Faut-il une gouvernance mondiale ?

(FMI - Banque mondiale – OMC)
mercredi 26 septembre 2007
par  Pierre Guguenheim

Faut-il une gouvernance mondiale ?
Celle-ci paraît indispensable au moins dans deux domaines : la stabilité économique mondiale et la sortie de pauvreté des pays qui y sont enfoncés.
Précisément ces rôles ont été attribués au FMI et à la Banque mondiale.
Il s’agit donc d’examiner leur action.

LE FMI

LE SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL

Dès 1942 les Etats-Unis et l’Angleterre se concertaient pour établir après la guerre une stabilité monétaire dans le monde. En mémoire : la grande crise des années 30.
Le problème est le suivant :
Les déséquilibres des échanges entre pays font que certains pays sont déficitaires quand d’autres sont excédentaires. Les pays déficitaires n’ont plus d’argent pour leurs achats. A l’inverse les pays excédentaires regorgent d’argent. De quelle façon l’équilibre doit-il être rétabli pour éviter les crises ?
Pendant deux ans, de 1942 à 1944 les discussions ont lieu entre les Américains et les Anglais.
Leurs intérêts sont opposés.
Les Anglais sortiront de la guerre très endettés. Ils demandent donc pour les pays de larges possibilités d’emprunts sans subir pour autant des contraintes dans leur politique intérieure.
Leurs propositions :
• la création d’une monnaie internationale basée sur l’or (le bancor)
• une institution disposant de cette monnaie.
• les pays déficitaires reçoivent des prêts pour traverser une mauvaise passe conjoncturelle en attendant de rétablir la situation en dévaluant leur monnaie, ou en prenant des mesures protectionnistes.
• les pays excédentaires doivent réévaluer leur monnaie et prêter leurs excédents.

Les Etats-Unis sortent renforcés de la guerre. Leur industrie tourne à plein et a pris de l’avance technologique. Ils ont prêté des dollars aux autres pays qui sortent de la guerre exsangues.
Ils entendent par conséquent consolider leur hégémonie :
• Refus d’une monnaie internationale qui enlèverait au $ sa place de monnaie dominante.
• Refus de prêter aux pays déficitaires de l’argent sans contrôle sur son utilisation.

Les discussions durent deux ans. Mais le rapport de forces est en faveur des Etats-Unis. C’est leur plan qui l’emporte. Il sera officiellement validé en 1944 à Bretton Woods par 44 pays.

Quel est ce plan ?
• Il ne sera pas créé de monnaie internationale.
• Le système monétaire mondial sera un système à taux de change fixes basé sur l’or.
• Les pays déclareront la parité de leur monnaie en or.
• Les Etats-Unis fixent leur parité à 35 $ pour une once d’or
• Les pays qui ne disposent pas de suffisamment d’or doivent déclarer leur parité par rapport à une devise convertible en or, c’est-à-dire en fait par rapport au dollar.
• Un organisme est créé pour gérer le système, c’est le FMI.

LA CREATION DU FMI

• Le FMI est chargé de superviser la fixation des taux de change.
• C’est lui qui autorise, dans des conditions exceptionnelles, leur flexibilité.
• Il a la possibilité d’accorder très provisoirement des petits prêts pour aider en cas d’une mauvaise passe conjoncturelle, mais l’équilibre des comptes doit être réalisé en trois ou cinq ans.

LA DOMINATION DES ETATS-UNIS

Le système monétaire est entièrement conçu pour consacrer l’hégémonie des Etats-Unis :

• Le $ est la monnaie internationale de référence puisque c’est la seule monnaie totalement convertible en or. Les autres monnaies doivent alors se situer par rapport à lui.
• Les autres monnaies n’ont pas la possibilité d’ajuster librement leur taux en fonction de leur situation économique. Pour modifier leur parité de change il leur faut l’autorisation du FMI. Et le FMI a le droit d’imposer ses conditions.

Il fallait aussi que les Etats-Unis aient une influence prépondérante dans le fonctionnement du FMI. C’est obtenu au niveau des voix.

• Le FMI ne relève pas de l’Organisation des Nations Unies car aux Nations Unies un pays = une voix.
• Chaque pays a un nombre de voix correspondant à sa quote-part.
• La quote-part de chaque pays est déterminée en fonction de sa taille relative dans l’économie mondiale. Ainsi les Etats-Unis disposent de 17,08 % des voix, loin devant le Japon (6,13 %), l’Allemagne (5,99), la France et l’Angleterre (4,95 chacun).
• En fixant à 15 % des voix la minorité de blocage, les Etats-Unis se sont arrogés un droit de veto.

Les décisions du FMI étaient subordonnées aux intérêts des Etats-Unis, notamment dans deux domaines :
• Le niveau des dévaluations autorisées, afin de sauvegarder la compétitivité de l’industrie américaine
• Les besoins de financement du FMI. Les Etats développés ne pouvaient fournir suffisamment d’argent aux besoins du FMI. Il a fallu créer de la monnaie en dehors des monnaies nationales : les DTS (« droits de tirage spéciaux »). Les Etats-Unis ont constamment freiné la quantité émise de DTS de peur qu’ils ne prennent la place du dollar comme monnaie internationale.

LE NOUVEAU ROLE DU FMI

Mais entre temps l’environnement financier s’est modifié dans les années 70 et dans les années 2000.

Les mutations des années 70

- Le rattrapage européen

Les « Trente Glorieuses » (1945 – 1973) ont permis le rattrapage des pays européens par rapport aux Etats-Unis. Dès 1965 les six pays européens avaient autant d’or que les Etats-Unis. Le stock d’or américain, au contraire, est passé de 22 milliards de $ en 1950 à 10 milliards en 1970. La convertibilité du $ en or n’était plus assurée. Dès lors les pays européens, sous l’impulsion de De Gaulle, ont mis fin aux changes fixes et à la tutelle du FMI. En 1976 le système monétaire de fixité des changes a volé en éclats. Les changes sont devenus flottants, chaque pays a retrouvé sa liberté.

- La sphère financière

• Le choc pétrolier de 1973 (le baril de pétrole qui valait 6 $ en 1970 est passé à 40 $ en 1974) a dégagé d’énormes capitaux (les pétrodollars) avec deux conséquences :

¤ Des crédits furent accordés inconsidérément aux pays du tiers-monde car les pétrodollars n’avaient pu se placer dans les pays développés qui étaient en stagnation suite au choc pétrolier. La dette des pays du tiers-monde qui était de 130 milliards de $ en 1970 est passée à 228 milliards en 1976 et 953 milliards en 1985. Le FMI n’ayant plus à gérer le système financier de changes fixes a été chargé de superviser la dette du tiers-monde. En échange de crédits il exigeait l’ouverture des pays à la concurrence internationale (ajustement structurel).

¤ Les pétrodollars n’ayant pu s’investir dans la sphère réelle se sont placés dans la sphère financière spéculative. Pour se développer la sphère spéculative avait besoin d’élargir son champ d’action. Cela passait par la libéralisation mondiale des mouvements de capitaux. Le FMI en a été l’instrument auprès des pays du tiers-monde. Il conditionnait son aide à la mise en place de cette libéralisation.

¤ Cette abondance des capitaux a permis aux pays développés de se financer sur le marché mondial et de ne plus faire appel au FMI car celui-ci conditionnait ses crédits.

Les mutations des années 70 ont donc abouti à développer le marché mondial des capitaux et ont cantonné le FMI dans l’aide aux pays du tiers-monde.

Les mutations des années 2000

Elles sont dues à l’augmentation des prix des matières premières et à l’irruption de la Chine dans le jeu économique et politique mondial.

• L’indice des prix des matières premières industrielles a été multiplié par plus de quatre entre 2001 et 2007. Celui des matières premières agricoles a presque doublé.

• L’augmentation du prix des matières premières industrielles est due au développement fulgurant de la Chine et de ses importations. Celle des matières premières agricoles est due au développement des biocarburants car leur culture prend partiellement la place de cultures alimentaires.

• Cette augmentation des cours de matières a permis à la plupart des pays du tiers-monde d’améliorer leur situation financière, voire de rembourser par anticipation le FMI. C’est ainsi que l’encours des crédits du FMI qui était de 80 milliards d’euros en 2002 est tombé à 45 en 2005.

• Pour assurer ses approvisionnements en matières premières la Chine investit considérablement dans les pays du tiers-monde dans des projets miniers et dans des infrastructures de transports pour acheminer ces produits dans les ports. De plus elle accorde aux gouvernements du tiers-monde de larges crédits sans leur poser des conditions, comme le fait le FMI.

Pour toutes ces raisons les pays du tiers-monde délaissent de plus en plus le FMI. Les recettes du FMI ont diminué d’où un déficit dans ses comptes (pour l’exercice 2006 – 2007 le déficit s’est monté à 105 millions de dollars). Son influence dans le monde a chuté, aujourd’hui l’encours de ses prêts est tombé au niveau du dixième de celui d’une grande banque européenne.

LA STABILITE FINANCIERE MONDIALE

Le FMI, pourtant conçu pour assurer la stabilité monétaire et financière dans le monde, tenait prioritairement compte des intérêts des Etats-Unis et posait des conditions à l’octroi de prêts. Or Michel Aglietta estime que pour assurer la stabilité financière mondiale le prêt doit être « inconditionnel, illimité et immédiat ».

Pourquoi un prêt inconditionnel ?

L’objectif n’est pas d’aider le pays en difficulté mais d’assurer la stabilité mondiale. Il s’agit d’empêcher que les défauts de paiement ne se transmettent en chaîne.

Exemple : la crise argentine de 2001-2002.
Depuis plusieurs années l’Argentine se trouvait en déficit mais le FMI lui ouvrait les crédits nécessaires. Cependant le 5 décembre 2001 le FMI refuse de verser à l’Argentine la somme de 1,2 millions de $, qui avait été prévue dans les accords précédents, au prétexte qu’elle n’a pas réduit son déficit budgétaire comme prévu. Pourquoi cette mesure ? Pour faire un exemple et obliger les pays qui reçoivent des aides à appliquer les consignes libérales du FMI et « ne pas gaspiller l’argent du contribuable américain ». Le FMI a estimé que les chances de propagation de la crise dans les pays limitrophes étaient faibles. Les capitaux spéculatifs qui s’étaient placés en Argentine avaient déjà fui le pays. Les faits ont semblé donner raison au FMI. L’énormité de la crise frappe de plein fouet la population argentine provoquant son appauvrissement général, mais ne s’étend pas. Dix mois après, en octobre 2002, la donne change. La crise économique argentine s’est étendue entre temps à l’Uruguay et le Brésil est lui-même menacé. Si le Brésil entrait en crise ce sont les capitaux financiers américains, les investisseurs américains et européens et enfin le FMI lui-même qui seraient touchés. Devant cette menace de contagion à toute l’Amérique latine le FMI rouvre ses guichets. Non seulement l’Argentine reçoit de nouveau des aides cette fois sans condition mais encore elle proclame ne pas vouloir honorer les dettes contractées dans le passé, tant auprès des institutions qu’auprès des banques privées, ce qui ne s’était jamais vu. C’est la première et unique fois où un bras de fer entre un gouvernement et le FMI se termine en faveur du premier. Mais le FMI n’avait le choix qu’entre céder ou provoquer une crise systémique dans toute l’Amérique latine.

Pourquoi un prêt illimité et immédiat ?

Les techniques d’information et de communication permettent des transferts de fonds instantanément aux quatre coins de la planète. Il s’échange ainsi chaque jour 1.900 milliards de dollars sur le seul marché mondial des changes. Dans un autre domaine, à la Bourse de Paris, c’est 4 à 5 milliards d’euros qui changent de mains chaque jour (le 6 juin 2006 : 8 milliards). Vu les sommes engagées, la vitesse d’exécution des transactions et le caractère moutonnier des opérateurs financiers la propagation des faillites, à l’instar d’une chute de dominos, est toujours possible. Il faut donc empêcher cette contagion. Il n’y a pas d’autre moyen que l’injection immédiate de l’argent nécessaire pour couper la chaîne des non paiements.

Exemple la crise asiatique de 1997-1998 .
En 1997 une crise économique frappe la Thaïlande. Les promoteurs immobiliers et les entreprises font faillite et ne remboursent pas les dettes contractées auprès de leurs banques. A leur tour les banques ne peuvent honorer leurs engagements sur les marchés financiers mondiaux. Or l’endettement extérieur de la Thaïlande représente 150% de son PIB. Les capitaux étrangers s’enfuient, c’est le krach. Mais comme les financiers connaissaient mal l’économie des pays asiatiques, par prudence, ils se retirent de toute la région. Normalement le FMI aurait dû intervenir. Les Etats-Unis s’y sont opposés. Ils avaient le sud-est asiatique dans le collimateur. En effet ces pays exportaient massivement leurs produits dans les pays développés mais protégeaient leur propre marché intérieur. Il s’agissait d’ouvrir ces pays aux capitaux, aux marchandises et aux services occidentaux.
Sous leur pression le FMI a donc tergiversé et versé des fonds toujours trop tard et toujours en quantité insuffisante jusqu’à ce que la totalité des pays du sud-est asiatique se soient retrouvés exsangues et contraints d’ouvrir leurs frontières conformément aux exigences du FMI. Ainsi se terminait le modèle de développement sud asiatique qui leur avait si bien réussi. Les populations ont alors sombré dans le chômage et la misère. En 1998 Alan Greenspan se félicitait que la crise asiatique aura débouché sur la généralisation dans le monde « d’une forme occidentale de capitalisme du marché libre ».

On connaît très bien la manière d’empêcher un krach de se propager : il suffit de fournir les sommes nécessaires immédiatement et en quantité suffisante. De nombreux krach ont ainsi été enrayés : Wall Street en 1987, le Mexique en 1995, la Turquie en 2000 pour ne parler que des plus importants. Pour enrayer à Wall Street le krach consécutif aux attentats du 11 septembre 2001 la banque centrale américaine (la FED) a injecté plus de 350 milliards de dollars en dix jours.

LE FMI AU SERVICE DE SES ACTIONNAIRES

Le FMI sert d’instrument au service des intérêts économiques et politiques des Etats-Unis et des pays occidentaux et le plus souvent au détriment des pays qui reçoivent les crédits.

Les intérêts économiques
Les conditions imposées par le FMI ont pour objectif d’une part le remboursement des emprunts extérieurs, d’autre part l’ouverture aux produits et aux capitaux étrangers.
Le budget de l’Etat est totalement axé sur le remboursement des emprunts. Les budgets de santé et d’éducation sont sacrifiés. Pour 53 pays les « ajustements structurels » ont fait diminuer les dépenses de santé de 15 %. Pour les mêmes raisons les dépenses d’éducation ont chuté de 65 % en Afrique et de 40 % en Amérique latine. Le FMI impose le libéralisme économique. Il s’élève contre la renationalisation de l’eau au Mali. Il contraint à privatiser l’industrie du tabac en Asie, au profit de Reynolds et Philip Moris.

Les intérêts politiques
Dans d’autres pays c’est pour des raisons politiques que le FMI, sous l’instigation des Etats-Unis, ouvre les vannes du crédit. Au Mexique, avant les élections, afin d’éviter l’installation d’un gouvernement de gauche, en Turquie vu l’importance géostratégique de ce pays, en Russie après la perestroïka, à l’Irak et au Pakistan pour des raisons évidentes, à l’Ethiopie de même.

Les dégâts
Les dégâts causés par la libéralisation économique et les ajustements structurels ne sont plus à démontrer. Afin d’avoir de bons « fondamentaux » (équilibre budgétaire et commercial, inflation, etc.) les pays pauvres demeurent dans le sous-développement et maintiennent une misère déjà massive.

Ces dégâts sont contreproductifs sur un autre plan. En accroissant la pauvreté ils déstabilisent les gouvernements. La réussite aux élections turques du parti islamiste n’est pas étrangère à la misère consécutive à l’ajustement structurel et au libéralisme imposés lors de la crise de 2000. Le refus opposé par le FMI au gouvernement roumain d’augmenter les dépenses sociales a permis la montée dans ce pays de l’extrême droite.

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LA BANQUE MONDIALE

La Banque mondiale a été créée à Bretton Woods en 1944 en même temps que le FMI. Sa vocation était de financer la reconstruction des pays européens après la guerre. En fait c’est le plan Marshall qui a rempli ce rôle. La Banque mondiale s’est donc spécialisée dans le développement du tiers-monde. Le nombre de voix de chaque pays est calqué sur celui du FMI. C’est ainsi que l’ensemble des pays africains ne dispose que de moins de 1 % des voix ! Les conditionnalités imposées à l’octroi de prêts sont les mêmes que celles appliquées par le FMI. D’ailleurs la Banque mondiale ne prête qu’aux pays déjà agréés par le FMI. Récemment la Banque mondiale a rajouté à ses conditions l’absence de corruption. De même que pour le FMI la Banque mondiale prend avant tout en considération les intérêts des pays occidentaux.

LES INTERETS DES ACTIONNAIRES

Uri Dadush, économiste à la Banque mondiale, reconnaît lors d’une interview au Monde que « la Banque mondiale doit répondre aux demandes de ses actionnaires et, quand il existe entre eux un consensus pour favoriser quelques pays, elle doit le suivre ». C’est ainsi qu’elle a largement financé l’exploitation des champs pétrolifères au Tchad et plus récemment l’oléoduc qui doit acheminer le pétrole d’Azerbaïdjan en Turquie sans passer par la Russie et qui est d’un intérêt stratégique pour les Etats-Unis.
Le cas de l’exploitation du pétrole du Tchad est exemplaire car la Banque mondiale a été partie prenante à tous les stades de l’élaboration de l’accord. L’accord ne prévoit que 12,5 % de royalties alors que d’autres pays obtiennent 25 %. Mais même ces royalties ne sont pas versées sous différents prétextes et en violation des conventions. La première année les royalties n’ont représenté que moins de 5 %. Certains sous-contractants des compagnies pétrolières ne s’acquittent pas des impôts. Par contre le consortium pétrolier obtient la caution de la Banque mondiale contre les aléas d’un régime instable. La Banque mondiale a imposé au Tchad la transparence des royalties reçues et leur non utilisation pour l’achat d’armes. Cette fois c’est le gouvernement tchadien qui ne tient pas sa parole et utilise l’argent pour acheter des armes. La Banque mondiale finit par acquiescer. Le rôle du Tchad, pro occidental, dans les conflits du Soudan et du Darfour dont il est frontalier n’est peut-être pas étranger dans ce renforcement de l’armement.
La Banque mondiale finance la reconstitution des capacités pétrolières de l’Irak en ignorant volontairement les détournements et corruptions concernant cette activité.

LES CONTRAINTES LIBERALES

De même que le FMI, la Banque mondiale impose le libéralisme économique.
Quelques exemples parmi d’autres :
Le Bangladesh s’est vu refuser un prêt pour cause de privatisation insuffisante. Lorsque la Banque mondiale finance des écoles en Afrique il s’agit d’écoles privées pour les couches sociales aisées. Elle ne participe en Turquie au financement d’assainissement des eaux que s’il est réalisé par une société privée. Elle a obligé la Côte d’Ivoire à démanteler la Caisse de stabilisation du cacao.

UNE EFFICACITE DOUTEUSE

Alors que la finalité de la Banque mondiale est le développement et la lutte contre la pauvreté il est évident que les privatisations et l’ouverture exigées des frontières aux marchandises, services et capitaux des pays développés ne pouvaient permettre d’atteindre ces objectifs.
Le bilan des années 90 s’est traduit par une baisse du revenu par habitant en Amérique latine et par la marginalisation de l’Afrique.
La baisse de la pauvreté n’a eu lieu qu’en Asie et particulièrement en Inde et en Chine qui n’ont pratiqué qu’une ouverture faible et maîtrisée vis-à-vis des capitaux et marchandises des pays développés et n’ont pratiquement pas eu recours au FMI et à la Banque mondiale.
Mais l’échec n’est pas seulement dans le développement macroéconomique. Il concerne aussi les aides spécifiques de la Banque mondiale. Elle reconnaît que 46 % des projets qu’elle finance sont considérés comme non viables après le remboursement des emprunts et que 51 % des projets menés en Afrique sont des échecs. Remarquons que la non efficience ne s’applique qu’aux récipiendaires et non aux donateurs. A titre d’exemple, dans les années 90, pour 1.000 F investis par la France dans l’aide au développement, elle recueillait 1.800 F de contrats de projets de la Banque mondiale.

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FAUT-IL UNE GOUVERNANCE MONDIALE ?

Poser la question sous cette forme, c’est y répondre.
Oui, le monde a besoin de stabilité financière et monétaire.
Oui la solidarité mondiale est indispensable pour éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde.
Mais sur ces objectifs le FMI et la Banque mondiale ont échoué.
Ce qui pose deux questions :
Est-ce la gouvernance de ces institutions qui en est responsable ?
Ces objectifs peuvent-ils être atteints dans le cadre du modèle économique actuel ?

UN PROBLEME DE GOUVERNANCE ?

Tant que les voix au FMI et à la Banque mondiale seront proportionnelles au poids économique des pays il ne faut pas s’attendre à ce que les intérêts réels des pays pauvres soient sauvegardés. On est cependant en droit de penser qu’une gestion démocratique (un pays = une voix) modifierait la situation.

Un tel fonctionnement (un pays = une voix) existe. Il s’agit de l’OMC. Or jusqu’en 2003, à Cancun, seuls les intérêts des pays développés étaient pris en ligne de compte. A Cancun a eu lieu un retournement. Les pays du tiers-monde ont refusé pour la première fois les diktats des pays développés. Etait-ce le premier pas vers un développement harmonieux de l’économie mondiale ?

La réalité est différente. Les grands pays « en développement », Brésil, Chine et Inde avaient considérablement accru leur poids économique et sont maintenant à même de défendre leurs propres intérêts face aux pays industrialisés. Ils ont réussi à persuader les autres pays du tiers-monde qu’ils représentent leurs intérêts. C’est exactement la même démarche que celle des gros céréaliers français qui ont persuadé la quasi-totalité des agriculteurs que les intérêts qu’ils défendent dans la PAC représentent les intérêts de tous.
Or ces grands pays intègrent totalement le système qui consiste à inonder la planète de leurs produits. Pour le Brésil les productions agricoles, pour la Chine les produits industriels et pour l’Inde les services. Le marchandage en cours à l’OMC consiste simplement à équilibrer les intérêts de chacun de ces trois pays avec ceux des pays développés. Les pays pauvres continuent à être les perdants, que ce soient ceux d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine.

Ce qui est illustré par l’étude réalisée par le CEPII sur le compromis que Pascal Lamy avait élaboré pour l’OMC en 2006. L’étude conclue « que les économies pauvres gagneraient très peu à la conclusion du cycle, et pire, que l’Afrique subsaharienne subirait une perte nette ». Cette perte est même chiffrée pour cette dernière à 270 millions de dollars. Il est évident que les petits pays du tiers-monde ne peuvent développer leur propre production s’ils sont inondés par les produits des pays disposant déjà d’un haut niveau de productivité et de technicité.
L’exemple de l’OMC indique qu’il ne suffit pas que les règles de fonctionnement d’une institution internationale soient démocratiques (un pays = une voix) pour que les rapports de force disparaissent au profit de la solidarité. Dans sa Lettre du 13 juillet 2007 l’OFCE constate au sujet de l’OMC : « Malgré la règle de l’unanimité, il semble ainsi que les pays développés ont imposé aux pays en développement le programme de Doha par le biais du chantage à l’aide au développement et à l’accès préférentiel au marché ».
Le fonctionnement de l’ONU, où là aussi un pays = une voix, montre également à quel point les manipulations et les rapports de forces l’emportent sur une gestion réellement démocratique. Les petits pays non développés subissent les pressions des grands dont ils sont souvent tributaires.

LES ALTERNATIVES

Seul un autre modèle économique peut permettre des échanges équitables non basés sur des rapports de force.

Une monnaie internationale

Non seulement elle permettrait d’assurer la stabilité monétaire mondiale, mais encore elle serait un instrument de sortie de la pauvreté.
L’idée d’une monnaie internationale émise et gérée par des institutions financières mondiales n’a rien de farfelu. C’est tout simplement la solution que préconisait Keynes, représentant les intérêts de l’Angleterre à Bretton Woods. Elle fut rejetée par les Etats-Unis dont le seul objectif était la sauvegarde de leurs intérêts et la pérennité de leur domination.
La question a été remise sur le tapis dans les années 60 afin de permettre aux différents pays de disposer d’une réserve monétaire en cas de besoin, alors que les liquidités mondiales manquaient. Ce sont les DTS (Droits de tirage spéciaux) créés en 1967. Au départ les Etats-Unis se sont opposés à ce que les quantités émises soient importantes de peur que cette monnaie prenne la place du dollar. Mais par la suite (notamment en 1994) c’est l’ensemble des pays riches qui ont refusé une augmentation significative de la quantité de DTS que les pays du tiers-monde demandaient.

Une monnaie internationale présente de considérables avantages. Elle permettrait
l’élaboration d’un système monétaire international qui mettrait fin aux spéculations sur les changes.
la mise à disposition de réserves de change pour les pays en difficulté passagère.
des dons aux pays du tiers-monde pour le développement de leurs infrastructures matérielles et immatérielles (routes, chemins de fer, éducation, santé, etc.).

Il est clair :
que la création d’une monnaie internationale doit avoir l’agrément au minimum des principaux pays.
que les Etats-Unis ne sont pas susceptibles de donner leur accord tant que leur dollar sert de monnaie internationale de réserve et d’échange et par là même assure le financement de leurs déficits commercial et budgétaire et leur hégémonie sur le monde.

Des échanges équitables

Dans la libéralisation financière et commerciale, mise en place par l’OMC, organisme où un pays = une voix, ce sont les rapports de forces qui s’imposent. L’expérience montre que, dans le meilleur des cas, les autres institutions internationales (OMS, OIT, FAO) ne peuvent corriger qu’à la marge les inégalités issues de ce rapport de forces. Le combat pourtant exemplaire, et partiellement réussi, concernant la fourniture des médicaments antisida ou génériques aux pays du tiers-monde témoigne des limites qui peuvent être imposées dans le cadre du libéralisme économique où règne la liberté du renard libre dans le poulailler libre. Le problème n’est donc pas celui de la gouvernance des institutions mais du cadre dans lequel elle s’exerce.

La libéralisation mondiale devient de plus en plus contestable :
Elle établit des rapports de forces en place d’échanges équitables.
Elle favorise les transports, facteur principal de réchauffement de la planète.
Elle favorise le dumping social et écologique.
Elle prive la population de sa liberté de choix dans son style de vie.

La reterritorialisation de la production devient alors pour chaque pays une nécessité sociale, écologique et démocratique. Au niveau international elle permettrait des échanges équitables entre pays adoptant les mêmes priorités sociales et écologiques

UNE GOUVERNANCE MONDIALE

Certainement mais dans un cadre qui ne soit pas la jungle.

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