroun, sous occupation germanique, deux grandes firmes allemandes exproprient les autochtones de 80.000 ha de terres riches que les paysans locaux n’ont pas encore pu récupérer (après la seconde guerre mondiale c’est un complexe agricole privé camerounais qui l’a repris poursuivant les cultures d’exportation). Au Zimbabwe 1% de la population, bien entendu des Blancs, possédait 70% des terres, bien entendu encore les meilleures.
Partout les indigènes qui produisaient des cultures vivrières ont été chassés des bonnes terres et relégués à l’état de travailleurs agricoles durement exploités. Mais là encore rien de spécifique à l’Afrique puisque le même phénomène se produisait en Amérique latine.

LA DECOLONISATION

Lorsque la décolonisation a eu lieu après la seconde guerre mondiale l’économie de l’Afrique était totalement orientée vers l’exportation de matières premières, minières et agricoles. La production, la vente et l’acheminement de ces matières premières se trouvaient dans les mains des sociétés européennes. Lorsque les colonisateurs se retirèrent de ces pays ils veillèrent à maintenir leurs intérêts économiques et politiques. La collusion en Afrique francophone du gouvernement français, de Bouygues et d’Elf est sans ambiguïté. Cela nécessitait la mise en place de dirigeants africains accommodants et le versement d’argent corrupteur et d’aides publiques dont une partie s’évaporait aux différents niveaux décisionnels.
Mais la corruption n’explique pas tout, loin de là. Les dirigeants des pays asiatiques étaient aussi corrompus mais cela ne les empêchait pas de veiller au développement de leur pays. Ils étaient animés d’un sentiment national issu de leur passé historique et culturel et oeuvraient dans l’intérêt de leurs pays. Lorsque les colonisateurs européens quittèrent l’Afrique ils prirent soin d’établir les frontières des nouveaux pays non pas en fonction de leur homogénéité ethnique mais au contraire en veillant à ce que chaque pays se compose de plusieurs ethnies. Diviser pour régner est une vieille maxime et pas seulement britannique. Staline avait fait de même dans les pays de l’Union soviétique avec les résultats catastrophiques encore maintenant sur le plan de la cohésion nationale comme le montrent les exemples de l’Ukraine, de la Géorgie ou des pays baltes. De sorte que dans les pays africains, vu l’absence de cohésion nationale, l’ethnie majoritaire occupait le pouvoir à son profit, que cette domination soit obtenue par voie dictatoriale ou démocratique. L’ethnie se partageait les prébendes et les rentes, sans se soucier du développement de l’ensemble du pays. Mais il arrive aussi, comme au Tchad, que le dictateur (le général Eyadéma), profitant de l’existence d’ethnies différentes, crée de toutes pièces un antagonisme entre elles pour asseoir son autorité par le tribalisme.

LA MALEDICTION DES RICHESSES

L’Afrique subsaharienne est la zone du monde où la richesse est la plus concentrée. Et pourtant le revenu par tête y est le plus bas et a diminué de 10% au cours des vingt dernières années. La raison en est précisément l’existence de ces richesses. D’une part elles sont accaparées par les multinationales qui perpétuent la corruption dans le système afin de conserver leurs privilèges et leurs marges, d’autre part elles sont l’objet de conflits entre ethnies ou entre pays pour bénéficier des minces retombées dont ils (elles) peuvent bénéficier.

Le pillage par les multinationales
Les richesses du sous-sol ne profitent ni à l’Etat, ni à la population. Le nombre d’emplois créés est faible et les emplois sont mal payés. Les industries d’extraction, aux mains des multinationales étrangères, ne sont pas génératrices de développement pour le pays. Souvent au contraire elles aboutissent à appauvrir les populations. Ainsi au Nigeria les compagnies pétrolières occupent jusqu’à 65% des terres cultivables sans contrepartie pour la population locale. Des fermiers ont été spoliés de leurs terres sans indemnisation lors de la création de l’oléoduc Tchad / Cameroun. Les pêcheurs de la côte camerounaise perdent leurs moyens de subsistance suite aux activités pétrolières. Les revenus que l’Etat retire sont sans commune mesure avec la valeur des produits extraits (1).
Si les Etats ne profitent pas de la manne des richesses minières il n’en est pas de même des dirigeants. Depuis 25 ans le Nigeria a reçu 300 milliards de $ de revenus pétroliers mais le revenu par tête reste inférieur à 1 $ par jour. L’argent atterrit sur des comptes bancaires en Suisse (entre autres sur ceux de l’ancien dictateur Sani Abacha).

Les conflits autour des richesses
L’Afrique représente aujourd’hui près de 40% des conflits mondiaux qui sont parmi les plus sanglants. Les causes en sont bien évidemment les richesses minières.
Le cas le plus représentatif des conflits est probablement celui du Congo-Kinshasa (ex-Zaïre). Ce pays était en 1996 le 1er producteur mondial de cobalt, en 1995 le 2ième mondial en diamants. Il possède également du cuivre (principale ressource du pays), de l’or, du zinc, du manganèse, du tungstène, 60% des réserves mondiales de coltan (métal rare), etc. Il est l’objet de convoitises de ses voisins, l’Ouganda et le Rwanda. Mais ceux-ci ne parviennent à leurs fins qu’en s’appuyant sur les milices locales issues d’ethnies antagonistes (Hemas proches des Tutsis rwandais et Lendus proches des Hutus). Résultat : entre 1999 et 2003 50.000 morts civils et plus de 3 millions de Congolais déplacés. Le PIB par habitant a été divisé par trois et l’indicateur de développement humain, déjà fort bas, a diminué en 15 ans de 10%.

LE PILLAGE PAR LES GOUVERNANTS

Malheureusement les dirigeants ne se contentent pas d’empocher les prébendes octroyées par les gouvernements « amis » et par les multinationales. Ils mettent parfois aussi le pays en coupe réglée. C’était le cas du Kenya pendant 25 ans par son président Daniel arap Moi. Mais l’alternance de 2003 n’a rien changé et le nouveau président Mwai Kibaki détournerait 8% du PIB du pays (des montages budgétaires sont utilisés pour détourner l’argent public). Entre 1990 et 2003 l’indicateur de développement humain a chuté de 13%.
Situation analogue en Centrafrique. Le pays possède de l’or et d’autres richesses minières, elles, non exploitées. Il est le 10ième producteur mondial de diamants mais la moitié de cette production utilise des circuits illégaux et échappe au contrôle de l’Etat. Les salaires des fonctionnaires sont versés avec 6 mois de retard. Lors d’une visite à Düsseldorf en juin 2004 le nouveau chef de l’Etat avait emmené avec lui une mallette de diamants, ne faisant que perpétuer les habitudes de ses prédécesseurs. Concernant l’indicateur de développement humain, classé au 171ième rang sur 177, il a diminué de 7% entre 1990 et 2003.

LA SPECIFICITE DE L’AFRIQUE

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, et que l’on essaie de nous faire croire, si l’Afrique est le seul continent à ne pas avoir amorcé son développement, la responsabilité n’en incombe pas à l’autocratisme et à la corruption de ses dirigeants. Sur ces plans les pays asiatiques en développement n’avaient rien à envier à l’Afrique. L’exemple le plus frappant est celui de l’Indonésie où le dictateur Suharto avait une fâcheuse tendance à confondre ses intérêts privés (et ceux de sa famille) avec l’intérêt public ce qui lui a permis d’accumuler une fortune colossale. Pourtant dans les 25 années de son « règne » le PIB par habitant a plus que triplé, l’indicateur de développement humain a quasiment doublé, le pays est devenu autosuffisant alimentaire, 90% des enfants terminaient les classes primaires et la pauvreté ne représentait plus que 10% de la population (2). Il est difficile de prétendre que le développement fulgurant de la Chine actuellement se fait grâce à la démocratie et à l’honnêteté des dirigeants, en particulier des dirigeants locaux !
La spécificité de l’Afrique n’est pas la corruption ou l’autocratisme mais l’absence d’un cadre national où l’enrichissement des classes dominantes aurait résulté du développement du pays. Les pays d’Asie avaient, avant la colonisation, un long passé national culturel, historique, voire linguistique, que la colonisation n’a pas effacé. En Amérique latine le cadre national a été créé par les colons portugais ou espagnols. Leur langue, espagnole ou portugaise, est devenue la langue du pays dès lors que les populations locales ont été éliminées ou sont devenues minoritaires tout au moins politiquement et économiquement.

L’autre spécificité de l’Afrique est le maintien du système colonial après la décolonisation. En Asie la colonisation n’a été qu’un intermède. En Amérique les colons, installés définitivement sur place et devenus majoritaires, se sont affranchis de la domination des pays colonisateurs. Rien de tout cela en Afrique. En partant les colonisateurs ont installé des dirigeants qui, moyennant prébendes, ont maintenu les privilèges des sociétés européennes qui mettaient les pays en coupe réglée. Bien entendu depuis 50 ans, les choses ont évolué, tous les pays africains n’obéissent pas au même schéma en même temps mais d’autres facteurs ont freiné le développement de l’Afrique et rendus encore plus difficile un démarrage.

UN CONTINENT ASSUJETTI

L’AIDE PUBLIQUE

Au sortir de la colonisation l’aide publique était dédiée. Les pays donateurs (ex-pays coloniaux) conditionnaient l’aide à leurs intérêts et à ceux de leurs entreprises (3). Innombrables sont ces fameux « éléphants blancs » (4) construits par les entreprises des pays donateurs et qui absorbent les montants de l’aide sans utilité pour le pays. Ce n’est qu’en 2000 que la Grande-Bretagne a cessé de conditionner son aide aux pays pauvres à l’achat de biens ou de services britanniques, suivie quelques années plus tard par la France.
Au plan mondial l’aide publique au développement atteint en 2005 106 milliards de $ soit 26 milliards de plus qu’en 1991 où elle avait atteint un sommet avant de redescendre. Mais la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan représentent 5 milliards, le tsunami 2 milliards et les annulations de dette 23 milliards. Il ne s’agit donc pas d’argent frais pour favoriser le développement de l’Afrique. De plus généralement 25% de l’aide va à la « coopération technique » c’est-à-dire à l’entretien d’experts des pays donateurs. Lorsque l’on sait que l’aide aux réfugiés et la scolarité des étudiants du Sud en Europe sont comptabilisés dans cette aide publique, on voit ce qui reste pour le développement réel des pays et des populations.

L’ENDETTEMENT

L’endettement des pays du tiers-monde date des années 1970. Le choc pétrolier avait fourni aux pays du Golfe des bénéfices faramineux. L’argent avait été confié aux banques occidentales chargées de le faire fructifier. Malheureusement les pays développés entraient en stagnation, ou en récession, précisément suite au choc pétrolier. Ils ne pouvaient donc absorber ces « pétrodollars » excédentaires et la sphère financière spéculative n’existait pas encore.
Les banques ont alors prêté de l’argent à guichet ouvert aux pays du tiers-monde sans trop se préoccuper ni de l’utilisation, ni des capacités de remboursement. Il fallait bien placer cet argent et recevoir des commissions ! Et pour se prémunir de tout changement de conjoncture les prêts étaient faits à taux variables. On connaît la suite. Les banques ont déjà encaissé sous forme d’intérêts plusieurs fois les sommes prêtées. Quant à l’argent prêté aux pays pauvres il allait rarement au développement du pays mais plutôt à l’achat d’armement ou dans les poches des dirigeants.

L’AJUSTEMENT STRUCTUREL

Dans les années 80 il s’avéra que les pays du tiers-monde étaient incapables de rembourser leurs dettes. Le FMI et la Banque mondiale ont été chargés d’assurer le refinancement des prêts. Prétextant la priorité donnée au remboursement plusieurs mesures étaient imposées :
• Développer les exportations pour obtenir les devises nécessaires au remboursement.
• Dégager au plan national des surplus pour rembourser la dette, c’est-à-dire réduire la consommation intérieure et les budgets gouvernementaux (notamment en matière de santé et d’éducation) et accroître les exportations.
• Vendre aux multinationales tout ce qui pouvait l’être (électricité, eau, mines, télécoms, etc.) afin d’utiliser les produits de la privatisation pour rembourser la dette.
• Et sans aucune raison objective autre qu’idéologique, l’ouverture des frontières était exigée sous le prétexte fallacieux de spécialisation et « d’avantages comparatifs ». En fait il s’agissait de procurer des débouchés supplémentaires aux pays développés.
Les conséquences en ont été la croissance la plus faible de la planète et une augmentation du nombre de sous-alimentés.

LE DEVELOPPEMENT ENTRAVE

La spécialisation

La spécialisation dans la production de matières premières minières et agricoles imposée par la colonisation puis par les mesures d’ajustement structurel ne permettait pas le développement des pays :
• soit ces richesses étaient accaparées par des sociétés étrangères (le rapport de forces entre les gouvernements africains et les multinationales ne permettait pas aux pays de bénéficier d’une part substantielle de la marge tirée de ces exploitations)
• soit les pays n’avaient pas, sauf exception, les moyens financiers, voire technologiques, pour les exploiter eux-mêmes.
• soit enfin ce sont les protections établies par les pays développés qui empêchent souvent les pays producteurs de matières premières de les leur vendre sous forme élaborée (5).

L’échange inégal

Mais il y a aussi un autre facteur : les matières premières sont des produits standards où la concurrence mondiale porte uniquement sur les prix. D’où deux conséquences :
• Les fluctuations des prix des matières premières sont telles qu’il est impossible de baser sur elles un développement dans la durée.
• L’Afrique n’a aucun pouvoir sur le prix des matières premières qu’elle vend, alors qu’au contraire les pays développés sont maîtres des prix des produits qu’ils lui vendent grâce aux marques et aux brevets. Entre 1970 et 2005 les termes de l’échange (6) se sont dégradés de 25% malgré la hausse, depuis 2001 des prix des matières premières.

Les exigences du FMI et de la Banque mondiale

• Il faudrait ne pas oublier la politique de la Banque mondiale qui a de toutes pièces créé des filières de café en Asie (Indonésie, robusta au Vietnam) estimant que la concurrence entre l’Afrique et l’Amérique latine n’était pas suffisante, ce qui a provoqué une chute importante du prix mondial du café.
• Enfin la suppression des caisses de stabilisation et la privatisation des circuits intermédiaires exigées par le FMI et la Banque mondiale ont privé les producteurs agricoles d’une juste rémunération.

LA RESPONSABILITE DES GOUVERNEMENTS

Un tiers de la population de l’Afrique subsaharienne a faim. L’Afrique subsaharienne est, de loin, la région mondiale où la dose de calories par personne est la plus faible et celle où l’amélioration est la plus lente. 240 millions d’Africains en 1990 et 300 millions en 2002 vivaient dans l’extrême pauvreté. Pourquoi ?
L’agriculture d’exportation. Nous retrouvons en Afrique le même phénomène qu’en Amérique latine. Les cultures d’exportation sont le fait de grands propriétaires terriens qui pratiquent une agriculture intensive et mécanisée et emploient les paysans devenus sans terre qui sombrent alors dans la pauvreté et la faim. Non seulement ces exploitations accaparent les meilleures terres, mais encore une eau rare, comme au Kenya ou en Tanzanie dont sont alors privés les petits paysans. Au Kenya, pays grand exportateur de produits agricoles et de fleurs 53% de la population rurale vit en dessous du seuil de pauvreté. En 10 ans le taux de mortalité infantile à la campagne y est passé de 59 à 73%.
La priorité donnée aux villes. Mais une grosse responsabilité retombe sur les gouvernements en place. Au lieu de protéger et favoriser les cultures vivrières comme l’ont fait jusqu’aux années 90 les pays asiatiques, ils ont privilégié les importations alimentaires meilleur marché que la production locale afin de limiter la misère dans les villes et assurer ainsi la stabilité politique. Dès lors était enclenché le cercle vicieux : déclin de la production vivrière, de la petite paysannerie, exode des campagnes vers les villes, développement des mégapoles et des bidonvilles, accroissement de la misère urbaine.

QUEL DEVELOPPEMENT ?

La priorité pour les pays de l’Afrique subsaharienne est l’éradication de la faim et de l’extrême pauvreté, les deux étant d’ailleurs liées. L’Afrique subsaharienne a vu son PIB par habitant chuter de 25% entre 1975 et 2003 alors qu’il augmentait dans le reste du monde. Cependant ce n’est pas cet indicateur qui doit être pris en considération pour évaluer les progrès de ce continent mais le pourcentage de la population en extrême pauvreté (moins de 1 $ par jour, soit moins de 365 $ par an (7). En effet la richesse peut être concentrée dans une petite partie de la population seulement. C’est ainsi que le Malawi avec 620 $ de PIB moyen par habitant n’a que 27% de sa population en dessous du seuil de pauvreté extrême lorsque le Burundi avec 660 $ en a 37% et l’Ethiopie avec 810 $ 48%. Et la Banque mondiale vient de constater que les inégalités en Afrique se sont accrues et que les pauvres se sont encore appauvris.

75% des personnes ayant faim dans le monde (ce sont aussi les plus pauvres) vivent en zone rurale. Alors que les pays asiatiques visaient jusqu’à la crise financière de 97 / 98 l’autosuffisance alimentaire en protégeant leur agriculture, l’Afrique s’ouvrait aux produits alimentaires étrangers et développait les cultures d’exportation. Ainsi entre 1970 et les années 90 le nombre de sous-alimentés est passé en Asie de 771 millions à 513 tandis qu’en Afrique subsaharienne il s’envolait de 89 millions en 1970 à 169 en 1995 et 206 en 2005 ( 8).

LE DEVELOPPEMENT DES CAMPAGNES

Dans son dernier rapport annuel la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) souligne qu’une croissance tirée par le secteur agricole et les zones rurales est beaucoup plus efficace pour réduire la faim et la pauvreté qu’une croissance tirée par l’industrie et les zones urbaines. Parmi les exemples fournis, celui du Botswana où, malgré une forte croissance dans les années 90 et malgré sa rente du diamant bien gérée, le nombre de sous-alimentés a augmenté de 40%. Une étude parue en janvier 2007 indique que 219 millions d’enfants de moins de cinq ans vivant dans le tiers-monde souffrent de retards de développement de leurs capacités mentales dus notamment à la pauvreté et à la malnutrition (entre autres au Nigeria, Ethiopie, Congo Kinshasa, Ouganda et Tanzanie).
Bien entendu ce n’est pas l’agriculture intensive et mécanisée d’exportation soumise à la concurrence mondiale et employant des paysans pauvres sans terre qui peut réduire la faim dans les campagnes et dans les villes.

Le partage des terres

Dans son rapport annuel la FAO préconise des réformes de la propriété foncière. Mais pas de la façon dont elles ont parfois lieu actuellement.
L’Etat malien, pour se couler dans le programme libéral du NEPAD (9), a déjà fourni près de 100.000 ha de terres à de grandes compagnies d’agri-business chinoises, libyennes, sénégalaises, états-uniennes. La compagnie chinoise COVEC, qui a reçu 10.000 ha, les reloue au prix fort aux paysans locaux. Or ces terres appartenaient à des cultivateurs qui ont été expulsés car incapables de payer les redevances d’irrigation ! Au Zimbabwe le partage des terres des Blancs a été effectué en faveur des copains des dirigeants. La guerre en Côte d’Ivoire a chassé beaucoup de travailleurs venus des pays voisins et qui sont retournés chez eux, dans les zones cotonnières d’Afrique centrale, où les familles ont dû partager les terres en parcelles tellement petites qu’elles ne suffisent plus à la subsistance. Elles sont alors vendues à des grands propriétaires où les anciens paysans deviennent des ouvriers agricoles taillables et corvéables.
Mais là où a lieu un partage équitable des terres tout n’est pas gagné. Si les parcelles sont trop petites pour faire vivre une famille, comme en Afrique du Sud ou au Niger, à la moindre année difficile elles sont rachetées au profit des grands propriétaires. Elles peuvent aussi devenir trop petites lors de la transmission aux descendants.
Là où existe un droit coutumier un rapport de la Banque mondiale, après étude de la situation au Kenya et au Botswana, conclut que le maintien du droit coutumier est préférable à la privatisation. En Tanzanie où la mainmise coloniale anglaise fut beaucoup plus faible des groupements de petits paysans font pousser sur les terres collectives des cultures vivrières qui assurent l’autosuffisance alimentaire.
Notons que les parcelles individuelles ou collectives peuvent être assorties d’un droit d’usage et dans ce cas elles ne peuvent être vendues (10).

L’accompagnement des petits paysans

L’expérience a montré que le partage des terres n’est pas suffisant pour assurer le maintien de la culture vivrière. Les échecs du simple partage des terres en Afrique du Sud, au Kenya et au Zimbabwe témoignent de la nécessité d’un accompagnement des petits paysans.
Les paysans dépossédés de leurs terres lors de la colonisation ou de la post-colonisation ont perdu le savoir-faire agricole. Ils ont travaillé dans des exploitations intensives et mécanisées dont les méthodes ne sont pas adaptées à la petite culture vivrière.

Une formation convaincante.

Un accompagnement technique est donc indispensable mais également pour maintenir la fertilité des sols, lutter contre la désertification et obtenir de meilleurs rendements. L’Afrique subsaharienne est le seul continent où le rendement de céréales par hectare n’a pas augmenté entre 1995 et 2004. L’épuisement des sols n’est pas un phénomène nouveau, ni limité à l’Afrique (11). Il s’agit donc de remettre en vigueur des méthodes traditionnelles qui ont été abandonnées et qui avaient fait leurs preuves en matière de conservation des sols. Il est également nécessaire de les améliorer et de promouvoir de nouvelles techniques plus productives et respectant ou améliorant la fertilité des sols. Mais cela passe par une formation convaincante des paysans. Au Sénégal l’échec du développement à la campagne provient de ce que les coopératives ont imposé aux paysans des techniques qu’ils n’ont pas comprises, ce qui a eu pour conséquence de démobiliser les intéressés. Ces techniques doivent aussi être adaptées au mode de vie des populations (12). Inversement le Mali, avec l’aide internationale, a stoppé la déforestation en confiant la gestion des forêts aux villageois des zones forestières. La préservation de la forêt tropicale va alors de pair avec son exploitation raisonnable et l’amélioration des revenus de la population.

Des méthodes traditionnelles ou nouvelles.

Parmi les méthodes traditionnelles celle du zaï qui consiste à pratiquer des trous dans le sol où se concentre l’eau de ruissellement et dans lesquels on adjoint quelques poignées de « poudrette » (fumier du pauvre) a permis de passer au Burkina Faso d’un rendement de 200 kg de céréales par ha à 600 et de réhabiliter des terres désertiques. Du Burkina Faso la méthode s’est étendue spontanément au Niger et l’émigration des jeunes ruraux a cessé. La rotation des cultures au lieu de la monoculture joue un grand rôle. Certaines légumineuses fixent l’azote et augmentent la fertilité des sols. L’utilisation d’engrais organiques donne de très bons résultats (13). Une irrigation économe en eau (ne serait-ce que pour ne pas saliniser la terre) fait partie de la panoplie. La FAO estime que les pays du Sud ont tout avantage à pratiquer l’agriculture biologique du fait même qu’ils utilisent peu d’engrais et de pesticides en raison de leur cherté. Or l’agro-écologie, avec des techniques simples, permet de tripler et quadrupler les rendements sans porter atteinte à l’environnement.

La lutte contre la désertification.

La désertification n’est pas inéluctable.

La désertification est en grande partie la conséquence de la pauvreté. Poussées par la nécessité les populations exploitent à court terme leur environnement (déboisement, défrichement, surpâturage). Mais la désertification n’est pas un phénomène irréversible. Les images satellites prouvent qu’actuellement il n’y a pas d’extension continue du désert et la communauté scientifique examine l’hypothèse d’un reverdissement relatif du Sahel qui aurait eu lieu ces vingt dernières années. Les écosystèmes ont la capacité de se régénérer naturellement. Les conditions arides qui règnent au Sahel ont entraîné une adaptation de la faune et de la flore à la sécheresse et au stress. La disparition de cette biodiversité suite à la surexploitation due à la pauvreté met en péril la base du développement futur. Cette perte de la biodiversité affecte aussi le reste du monde (14).

La lutte contre la désertification est simple.

Des barrières de végétaux et la plantation d’acacias stoppent l’avancée des sables. Après quelques années les acacias peuvent être exploités pour leur gomme arabique et produire du fourrage pour les bêtes (qui elles-mêmes fourniront de l’engrais organique). La reforestation et la pratique des cultures sous parc arboré permettent à la fois de lutter contre l’érosion et d’augmenter la fertilité des sols.

LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT

La santé

La santé est un facteur clé pour la croissance. Elle n’est pas seulement la conséquence du sous-développement. Elle en est également une des conditions de sortie. Non seulement elle améliore à court terme la productivité des travailleurs mais encore elle favorise l’accès à l’éducation (une mauvaise santé du chef de famille détourne les enfants du système éducatif). Le maintien, voire le développement, de maladies telles que le sida, la malaria, la fièvre jaune, la tuberculose représente une trappe au sous-développement. Or l’Afrique subsaharienne est la région du monde où l’espérance de vie à la naissance est la plus basse, la prévalence du sida la plus élevée et les dépenses publiques de santé en % du PIB une des plus faibles (battue par l’Asie du Sud). La plupart des pays africains ont dû réduire leurs dépenses de santé pour se conformer aux impératifs du FMI et rembourser les dettes. En Afrique subsaharienne le service de la dette représente 4 fois le budget cumulé de la santé et de l’éducation. Souvent l’accès à la santé est réservé aux plus riches (15).
L’amélioration de la santé de l’Afrique passe par l’annulation de la dette, une augmentation des dépenses publiques pour la santé et la prévention, un accès bon marché aux médicaments et une importante aide internationale.

L’eau

La mauvaise qualité de l’eau est un facteur de détérioration de la santé. Dans le tiers-monde entre 2 et 8 millions de personnes meurent chaque année d’une eau de mauvaise qualité (autant que du sida). Au Niger, Burkina Faso, Mali, Tchad, Guinée, Centrafrique, Ethiopie, Mozambique, Angola, Togo, Congo la moitié, ou plus, de la population n’a pas accès à un point d’eau aménagé. L’Objectif du Millénaire en eau était de diminuer d’ici 2015 la moitié de cette population. Cet objectif est déjà aujourd’hui est hors de portée. Pourtant il ne coûterait que 10 milliards de dollars par an soit 5 jours de dépenses militaires mondiales ou encore la moitié des dépenses annuelles en eau minérale des pays riches.

L’éducation

Le bas niveau d’éducation est un obstacle au développement et maintient la pauvreté. Le taux d’alphabétisation des adultes d’Afrique subsaharienne est de 61% seulement, seule l’Asie du Sud fait un peu moins bien (59%) (16). 46 millions d’enfants africains (17) ne sont pas scolarisés. L’Afrique est le continent qui bat les records du taux d’enfants non scolarisés. En Afrique subsaharienne, 55 à 72% des enfants ne le sont pas. Au Niger seuls 6% des enfants pauvres achèvent leur cursus primaire contre 55% pour les mieux nantis. En Ouganda le taux de scolarisation primaire a considérablement augmenté mais il y a 94 élèves par classe et un manuel pour trois. Une enquête au Mali a signalé des classes de 190 élèves avec trois manuels. En Afrique les dépenses consacrées au supérieur (en % du PIB) sont plusieurs fois plus importantes que dans le reste du monde. Il s’agit d’assurer la reproduction des élites. Très souvent inutilement pour le pays d’ailleurs puisque ces diplômés vont massivement s’expatrier vers les pays développés qui leur offrent des meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires (18). Au Congo et en Côte d’Ivoire 25% des dépenses d’éducation vont ainsi au supérieur, au Cameroun 30% en Guinée équatoriale et au Rwanda 35%. A titre de comparaison la France ne consacre que 18% de ses dépenses d’éducation au supérieur et la Corée du Sud 8%.
Notons qu’une contribution de 1% sur les 200 fortunes les plus élevées de la planète ou 1% sur les dépenses d’armement permettrait de scolariser tous les enfants du tiers-monde au niveau primaire. Le développement fulgurant de l’Asie depuis trente ans est beaucoup dû aux efforts que ce continent a consentis à la scolarisation primaire.

Les infrastructures

Les infrastructures matérielles.

Une des causes du sous-développement tient au manque d’infrastructures matérielles. Au Zambie l’accès difficile dans les régions reculées ne permet pas d’éradiquer la pauvreté et la famine. Le sud du Tchad pourrait produire suffisamment d’aliments pour nourrir toute la population du pays sous condition de pouvoir acheminer les produits. Alors qu’en 2006 quatre millions de personnes au Kenya étaient touchées par la famine la récolte de maïs a été exceptionnelle dans l’ouest du pays. Le rapport 2005-2006 de l’OCDE sur l’Afrique souligne que c’est moins la corruption (et la spéculation locale sur les produits agricoles) qui est responsable des disettes que l’état des transports et des infrastructures. Plusieurs pays en sont restés aux seules infrastructures routières et ferroviaires héritées de la colonisation française ou anglaise.

L’électricité.

Au plan mondial deux milliards de personnes n’ont toujours pas l’électricité. L’absence d’électricité dans les villages d’Afrique subsaharienne représente un handicap sérieux pour leur développement. L’autosuffisance alimentaire dans le Sahel ne pourra être atteinte sans électricité. Elle est nécessaire à l’irrigation et à l’allégement de certains travaux (utilisation de moulins pour moudre, par exemple). Mais elle est également indispensable sur le plan de la communication (téléphone) et de la santé (réfrigérateur pour conserver certains vaccins et médicaments). Le développement d’énergie solaire ou photovoltaïque ne dépend que du financement.

Les infrastructures communicationnelles.

Elles sont tout aussi importantes que les infrastructures matérielles. « Le Sahel peut se nourrir lui-même », affirme chiffres à l’appui le directeur de l’ONG Afrique vert, « Le problème est qu’on peut avoir une région excédentaire alors qu’à 100 km de là on crie famine. Pour compenser ce déséquilibre il faut organiser les circuits de transport et de communication et mettre en présence l’offre et la demande locale ». Les multinationales occidentales (dont principalement France Télécom dans les pays francophones) disposent de monopoles pour la transmission de données et imposent des tarifs plus élevés que ceux dans les pays riches incompatibles avec le pouvoir d’achat des Africains (Sénégal, Madagascar, etc.). Il en résulte entre autres que moins d’un Africain sur cent a un accès à Internet.

LES MODES ACTUELS DE FINANCEMENT

Le développement de l’Afrique, tout au moins dans sa phase de décollage, ne peut être autofinancé. Les pays sont beaucoup trop pauvres pour dégager les sommes nécessaires que ce soit par le biais de la fiscalité ou par celui des investissements privés autochtones.

Les investissements directs de l’étranger (IDE).

La Banque mondiale promeut la libéralisation financière et les investissements privés étrangers. Mais les études prouvent que ceux-ci n’ont pas d’impact sur la croissance des pays les plus pauvres car ils concernent l’exploitation rentière de matières premières et n’ont pas d’effet d’entraînement. Sur ce plan l’entrée de la Chine comme investisseur en Afrique ne change la situation qu’à la marge mais augmente cependant le pouvoir de négociation des gouvernements.
Non seulement les investissements étrangers n’ont pas d’effet d’entraînement sur l’économie des pays mais encore ils n’équilibrent pas les entrées de capitaux nécessaires au service de la dette. En 2003, pour l’Afrique subsaharienne, les entrées nettes d’investissements étrangers représentaient, selon le PNUD, 2,2% du PIB alors que le service de la dette se montait à 2,9% (en 1990 ces deux chiffres étaient respectivement de 0,4 et 3,8 !).
Il est clair que les investissements lourds (route, rail, etc.) ne peuvent être financés par le privé sauf s’ils servent précisément au transport des matières premières (19). Mais maintenant les multinationales d’eau et d’électricité (et notamment les françaises) abandonnent aussi ces marchés qui étaient lucratifs mais de plus en plus contestés par les populations dès lors que les tarifs imposés étaient incompatibles avec les capacités de payer. Ce qui explique que les capitaux étrangers s’investissant mondialement dans les pays du Sud ont chuté de 127 milliards de dollars en 1997 à 41 en 2003. Le très libéral Wolfowitz que les Etats-Unis viennent d’imposer à la présidence de la Banque mondiale a reconnu que « vouloir faire du secteur privé le pilier du développement des infrastructures dans les pays pauvres s’est avéré inapplicable dans les faits ».
Il faut également noter que les rapatriements à l’étranger des bénéfices arrivent parfois à dépasser le montant des investissements reçus.

L’aide publique au développement

Quelle efficacité ?
Depuis 50 ans 2.300 milliards de dollars ont été dépensés pour sortir, au plan mondial, les pays pauvres du sous-développement. Les pays qui ont reçu le plus d’aide n’ont cependant pas atteint les objectifs fixés : croissance économique et réduction de la pauvreté. De même il est déjà clair que les Objectifs du Millénaire fixés en 2000 pour 2015 ne seront pas atteints. La raison tient moins dans l’insuffisance des sommes engagées que dans leur utilisation. Seuls 41% des sommes de l’aide sont versés aux pays destinataires. Les études préalables aux aides (celles-ci sont ciblées) en absorbent 38% (le plus souvent d’ailleurs au profit « d’experts » occidentaux). 7% vont à la gestion des programmes des donateurs (20) et 11% à l’allégement des dettes. Enfin 3% représentent le soutien aux réfugiés vivant dans les pays donateurs. Une grande part de l’aide est humanitaire dont 60% dans des opérations d’urgence (famines, déplacement de population, etc.).
Une fois déduites les sommes destinées à l’humanitaire et aux annulations de dette il ne reste plus grand-chose pour accroître les ressources des pays.

Le Sud finance le Nord
Les nouveaux prêts que reçoit le tiers-monde ne contrebalancent pas les remboursements qu’il effectue. En 1999 le tiers-monde a transféré aux créanciers 100 milliards de dollars de plus qu’il n’a reçu de nouveaux prêts. Selon Kofi Annan depuis 1997 les pays en développement versent chaque année plus d’argent qu’ils n’en reçoivent. En 2002 il s’est agi de 200 milliards de dollars. En 2003 selon la Banque mondiale les pays les plus pauvres ont remboursé 39 milliards de dollars alors qu’ils n’ont reçu que 27 milliards d’aide au développement. Le transfert net des pays à faible revenu, incluant ceux d’Afrique subsaharienne, vers les pays développés a représenté ainsi 8 milliards de $ en 2004. Quant au groupe des pays très endettés cet excédent a atteint 30 milliards. Une des raisons de cette inversion de flux est la conséquence de l’ajustement structurel.
Les « fondamentaux » imposés par le FMI et la Banque mondiale incluent la reconstitution des réserves des banques centrales des pays. L’Afrique subsaharienne a ainsi accru ses réserves de 4 milliards en 2003 et 19 en 2004. Elles sont placées en Bons du trésor américain (21). Traduction : la sueur des pauvres finance les déficits américains.

L’agriculture vivrière sacrifiée.
Il y avait d’excellentes raisons pour sacrifier l’agriculture vivrière, et donc les petits paysans, en Afrique. Pour le FMI et la Banque mondiale l’agriculture devait se plier à la mondialisation et aux « avantages comparatifs ». Les céréales importées coûtaient moins cher que celles produites localement par la petite paysannerie. Inversement de grandes exploitations agricoles intensives et mécanisées devaient produire des produits d’exportation à bas prix. On en connaît les résultats : une importante population rurale sous le seuil de pauvreté et sous-alimentée. Pour les pays développés c’était tout bénéfice : ils exportaient leurs excédents agricoles et soutenaient ainsi leurs agriculteurs en réduisant à la misère ceux de l’Afrique.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la part de l’aide publique au développement destinée à l’agriculture n’ait cessé de baisser. L’agriculture n’absorbait plus, au plan mondial, que 2% de l’aide multilatérale en 2002 contre 30% en 1980. Entre 1990 et 1999 l’aide publique au développement de l’agriculture avait reculé de 49% en valeur réelle.

QUEL FINANCEMENT SOUHAITABLE ?

Que faut-il financer ?

L’urgence est de sortir la population de la misère et de la sous-alimentation. Les trois quarts de celle-ci se trouvent à la campagne. C’est donc là que doit porter l’effort, d’autant plus que cela engendre un développement endogène qui a déjà fait ses preuves. Ainsi lorsque le Mali, dans les années 80 a garanti aux petits producteurs le prix du coton les campagnes ont été vitalisées et les jeunes ont cessé de les quitter. La culture du coton s’est accompagnée d’une augmentation des cultures vivrières. Le sud du Mali (la région cotonnière) qui était importateur de céréales est devenu autosuffisant, voire exportateur dans les zones limitrophes. L’artisanat s’est développé pour satisfaire les besoins des paysans. Les associations villageoises, élues démocratiquement avec compte-rendu annuel en fin de campagne, géraient la collecte du coton, les crédits de campagne et ont créé des dispensaires, des écoles, voire creusé des puits.

D’où le processus vertueux suivant :

• Production vivrière par les paysans ayant à nouveau les moyens de cultiver leurs terres (22). Cette phase nécessite un financement extérieur pour acquérir les semences, recevoir des aides techniques, obtenir les fonds nécessaires dans l’attente de la vente de la récolte, et éventuellement la lutte contre la désertification.

• Parallèlement à l’agriculture et pour répondre aux besoins grandissants se développe un artisanat et, dans les agglomérations, une petite industrie.

• L’autosuffisance alimentaire devant s’étendre au pays nécessite des infrastructures, matérielles pour acheminer les denrées dans les villes et des infrastructures communicationnelles (téléphone, Internet, etc.) pour faire correspondre l’offre et la demande.

Il y a donc lieu de distinguer deux types de financement : celui concernant la production agricole proprement dite et celui qui concerne les infrastructures matérielles, communicationnelles et immatérielles (santé, éducation).

Financement de la production agricole

Il est remarquable de constater combien sont minimes les sommes nécessaires pour revitaliser les campagnes.
100 kg de semences de mil ou de sorgho coûtent 30 € et permet de nourrir une famille de 6 personnes. Avec 2.290 € on achète un moulin à mil pour 1000 habitants. Un puits pour 500 habitants coûte 3.800 €, une pompe à pied pour irriguer 2500 m2 500 €, Une motopompe pour irriguer 2,5 ha 10.000 €. Pour reboiser un hectare en eucalyptus il faut 180 €. Toutes les ONG ont à leur actif des réalisations de revitalisation du Sahel, de recul de la désertification, de cessation d’émigration des jeunes. Mais le budget des ONG ne représente que 2% du total de l’aide au Sahel. Ce n’est donc pas l’aide au Sahel qui est insuffisante mais l’utilisation des fonds qui est inadéquate.

Dès lors qu’est amorcée la production vivrière sur fonds extérieurs le développement ultérieur doit être pris en charge par les paysans eux-mêmes. Ce qui n’est possible que par les microcrédits dont l’utilité et la validité économiques ne sont plus à prouver sous deux conditions. L’une est qu’ils servent à accroître la production (et non à subvenir aux besoins élémentaires quotidiens), l’autre est que le poids des intérêts ne soit pas incompatible avec les possibilités de remboursement. En d’autres termes il n’est pas pensable que les travailleurs qui se situent en dessous du seuil de pauvreté doivent encore enrichir les détenteurs de capitaux. La Banque mondiale reconnaît l’efficacité des microcrédits dans le processus de sortie de la pauvreté. Pourquoi ne choisit-elle pas ce mode de financement en fournissant les capitaux de base et en prenant à sa charge les taux d’intérêt ?

Financement des infrastructures

Les infrastructures à financer dans les pays pauvres sont nombreuses. Il s’agit des routes, du rail, de l’électricité, de l’eau, de la santé et de l’éducation, etc. (23). Prêter l’argent aux gouvernements pour les construire signifie replonger les pays dans la dette car la rentabilité des infrastructures est indirecte. Ce sont donc les dons de la communauté internationale qui doivent assurer ces financements tant que les pays ne seront pas assez riches pour les financer à travers la fiscalité.

Les formes du financement

La corruption.
Paul Wolfowitz, le président imposé par les Américains à la Banque mondiale, faisait de la lutte anticorruption une condition sine qua non de l’aide. Ce critère est discutable. D’une part parce qu’il y a des pays corrompus et misérables mais aussi d’autres tout autant corrompus et qui se développent. D’autre part parce que la corruption est tout autant due aux corrupteurs qu’aux corrompus. Les pays développés que ce soit au niveau de leurs gouvernements ou de leurs multinationales (ou des deux ensemble) ont une lourde responsabilité dans la corruption des dirigeants africains. Il faut aussi remarquer que la lutte contre la corruption est liée au développement de la démocratie mais que cette dernière est aussi fonction du développement et de la sortie de la misère. On a là un cercle vicieux. Enfin faut-il pénaliser des populations parce que leurs gouvernants sont corrompus ?

Le développement des campagnes
Quel canal doit emprunter le financement des campagnes ? L’impulsion doit-elle venir du gouvernement ou d’ONG ? Les ONG occidentales ont souvent des manifestations d’arrogance ou tout simplement maintiennent les associations locales dans des situations de dépendance ou de patronage et ne font pas l’effort de convaincre les populations. Alors lorsqu’elles cessent leurs interventions la poursuite du projet n’a pas lieu. Elles peuvent aussi, compte tenu de leur origine, être rejetées par les populations. Le rôle des ONG locales ou du gouvernement serait alors préférable et peut-être la solution n’est-elle pas unique.

Financement des infrastructures
Bien entendu le financement des infrastructures passe obligatoirement par le gouvernement. La question est donc de savoir si l’aide doit être ciblée avec contrôle à l’appui ou si le gouvernement en dispose librement dans le cadre de son budget. Il est certain que l’aide remise à la discrétion de gouvernements corrompus risque d’être détournée. Mais on a vu le coût et la lourdeur du « suivi » des fonds. L’idéal serait une collaboration légère entre les bailleurs de fonds réunis en une seule entité pour ne pas multiplier les interlocuteurs et le gouvernement dans l’utilisation des fonds. Ce système déjà en vigueur au Mozambique sous l’impulsion des pays nordiques permet au gouvernement d’acquérir ses propres mécanismes de gestion.

La source du financement

Ainsi qu’il a été vu le financement, que ce soit pour les infrastructures matérielles ou immatérielles ou pour la mise à disposition de microcrédits à taux zéro doit être effectué sous forme de dons et non sous forme de prêts. De même que les régions en retard de l’Union européenne reçoivent des subventions pour leur permettre de le résorber, la dotation d’argent des pays riches dans l’objectif de sortir les pays pauvres de la misère est une exigence économique et éthique, sans parler de l’instabilité causée par l’existence d’une population famélique aux portes des pays riches.
Ce financement doit-il être assuré par le budget des Etats développés ou par l’instauration de taxes mondiales ? Il n’y a pas lieu d’être opposé aux taxes mondiales (24). Il n’y a pas de limite à l’imagination de taxes mondiales. L’idéal étant de faire d’une pierre deux coups. Ce qui est le cas d’ailleurs de la taxe Tobin, mais aussi d’une taxe sur les émissions de CO2, sur les armes de guerre, sur les 100 premières entreprises mondiales, etc.
Lorsque les pays développés veulent instaurer des taxes douanières pour protéger leurs industries ou services ou dans une optique anti-dumping, le produit de ces taxes pourrait être utilisé pour le financement des infrastructurelles matérielles ou immatérielles soit des pays pauvres ainsi pénalisés, soit de pays pauvres par l’intermédiaire d’un fonds dédié.
Une autre source serait la création monétaire (25) par une banque centrale mondiale ou par le FMI. La création monétaire est un outil de gestion de l’économie parmi d’autres. Elle serait parfaitement adaptée aux besoins des pays les plus pauvres car dépourvue alors d’effets pervers (inflation, perte de valeur de la monnaie).

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ANNEXES

LE CAS DU KENYA

Le cas du Kenya illustre la double inefficacité des injonctions occidentales, c’est-à-dire l’exigence démocratique d’une part, la libéralisation économique de l’autre.
Daniel arap Moi, au pouvoir depuis 1978, instaure en 1982 le régime de parti unique. Sous la pression extérieure et intérieure le multipartisme est instauré en 1991 mais Moi se fait réélire en 92 et en 97 dans des élections. En 2002 il quitte volontairement le pouvoir et Mwai Kibaki, du parti d’opposition est élu.
La corruption régnait à tous les niveaux sous Moi. Avec Kibaki la petite corruption disparaît mais les détournements au plus haut niveau se multiplient. Le haut commissaire britannique estime en 2004 à 170 millions d’€ les sommes détournées les 18 derniers mois.
En même temps que les bailleurs de fonds exigeaient en 1990 la démocratisation du régime, ils imposaient également la libéralisation de l’économie (suppression du contrôle des prix y compris agricoles, privatisations, libéralisation du commerce extérieur).
Résultats :
• Le PIB par habitant qui était en augmentation constante jusqu’en 1990 est en diminution depuis cette date.
• La croissance moyenne annuelle qui était de 4,2% entre 1980 et 1990 est passée à 2,2% entre 1990 et 2003.
• L’indicateur de développement humain qui était en progression constante entre 1980 et 1990 est en diminution entre 1990 et 2003.
• Les cultures intensives d’exportation sont favorisées, l’autonomie alimentaire s’amenuise et la famine gagne les populations du nord du pays.

LE CAS DU MOZAMBIQUE

Le Mozambique illustre au contraire le cas d’un pays bon élève du FMI et dont la croissance annuelle du PIB par habitant entre 1990 et 2003 est de 4,6%, en forte augmentation par rapport à la période précédente.
En 1975 le Mozambique instaure une démocratie populaire dirigée par un parti marxiste - léniniste. Jusqu’en 1990 la croissance du pays est quasi nulle car le pays est en guerre civile depuis 1977. En 1987 le gouvernement prend contact avec le FMI et la Banque mondiale, en 1990 il adopte une Constitution pluraliste et en 1992 la paix est signée.
Le Mozambique s’est engagé depuis 1990 dans l’économie de marché. Privatisations, ouverture aux investissements étrangers, politique monétaire restrictive. La croissance annuelle entre 1995 et 2005 est importante. Elle varie entre 8 et 13%. Elle passe par les investissements étrangers qui représentent 14% du PIB. Mais ces investissements concernent des projets miniers ou énergétiques sans grande retombée pour l’emploi et dont les bénéfices sont exportés grâce aux avantages fiscaux concédés et qui par conséquent ne sont d’aucune utilité pour le budget de l’Etat. Il est intéressant de constater que la présence maintenant de la Chine dans l’exploitation des richesses minières et énergétiques ne change pas la donne. Les Chinois ne sous-traitent presque rien aux entreprises locales et importent tout de Chine, y compris la main d’œuvre ! La politique monétaire orthodoxe fait grimper les taux d’intérêt à 40%, empêchant le développement de PME locales.
Le pays ne se développe pas. Il est simplement exploité, la tête tenue difficilement hors de l’eau Les entreprises étrangères financent parfois elles-mêmes des routes, des écoles, des dispensaires et même la distribution gratuite de médicaments contre le sida (26). L’extrême pauvreté (moins de 1 $ par jour) concerne 54% de la population (en 1993, 69%). En 2005, 700.000 personnes, sur une population totale de 18 millions, ont bénéficié d’une aide alimentaire. Ce sont les dons des institutions financières internationales qui limitent l’extrême pauvreté. Le FMI fournit 2,5 millions de $ en moyenne d’aide par an. La Mozambique est un des premiers pays à avoir bénéficié de la réduction de la dette.
En d’autres termes il y a bien croissance, investissements étrangers, aide internationale et pluralité politique mais aucune perspective de développement propre du pays.

LE CAS DU SENEGAL

Avec le Sénégal nous avons un pays qui, contrairement au Kenya et au Mozambique, ne fait pas partie des plus pauvres. Pratiquant le multipartisme depuis 1970 il a longtemps été cité en exemple par les pays occidentaux, notamment pour son caractère démocratique. Fondateur, en 2001, avec l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Algérie, du NEPAD (Nouveau Partenariat Pour le Développement de l’Afrique), il prône le développement par l’ouverture et le libéralisme. En d’autres termes tous les éléments relevant de la bonne gouvernance selon les normes préconisées par la Banque mondiale et le FMI sont réunis.
Qu’en est-il en 2006 ? Les subventions agricoles ayant été supprimées à l’agriculture le niveau de vie des paysans a chuté. L’effondrement de l’agriculture nourrit l’exode rural et l’émigration vers l’Europe. L’autosuffisance alimentaire s’est encore éloignée. Les deux tiers de la population vivent avec moins de 2 $ par jour. Le développement est si faible que le Sénégal se situe au 157ème rang sur 177 de l’indice du développement humain de l’ONU. En fait compte tenu de sa « bonne gouvernance » et de son soutien à la guerre d’Irak le pays est tenu à bout de bras par le FMI et la Banque mondiale. Il fait partie des pays les plus aidés d’Afrique.
La Banque mondiale estime le bilan global du Sénégal « décevant ». Un hasard ?

LE CAS DU BOTSWANA

Le Botswana est régi depuis 1966 par une Constitution et deux partis dominent la vie politique. C’est un des plus petits pays d’Afrique (1,6 million d’habitants). Mais c’est le premier producteur mondial de diamants (un tiers de la production mondiale). Comme l’exploitation du diamant est co-gérée par le gouvernement et la De Beers c’est le pays subsaharien qui a, de loin, le meilleur PIB par habitant (hors Afrique du Sud, mais à peine moins élevé qu’elle). C’est aussi le pays africain le mieux coté auprès des agences de notation concernant sa capacité de remboursement de ses dettes. Pourtant 40% de la population est au chômage (le double du chiffre officiel) et dans la décennie I990, malgré une croissance annuelle de 6% le nombre de sous-alimentés a augmenté de 40%. Les cultures vivrières ne couvrent qu’un tiers de la consommation locale mais 80% de la production agricole consistent dans l’élevage de bœufs qui sont exportés en Europe, principalement en Angleterre. N’ayant pas réussi à attirer des capitaux étrangers dans le secteur manufacturier le gouvernement joue maintenant la carte des services financiers et tente de devenir un centre financier international en Afrique ! L’économie du pays est dangereusement menacée par l’épidémie du sida qui touche 36% de la population âgée de 15 à 49 ans.
En d’autres termes le pays bénéficie de la rente du diamant, a une bonne croissance mais son agriculture est orientée vers l’exportation et non vers des cultures vivrières, le chômage est très important et une partie de la population est sous-alimentée.

LE CAS DU GHANA

Depuis son indépendance en 1957 et jusqu’à la prise du pouvoir par Rawlings en 1981 alternance de régime semi marxiste et de putschs militaires. Des famines ont lieu en 75 / 76 et 77 / 78.
Le capitaine Rawlings prend le pouvoir par putsch en 1981.
En 1983 il fait appel au FMI qui prête de l’argent avec circonspection car Rawlings a un discours gauchiste. Mais le pays n’était pas endetté, il était économiquement en déroute (PIB par habitant 517 $ en 1970 et 433 en 1980).
Comme les résultats sont bons à partir de 1987 les prêts sont de plus en plus importants et à de meilleures conditions. Le gouvernement négocie avec le FMI pour une relance par la hausse de salaires, une meilleure rémunération des producteurs de cacao et une augmentation des dépenses publiques. Une transition politique démarre en 1988. Une Constitution est promulguée en 1992 après deux années de consultations dans tout le pays.
En 1992 Rawlings est élu aux présidentielles avec 58% des voix, sans trucage ni vote tribal (il sera réélu en 1996). La croissance annuelle est de 5%. Le FMI et la Banque mondiale ouvrent les crédits en grand. De ce fait le Ghana reçoit aussi des prêts bilatéraux. Le gouvernement négocie avec le FMI pour étaler l’application de « l’ajustement structurel » sur sept ans (libéralisation des échanges, réduction du nombre de fonctionnaires, etc.). Le gouvernement améliore la citoyenneté politique par la décentralisation et fait accepter la stratégie d’ajustement grâce à sa probité et à son éthique. Mais l’ajustement structurel, même adouci, ne permet pas des progrès suffisants dans la population et l’endettement est devenu trop important.
L’économie reste une économie de rente basée sur l’or (12ème producteur mondial), le bois et le cacao. Les mines d’or avaient été nationalisées en 1975 mais reprivatisées en 1983 sous l’égide de la Banque mondiale ce qui a dopé les exportations (deuxième exportateur d’or africain) mais sans bénéfice pour le budget de l’Etat qui ne récupère que 5% de la valeur d’exportation.
En 2000 Rawlings ne se représente pas, la Constitution qu’il a lui-même promulguée n’autorisant que deux mandats. Le candidat de l’opposition, représentant les intérêts du privé, l’emporte.
Sous les gouvernements de Rawlings l’indice de développement humain est passé de 0,468 en 1980 à 0,556 en 2000.
Les élites politiques avaient le sens du bien public. Le patronat privé avait des pratiques de prédation.
Le nouveau gouvernement en place fait face à un endettement élevé et applique à la lettre les injonctions du FMI : libéralisation de l’économie, privatisations massives (gaz, électricité, filière du cacao), augmentation du prix de l’électricité, de l’eau et des carburants, orientation de l’agriculture vers l’exportation (ananas en boîtes) et taux d’intérêt élevés qui empêche le développement de PME. L’indice de développement passe de 0,556 en 2000 à 0,520 en 2003 et le taux des enfants achevant l’éducation primaire passe de 77% en 1991 à 62% en 2003.
La démocratisation au Ghana a permis au secteur privé de reprendre le pouvoir et de libéraliser l’économie avec toutes les conséquences nocives pour la population qui en découlent.
Mais le cas de ce pays témoigne également que les pays pauvres ne peuvent pas se développer sur la base de prêts qui leur sont accordés car le développement de génère pas suffisamment d’argent dans les temps impartis pour en assurer le remboursement.

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