Amérique latine et Asie

Le poids des cultures
jeudi 30 novembre 2006
par  Pierre Guguenheim

Le PIB par habitant de la Corée du Sud représentait 63% de celui du Brésil en 1960 et 230%.en 2003. Comment expliquer une telle divergence dans les évolutions économiques ?
Certes ces deux pays sont des exemples extrêmes de leur continent mais ils mettent en évidence des différences d’évolution bien réelles.
Pendant que le PIB par habitant des pays en développement augmentait, entre 1960 et 1995, de 163%, celui de l’Asie progressait de 400% et celui de l’Amérique latine ne 45% seulement.
Comment a-t-on pu arriver, en 35 ans, à une croissance moyenne du PIB par habitant 6 à 8 fois plus importante en Asie qu’en Amérique latine ?

POURQUOI CETTE COMPARAISON ?

Le PIB par habitant de la Corée du Sud représentait 63% de celui du Brésil en 1960 et 230%.en 2003. Comment expliquer une telle divergence dans les évolutions économiques ?
Certes ces deux pays sont des exemples extrêmes de leur continent mais ils mettent en évidence des différences d’évolution bien réelles.
Pendant que le PIB par habitant des pays en développement augmentait, entre 1960 et 1995, de 163%, celui de l’Asie progressait de 400% et celui de l’Amérique latine ne 45% seulement.

(Les PIB par habitant sont exprimés en $ 1987)PIB par habitant 1960PIB par habitant 1995
Amérique latine (ordre de grandeur) 1.200 1.735 (+ 45%)
Asie (ordre de grandeur) 300 1.495 (+400%)
Brésil 823 2.051 (+150%)
Corée du Sud 520 5663 (+989%)

Comment a-t-on pu arriver, en 35 ans, à une croissance moyenne du PIB par habitant 6 à 8 fois plus importante en Asie qu’en Amérique latine ?

DES POLITIQUES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES DISSEMBLABLES

AMERIQUE LATINE

Une politique cyclique d’ouverture et de fermeture commerciales.

1929 à 1950

h Durant cette période l’Amérique latine développe son industrie à l’ombre de protections douanières et plusieurs pays se rapprochent du niveau des pays occidentaux. En 1950 l’Argentine a un PIB par habitant, en parité de pouvoir d’achat, supérieur à celui de l’Italie et proche de celui de l’Allemagne.

1950 à 1995

La politique commerciale alterne les phases d’ouverture et de protectionnisme intensif. C’est dans les
phases de protectionnisme (1962 à 1975 et 1982 à 1990) que la croissance est la plus forte.

- De 1950 à 1965 l’Amérique latine a eu la plus forte croissance de la planète.
- De 1965 à 1980 son PNB par habitant a crû de 3,9% en moyenne par an, soit la plus forte progression des pays en développement. Cette croissance est principalement due à la montée vertigineuse des prix des matières premières qui passent de l’indice 18 en 1960 à 145 en 1980. Mais chaque pays est spécialisé dans l’exportation d’une matière première (café, banane, sucre, cuivre ou étain).
- Entre 1980 et 1995, stagnation : son PIB par habitant est de 1.735 $ en 1995 contre 1.752 en 1980 (au Brésil respectivement 2.051 et 2.049). Les causes principales de cette stagnation sont la libéralisation et la financiarisation de l’économie ainsi que la chute des prix mondiaux des matières premières industrielles et agricoles.

Après 1995

L’Amérique latine subit le contrecoup de la crise financière mondiale des années 97 et 98. De 1996 à 2005 la croissance annuelle moyenne est de 2,1% avec des creux de –1,1% et des pointes de 5,9%, c’est-à-dire toujours un cours chaotique.

ASIE

Un marché intérieur très protégé, des exportations agressives

Le développement économique de l’Asie correspond à deux phases séparées par la crise monétaire et financière de 1997-1998.

1950-1997

Le mode de développement asiatique se caractérise par :
- Des aides importantes aux campagnes avec pour objectif l’autosuffisance alimentaire.
- Un développement industriel à l’abri de protections douanières.
- Une politique agressive d’exportation de produits manufacturés vers les pays développés.
- Un contrôle des changes et des capitaux étrangers.

Ce contrôle s’assouplit dans les années 90

Le maintien de ces politiques dans la durée a permis une croissance continue et mettait les économies à l’abri des crises mondiales alors que l’Amérique latine faisait alterner des périodes de protection et de libéralisme. C’est ainsi que le pourcentage d’années de crise entre 1960 et 2002 est de l’ordre de 30% pour les pays d’Amérique latine mais de 6% seulement pour ceux d’Asie.

1997-1998

Crise financière et monétaire profonde. Les pays qui s’étaient ouverts aux capitaux étrangers (donc ni la Chine, ni l’Inde, ni le Vietnam) sont contraints de faire appel au FMI.

Après 1998

Les pays ayant subi de plein fouet la crise financière et monétaire de 1997-1998 ont dû, sous la pression du FMI, supprimer les barrières monétaires et douanières et s’ouvrir à l’extérieur.
Cependant les pays non touchés par la crise amorcent une conversion volontaire mais progressive au libéralisme.

++++

DES POLITIQUES FINANCIERES OPPOSEES

L’Amérique latine a toujours vécu sous le régime de la liberté des capitaux, alors que l’Asie contrôlait plus ou moins fortement les mouvements de capitaux étrangers jusqu’en 1990. Après 1990, parallèlement à la financiarisation mondiale, la plupart des pays asiatiques ont commencé à s’ouvrir, à des degrés divers, aux capitaux étrangers.
La sphère financière a pris son envol dans la décennie 80. En Amérique latine la prééminence du capital financier sur le capital industriel s’est traduite par un arrêt de la croissance. L’Asie s’est volontairement protégée de la finance internationale. Son ouverture financière modérée jusqu’à la crise de 1997 n’a que faiblement diminué la croissance.

PIB par habitant196019801995
Amérique latine 1.200 1.752 1.735
Asie 300 687 1495
Variation 1980/1960 1995/1980
Amérique latine + 46 % - 1 %
Asie + 129 % + 117 %

Amérique latine

Les capitaux autochtones

Ils s’investissent seulement à court et moyen terme, c’est-à-dire pas dans la grosse industrie ou dans les mines.
Ils n’hésitent pas à sortir de leurs pays lorsque la situation économique s’y détériore afin de maintenir leurs profits. Ils ne reviennent qu’une fois la crise passée. Par exemple entre 1983 et 1985 les transferts nets de capitaux d’Amérique latine vers les pays développés s’élevaient à 145 milliards de $. Cela aggrave bien évidemment les crises.

Les capitaux étrangers

Ce sont les capitaux étrangers et non les capitaux nationaux qui investissaient dans la grosse industrie et dans les mines. Ils en retiraient des profits considérables qu’ils rapatriaient. Ces profits rapatriés représentaient plusieurs fois la mise de fonds initiale. D’où un appauvrissement des pays latino-américains.

Asie

- A la différence de l’Amérique latine les capitaux autochtones s’investissent dans le pays et y restent.
- Le taux d’épargne en Asie étant très élevé (30 à 40%) (le double du taux d’épargne en Amérique latine) la plus large partie des investissements est financée par le capital national.
- Le contrôle des capitaux étrangers est établi de façon à conserver la maîtrise de l’économie. En Inde et en Chine les étrangers ne pouvaient détenir qu’une quantité limitée du capital des entreprises. En Corée du Sud c’était l’Etat qui empruntait sur le marché financier mondial pour satisfaire ensuite, via les banques nationales, les besoins en capitaux du pays.
- Dans les années 90 la plupart des pays asiatiques s’ouvrent progressivement aux capitaux étrangers sous la pression de leurs grandes entreprises. Celles-ci veulent se financer à meilleur coût sur le marché mondial des capitaux. Cette ouverture va permettre la crise monétaire et financière de 1997-1998.

++++

DES POLITIQUES AGRICOLES OPPOSEES

Les politiques agricoles sont diamétralement opposées : grande propriété foncière et cultures d’exportation en Amérique latine, petite propriété et cultures vivrières en Asie.

Amérique latine

En 1960 96% des terres appartiennent à des grands propriétaires. 75% de la population se partagent les 4% restants. Cette agriculture, qui correspond le plus souvent à la monoculture, est intensive, mécanisée et portée vers l’exportation. Actuellement au Brésil, 80% des terres sont destinées à l’exportation.
Mais les matières premières agricoles subissent les fluctuations du marché mondial. L’Amérique latine essuie les chocs de ces variations. Le prix mondial des matières premières passe de l’indice 145 en 1980 à 70 en 1995. On trouve ici l’une des origines de la stagnation économique durant cette période.

Asie

Jusqu’à la fin des années 80 les gouvernements asiatiques visaient l’autosuffisance alimentaire. Y sont globalement parvenus la Chine, l’Inde, l’Indonésie. La Corée du Sud en limitant dans sa réforme agricole la dimension maximale des propriétés à trois hectares a augmenté le revenu des ménages agricoles d’au moins un tiers. L’Indonésie, le plus gros importateur mondial de riz en 1965 est devenue exportatrice au début des années 90. De même pour le Vietnam.
En 1993 la Banque mondiale soulignait que le « miracle asiatique » était principalement dû aux politiques actives d’aide dans les campagnes : réforme agraire, scolarisation et électrification rurales, fiscalité et prix encourageants.

UNE HISTOIRE ET UNE CULTURE DIFFERENTES

AMERIQUE LATINE

L’Amérique latine fut colonisée au 16ième siècle par les Espagnols et les Portugais. Au cours du 19ième siècle les pays obtinrent leur indépendance (sous la conduite de Bolivar). Douze millions de migrants originaires d’Europe viennent s’installer entre 1820 et 1945. Les migrants dominent sur les populations autochtones.
Il est clair que les colons et les migrants (Portugais, Espagnols, Italiens, Allemands principalement) n’étaient mus que par des considérations économiques. Ce qui explique d’une part qu’ils plaçaient leur argent dans une optique de profits à court terme et abandonnaient au capital étranger les investissements lourds, d’autre part qu’ils n’hésitaient pas à sortir les capitaux du pays dès lors qu’un meilleur profit était possible à l’étranger.

L’état d’esprit rentier était également celui des patrons d’industrie. Dès lors que leur marché intérieur était protégé ils ne cherchaient pas à améliorer la production. Ils achetaient aux européens leurs chaînes de fabrication devenues désuètes ! Cette situation ne pouvait évidemment pas tenir dans la durée, d’où les alternances protection / libéralisme. Dans les périodes d’ouverture la non-compétitivité de l’industrie entraînait alors la chute de la production locale et des récessions.

ASIE

Les pays asiatiques sont des pays de très vieille histoire et de très vieille culture. Il y a 1.000 ans l’Asie assurait les 2./3 de la production mondiale et l’Europe occidentale moins de 10% (à égalité avec l’Afrique). En 1850 l’Asie assurait encore la moitié de la production mondiale. Au 19ième siècle les pays européens asservissent les pays asiatiques à des degrés divers. Il en résulte un très grand marasme et une pauvreté extrême aggravés par les invasions japonaises. Lorsque les pays asiatiques recouvrent leur indépendance à partir des années 50 leur PIB par habitant (hors Japon) se comparait à celui de l’Afrique alors que celui des pays latino-américains approchait de celui de l’Europe.
La classe dirigeante au pouvoir après l’indépendance n’est ni moins dictatoriale, ni moins âpre aux gains, ni moins corrompue qu’en Amérique latine. Mais, parce qu’il s’agit de vieilles nations, c’est dans le cadre national qu’elle se développe avec le souci d’un développement national.

++++

LES REPERCUSSIONS SOCIETALES

Les différences dans le mode développement économique se retrouvent sur les plans de la scolarisation, des inégalités et de la pauvreté

Il faut cependant toujours garder à l’esprit les différences considérables en 1950 de la situation socio-économique de chacun de ces continents, l’Asie sortant de la période coloniale avec un niveau proche de l’Afrique, l’Amérique latine étant, elle, à cette époque, proche du niveau européen.

LA SCOLARISATION

Compte-tenu de la situation de départ le taux d’alphabétisation des adultes est moindre en Asie.

Amérique latine / Asie
Taux d’alphabétisation des adultes (moyenne non pondérée)Amérique latineAsie
1990 85,1 % 63,7%
2003 89,6 % 74,6 %

Mais elle rattrape son retard en ayant un meilleur taux d’enfants terminant l’enseignement primaire.

Amérique latine / Asie
% d’enfants terminant l’enseignement primaireAmérique latineAsie
(en 1995 - moyenne non pondérée) 77 % 85 %

Ce rattrapage est manifeste dans le cas du Brésil et de la Corée du Sud.

{{}} Brésil Corée du Sud
Taux de scolarisation dans le secondaire 1993 40 % 90 %
Taux d’analphabètes adultes
1995 16,7 % 2 %
2003 11,6 % <0 %

LA PAUVRETE ET LES INEGALITES

L’Asie étant sortie de la colonisation beaucoup plus tard avait un taux de pauvreté bien plus important que l’Amérique latine. Mais le développement de l’Asie après 1980, face à la stagnation en Amérique latine, a permis le rattrapage

Taux de pauvreté extrême (moins de 1 $ par jour)Amérique latineAsie
1990 22,5 % 34,3 %
2003 19,4 % 19,3 %

Inégalités et pauvreté ne vont pas forcément ensemble. En effet la pauvreté monétaire est directement liée au niveau de développement alors que les inégalités dépendent de la répartition des richesses.

En Amérique latine les inégalités sont extrêmement fortes. Les revenus des 10 % les plus riches sont 42 fois plus élevés que ceux des 10 % les plus pauvres. En Asie ils ne le sont que 12 fois.

Il n’est pas étonnant que les colons et la population immigrée en Amérique latine n’aient eu pour souci que leurs gains personnels alors que les dirigeants asiatiques issus d’un long passé national avaient en charge la cohésion nationale.
La classe dirigeante sud-américaine privilégiait les positions de rente et les profits court terme alors que les classes dirigeantes asiatiques assumaient leur rôle moteur en économie.

++++

LES TOURNANTS

La mondialisation et le développement de la sphère financière dans les années 1980 a modifié la donne.

EN ASIE

Libéralisation commerciale et financière

Le développement mondial à partir des années 80 de la sphère financière mondiale touche l’Asie.
Les entreprises industrielles et bancaires qui avaient atteint un haut niveau de développement à l’abri de protections douanières réclamaient une libéralisation qui leur permettraient de se financer à moindre coût et de se déployer à l’étranger. Cette libéralisation monétaire a fragilisé les pays lors de la crise financière de 1997-1998. Par cette crise, voulue et amplifiée, les Etats-Unis à travers le FMI ont imposé, aux pays touchés une libéralisation complète commerciale et financière.

Fin des soutiens agricoles

Cette libéralisation, selon les pays contrainte ou volontaire, implique à renoncer aux aides à l’agriculture. Ces aides pèsent sur le budget. Les industriels ont intérêt à disposer d’une main d’œuvre bon marché, venant des campagnes, et à maintenir des coûts bas dans l’alimentation des villes, ce qui présuppose un exode rural et des importations de produits alimentaires. Les cultures d’exportation se substituent alors progressivement aux cultures vivrières.

Fin de l’autosuffisance alimentaire et cultures d’exportation

L’Indonésie a supprimé ses aides agricoles après la crise de 97-98 et réduit presque totalement les droits de douane sur le riz. Elle importe aujourd’hui 20% du riz qu’elle consomme, alors qu’elle en exportait auparavant.

La Thaïlande, à l’image de l’Indonésie et pour les mêmes raisons, est sur le point de devenir importatrice de riz. Le nombre de paysans y diminue de 5% par an.

Pour devenir le premier producteur mondial de café Robusta, le Vietnam a confisqué les terres des paysans qui ont été ainsi acculés à la misère.

Les Philippines, déjà importatrices net de riz planifient la reconversion de 1,2 millions d’ha de cultures vivrières en cultures d’exportation (fleurs coupées).

Reconversion également en Inde, mais à un rythme plus faible, vers les cultures d’exportation (fleurs coupées) avec diminution globale de la production alimentaire.

En Chine depuis la fin des années 80 le gouvernement n’investit plus dans l’entretien des digues ni dans l’électrification rurale. Le soutien à l’agriculture ne représente plus en 2005 que 1,6% du PIB. La production céréalière diminue suite à l’érosion et à la salinisation des terres. Les terres arables se réduisent du fait de l’urbanisation et de l’industrialisation.

Augmentation de la pauvreté et des inégalités

Sur 840 millions de personnes qui ont faim dans le monde, les _ sont des paysans. La sous-alimentation n’est pas due à un manque de nourriture mais à la pauvreté. Toute atteinte au développement des campagnes est source de pauvreté et de sous-alimentation.
Entre 1997 et 2003 plus de 18 millions de personnes se sont rajoutées sur le plan mondial au rang des affamés.
Le nombre d’affamés en Chine qui avait diminué spectaculairement jusqu’à la fin des années 80, stagne. En Inde le nombre de pauvres augmente en chiffres absolus (mais pas en pourcentage). En Inde toujours le nombre de personnes ayant faim avait diminué de 20 millions entre 90 et 97 mais augmenté de 19 millions entre 97 et 2001.

Le nombre de milliardaires asiatique ne cesse d’augmenter dans la liste mondiale des plus riches.
Dans la liste des millionnaires en $ la Chine avec 250.000 millionnaires tient la 6ième place, juste derrière la France.

EN AMERIQUE LATINE

Alors que les crises financières ont fait passer les pays asiatiques à un libéralisme source d’inégalités croissantes, celles qui se sont succédées depuis 1998 en Amérique latine ont entraîné une contestation du libéralisme jusque là en vigueur. Se référant à Bolivar, symbole de la décolonisation et de la sortie du joug portugais ou espagnol au 19ième siècle, les mouvements populaires assis sur les couches indiennes indigènes et sur les couches pauvres accèdent au pouvoir dans des pays de plus en plus nombreux et pratiquent des politiques de redistribution des richesses et de renationalisation des matières premières.
Au Brésil en 2004, et pour la 1ère fois, le rapport entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres a commencé à diminuer.
Dans certains cas le libéralisme économique est remis en cause.

Au moment où le modèle asiatique de développement économique de l’Asie est balayé par le libéralisme mondial, l’Amérique latine est-elle en train de fonder un autre modèle ?

++++

ANNEXE

L’ouverture aux capitaux étrangers

Au début des années 90 les pays asiatiques s’ouvrent à des degrés divers, aux capitaux étrangers.
- Les banques et les grandes entreprises cherchent de l’argent bon marché sur le marché financier mondial.
- Ils les obtiennent sous forme de prêts ou par l’ouverture de Bourses.
- Les emprunts sont à court terme. Les prêteurs y ont intérêt car ils peuvent ainsi déplacer constamment leurs capitaux vers le pays ou le secteur qui rapporte le plus à ce moment là. Les emprunteurs y ont intérêt également car les taux d’intérêt courts sont moins élevés que les longs.
- Les capitaux étrangers affluent dans les Bourses asiatiques car leur rendement est deux à trois fois supérieur à celui des Bourses occidentales.

La crise asiatique de 1997-1998

La crise a démarré en Thaïlande. Pourquoi la Thaïlande ?
La Thaïlande est le seul pays asiatique qui basait son développement sur l’ouverture totale aux marchés financiers.

La situation
- De 1987 à 1995 la Thaïlande a connu la plus forte croissance au monde avec une moyenne annuelle de 9,8%.
- Pour attirer les capitaux, le baht avait une valeur fixe, indexée sur le dollar. Il n’y avait donc pas de risque de change pour les financiers.

Le krach
- L’inflation thaïlandaise était supérieure à l’américaine, d’où perte de valeur réelle de la monnaie. De ce fait le baht, après 15 ans d’indexation, était surévalué et l’économie thaïlandaise moins compétitive.
- Dans un contexte de ralentissement économique mondial le marché des semi-conducteurs s’est effondré en 1996 touchant de plein fouet l’importante production thaïlandaise.
- La croissance du pays est tombé en deux ans de 20% par an à 7% et une bulle immobilière a éclaté.
- Ce refroidissement brutal de l’économie a mis en faillite les promoteurs immobiliers et les entreprises qui n’ont ainsi pas pu assurer les remboursements des prêts. Les banques sont devenues insolvables.
- Les capitaux étrangers se sont retirés
- La Bourse s’est effondrée.
- L’endettement extérieur de la Thaïlande représentant 150% de son PIB, le krach a éclaté.

La propagation
- Les financiers connaissaient mal l’économie de chaque pays asiatique.
- Dès lors que la crise éclate en Thaïlande, c’est toute la région qui devient suspecte et les capitaux étrangers quittent brusquement tous les pays.
- Les pays qui avaient limité les entrées de capitaux étrangers (Chine, Inde, Vietnam) n’ont pas été touchés.
- Les autres pays se sont retrouvés avec des balances monétaires déficitaires et une perte de valeur de leur monnaie. Ils ont dû faire appel au FMI.

Une crise volontaire
- L’on connaissait depuis longtemps les moyens de stopper les crises financières. Le krach de Wall Street en 1987 a été enrayé dès son apparition. De même pour le krach mexicain de 1995 dans lequel les Etats-Unis auraient eu beaucoup à perdre.
- Il s’agit simplement de fournir immédiatement et en quantités suffisantes des capitaux pour stopper les faillites en chaîne. Il n’y aurait eu aucune difficulté à stopper le krach thaïlandais en 1997. C’était le rôle du FMI.
- Le FMI a été empêché par les Etats-Unis de stopper la crise. Les Etats-Unis étaient excédés d’être inondés de produits asiatiques et de ne pas avoir accès à leur marché tant sur le plan commercial que financier.
- Il fallait donc casser ce modèle de développement basé sur les exportations, sur la protection du marché intérieur et sur le contrôle des capitaux étrangers.
- Sous pression américaine le FMI a fourni les capitaux toujours trop tard et toujours en quantités insuffisantes.
- Le plan a réussi. Les pays touchés par la crise (Asie du Sud-Est), contraints par le FMI, se sont ouverts totalement au libéralisme commercial et financier.
- En février 1998 Alan Greenspan, président de Federal Reserve (la banque centrale des Etats-Unis) déclarait que la crise asiatique débouchera sur la généralisation dans le monde « d’une forme occidentale de capitalisme du marché libre ».