Hypocrisie de nos députés

Ci-dessous les réponses de nos deux députés socialistes, Jean-Maire Le Guen et Serge Blisko à notre demande de rendez-vous pour discuter de leur position sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification parlementaire du traité de Lisbonne. En s’abstenant lors du débat au Congrès, ils abandonnent la promesse électorale faite par leur parti d’organiser un référendum et laissent le champ libre à Sarkozy. Leurs voix ne seront pas comptées dans les 2/5 des exprimés, minorité nécessaire pour empêcher la ratification parlementaire. Si cette minorité de blocage était atteinte, Sarkozy serait contraint à un référendum. Nos élus ont droit de trouver que le traité n’est pas si mauvais que ça, mais s’ils étaient démocrates, ils favoriseraient l’expression du peuple. Il faudra se souvenir lors des élections européennes en 2009 que nos deux députés ont refusé de défendre la démocratie.


Réponse de Jean-Marie Le Guen

Les Comités locaux du 13e arrondissement de Paris.
Paris le 18 janvier 2008

Mesdames, Messieurs,
J’ai bien reçu votre courrier me faisant part de votre souhait de me rencontrer avant le 4 février. Ne pouvant répondre favorablement à votre demande dans un délai si bref, je me permets de vous adresser quelques lignes concernant les positions que je défends dans le cadre de la ratification du Traité de Lisbonne, portant sur les règles de fonctionnement de l’Union Européenne.

La question qui est posée à l’occasion du Congrès de Versailles est de savoir si nous acceptons de réviser la Constitution pour que la France puisse ensuite ratifier le traité de Lisbonne.
Ce vote ne porte pas sur le contenu du traité. Il n’est qu’un préalable, certes indispensable, au débat sur la ratification. D’ailleurs en 2005, ce n’est qu’une fois la révision acquise, votée par l »’Assemblée le 1er février et par le Congrès du Parlement le 28 février, que le pays s’est passionné pour le traité constitutionnel.

A l’inverse, si la Constitution n’était pas révisée, le débat sur la ratification ne pourrait avoir lieu. C’est pourquoi notre groupe a décidé de ne pas faire obstacle à la révision constitutionnelle. Pour autant, nous contestons le choix du Gouvernement d’engager cette ratification par la voie parlementaire, refusant de ce fait un référendum.
Nous considérons qu’en agissant ainsi, le Gouvernement ne rend pas service à la construction européenne. C’est en effet un paradoxe navrant : alors que l’Europe est le berceau historique de la démocratie et des libertés, le déficit démocratique n’a cessé de constituer un handicap pesant et dangereux tout au long de la construction.

Comment s’étonner alors que pour beaucoup de nos concitoyens, l’Union européenne soit une identité mystérieuse, lointaine et complexe, et que ses décisions paraissent souvent élaborées dans le secret de cheminements incompréhensibles ? Pour combattre cette opacité, quelle meilleurs manière que d’appeler les citoyens aux urnes ? Voilà pourquoi demain, au moment de la ratification, nous déposerons une motion référendaire, en cohérence avec nos engagements électoraux.

Je veux résumer le sentiment de notre groupe sur le contenu du Traité. Ce traité représente une avancée modeste mais significative, que les socialistes approuvent. C’est, pour nous, tout autant une question de responsabilité que de cohérence avec l’ensemble des socialistes européens. Son contenu ne mérite ni les flots de louanges parfois déversés dans nos débats, ni les imprécations qu’il a pu susciter.

Son mérite principal est de tirer l’Union européenne de l’ornière institutionnelle. Ainsi, nous soutenons la désignation par les Etats membres d’un Président du Conseil européen, l’élection d’un Président de la Commission, des compétences accrues pour les parlements nationaux, la mise en œuvre d’un droit d’initiative citoyen, la nomination d’un haut représentant pour les affaires étrangères. Nous considérons que le traité permettra convenablement d’adapter les institution d’une Union de 27 membres, notamment en autorisant les passage à la majorité qualifiée dans plus de trente domaines.

Pourtant malgré ces progrès, nous sommes déçus. D’abord parce que ce traité reflète à bien des égards un recul de l’ambition européenne. Il est un règlement intérieur à portée fonctionnelle, qui marque l’affaissement de la méthode communautaire et le triomphe d’un intergouvernementalisme sans souffle et sans âme. Ensuite parce que le traité ne modifie pas le statut de la Banque centrale européenne pour y intégrer la croissance et l’emploi, et parce que le vote à la majorité qualifiée n’est pas étendu aux questions fiscales et sociales.

Ce texte n’est donc pas parfait, loin de là, et il ne sauvera pas l’Europe comme Nicolas Sarkozy l’a prétendu avec sa modestie coutumière. Mais il vaut mieux, assurément que tout ce qui existe aujourd’hui. Alors, autant engranger ces avancées, et s’appuyer sur elles pour aller de l’avant, dans la perspective notamment, des élections européennes de 2009.

Je sais que ces positions font débat dans notre pays et notamment à Gauche. Je crois que, sauf si on refuse par principe ou de fait la construction européenne, nous devons en finir avec cette paralysie. Nous devons avoir confiance et espoir de remettre au cœur du débat une politique de projet qui soit profitable au plus grand nombre des Européens dont les conditions et les attentes n’ont aucune raison d’être différentes des nôtres.

Je vous prie de croire, cher Monsieur, à l’expression de mes salutations distinguées.

Bien à vous.

Signé : Jean-Marie Le Guen.


Réponse de Serge Blisko

Paris, le 28 janvier 2008

Madame,

J’ai bien pris connaissance de votre courrier. Vous rappelez l’attachement de nos concitoyens à la consultation populaire et démocratique pour l’adoption d’un texte majeur qui concerne chacun d’entre nous. Quoi de plus normal et de plus légitime.

Le Parti Socialiste n’a cessé de rendre l’Europe accessible aux citoyens, car c’est bien en dissimulant l’Europe qu’on la rend impopulaire. Je perçois les insuffisances de ce nouveau texte, mais je considère qu’il est un compromis honorable entre l’ancien traité constitutionnel, qui est de fait caduc, et l’impossible statu quo actuel. Comme vous le savez, l’Europe fonctionne désormais à 27 pays. Ses États-membres ont besoin de règles leur permettant de construire ensemble l’avenir de l’Europe. Les dispositions du traité de Lisbonne leur confèrent cette capacité. La France ne peut rester plus longtemps isolée. Le Parti Socialiste attaché aux institutions européennes se doit de porter le projet européen. Par conséquent nous avons un devoir, celui de sortir l’Europe de sa paralysie.

L’Europe a besoin d’une capacité de décision plus rapide et simplifiée mais aussi d’une impulsion politique forte. C’est pourquoi nous sommes et pour le traité européen et pour le référendum.

En conséquence, pour marquer mon désaccord avec la procédure choisie par le Président de la République, je m’associerai avec le groupe socialiste au dépôt d’une motion référendaire et je m’abstiendrai sur cette révision constitutionnelle.

Veuillez agréer, madame, l’expression de mes sincères salutations.

S.Blisko.