Lettre aux députés de Paris Centre pour qu’ils se prononcent contre la ratification du CETA

Attac Paris Centre participe à la campagne contre le CETA et a envoyé aux députés parisiens une lettre d’interpellation sur le modèle rédigé par le collectif national unitaire.

Madame la Députée,
Monsieur le Député,

Depuis des mois, dans tous les pays de l’UE, des organisations de la société civile, des organisations d’agriculteurs, de consommateur, des syndicat, des entrepreneurs et des élus locaux ont multiplié les appels à l’encontre de l’adoption de l’accord de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada, le CETA.
Si le CETA a fait l’objet d’un vote favorable en février 2017 au Parlement européen, il n’a recueilli un soutien que de la part de 20 % des eurodéputés français.

Des risques sanitaires et environnementaux confirmés
Emmanuel Macron s’était engagé pendant la campagne à demander un examen détaillé des impacts environnementaux et sanitaires du CETA et à exiger si nécessaire une réouverture des négociations sur ce texte. Le rapport de la commission d’évaluation du CETA, a confirmé un certain nombres de risques. S’il reconnaît que le pire n’est jamais certain, il admet qu’on ne peut pas exclure en l’état actuel que le CETA produise des effets négatifs sur l’environnement et la santé et amoindrisse la capacité d’action des gouvernements dans ces domaines :
 l’introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États est évalué comme non vraiment nécessaire et problématique. De fait, la réforme de l’arbitrage ne rompt pas sur le fond avec le dispositif initial. Entre autres problèmes : cette juridiction reste à l’usage seul des investisseurs qui ne sont toujours soumis à aucune obligation en matière de respect des règles nationales et des standards internationaux en matière de responsabilité des entreprises et la rémunération des arbitres, pourtant qualifiés de juges, continue de dépendre partiellement des honoraires versés notamment par les entreprises plaignantes ;
 la coopération réglementaire prévue pour rapprocher les normes en vigueur a pour objectif affirmé d’augmenter les échanges économiques et non pas à renforcer les normes de protection en matière d’alimentation, de santé, d’environnement et social. Les mécanismes de dialogue envisagés pourraient avoir pour effet de « court-circuiter les processus démocratiques internes » et on ne peut écarter, à ce stade un risque d’ « ingérence des intérêts privés » dans le processus de décision ;
 combinés, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États et la coopération réglementaire, pourraient générer de nouveaux obstacles en matière de renforcement des règles sanitaires et environnementales (par exemple sur les perturbateurs endocriniens ou sur les nouveaux OGM) ;
 dans le domaine sanitaire, certaines règles existantes pourraient être affaiblies du fait notamment de l’absence de mention explicite au principe de précaution. Le rapport mentionne notamment les règles sur la décontamination des carcasses, l’utilisation des farines animales et des promoteurs de croissance dans l’élevage ou la mise en œuvre effective du règlement européen sur les produits chimiques (REACH) ;
 le climat est enfin qualifié de « grand absent » de cet accord. Le secteur transport international constitue un véritable angle mort dans le CETA, alors même que c’est notamment par ce biais qu’il devrait engendrer une hausse des émissions de gaz à effet de serre. L’accord « pourrait en outre favoriser [les investissements] dans des industries polluantes comme les industries extractives et l’énergie, dont les pétroles issus des sables bitumineux, les activités minières ou la fracturation hydraulique ». Quant aux politiques publiques nécessaires pour mettre en œuvre l’Accord de Paris, elles pourraient être contestées par les investisseurs étrangers ou par le Canada, faute de garde fous efficaces ;
 dans le secteur agricole, outre les impacts négatifs pour l’élevage, le rapport pointe aussi le déficit de prise en compte des objectifs de développement durable.
Les experts ont formulé plus d’une vingtaine de propositions pour amender le CETA afin de prévenir efficacement ces risques. Malheureusement, le Gouvernement a écarté la piste d’une renégociation de l’accord et s’est contenté d’un plan d’action composé de mesures de suivi, d’évaluation et de transformation des accords futurs.
Cette stratégie est une stratégie perdante. Sans la menace réelle d’un vote négatif du parlement français sur le CETA, aucune des propositions du plan d’action qui nécessitent un soutien de la Commission et du Canada ne verront le jour. Et une analyse détaillée des accords qui suivent le CETA confirme à quel point il est difficile de changer des dispositions que nous avons acceptées avec les Canadiens, dont nous sommes pourtant si proches. Un rapport de l’ONG foodwatch montre par exemple que le principe de précaution n’est pas mieux protégé dans l’accord finalisé avec le Japon ou celui en cours de finalisation avec le Mercosur.
La mise en œuvre des recommandations du rapport Schubert est d’autant plus importante que le CETA pourrait bien être le dernier accord de commerce similaire soumis aux ratifications nationales. Pour le JEFTA (l’accord avec le Japon), la Commission européenne a ainsi choisi de sortir du projet d’accord ce qui relève de la compétence mixte, essentiellement le mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États renvoyé à un accord ultérieur.

Des doutes subsistent encore sur la légalité de l’accord
La Belgique a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne en septembre 2017 pour lui demander d’examiner la compatibilité du mécanisme d’arbitrage d’investissement avec le droit européen. Cette démarche vise à vérifier la légalité des dispositions relatives à l’arbitrage d’investissement. Cette justice d’exception, réservée aux investisseurs étrangers, contourne en effet les juridictions publiques nationales et européennes et pourrait de ce fait menacer l’unité de l’ordre juridique européen. Elle apparaît notamment incompatible avec la compétence exclusive de la CJUE pour interpréter le droit européen et le principe général d’égalité de traitement entre les investisseurs. Les Belges demandent en outre si toutes les garanties sont réunies en matière d’indépendance et d’impartialité, notamment en ce qui concerne les conditions de désignation, de rémunération et le code de conduite applicable aux « juges » de ce « système juridictionnel des investissements ». La CJUE a déclaré le 6 mars dernier la clause d’arbitrage d’investissement incluse dans
un accord similaire entre la Slovaquie et le Pays Bas incompatible avec le droit de l’Union. Cette décision devrait inciter les États membres à la prudence et à attendre l’avis de la CJUE sur le CETA avant de procéder à la ratification nationale de cet accord.

Par ailleurs une plainte constitutionnelle en Allemagne, est toujours en cours d’examen.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous demandons de ne pas permettre la ratification d’un accord aussi dangereux. En dépit de l’application provisoire de l’essentiel des dispositions du CETA depuis le 21 septembre 2017, la ratification nationale du CETA constitue une étape décisive. Votre vote sera en outre déterminant pour déclencher ou pas l’entrée en vigueur du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États.
Et au-delà du CETA, il sera tout aussi déterminant pour donner une chance à une véritable réorientation de la politique commerciale de l’UE, à commencer par l’absence de transparence pour le CETA qui justifie à elle seule que les citoyens soient maintenant consultés.

En comptant sur vous, nous restons à votre disposition pour toutes informations et échanges complémentaires.

Veuillez agréer...
Le comité local Attac Paris Centre