Chapitre 3 : Le naufrage de la solidarité européenne

Attac/Copernic-Cette Europe malade du néolibéralisme, 2019

Notes rapides.

1. Chapitre 3 : Le naufrage de la solidarité européenne

1.1 Constat :
Les forces nationalistes, ultra-autoritaires et xénophobes se renforcent en Europe et gagnent des pays qu’on croyait immunisés. Désormais, leur projet n’est plus de quitter l’Europe, c’est de la conquérir. Comment en expliquer la progression rapide sur tous les plans ?
Il faut d’abord noter qu’il s’agit d’un phénomène mondial (Duarte aux Philippines, Trump aux USA, Bolsonaro au Brésil, Netanyahou en Israel, Narendra Modi en Inde...) tous élus sur des discours de rejet.

1.2. Dynamisme néofasciste en Europe.
Crise politique profonde :
Crise d’hégémonie, c.a.d. crise de la capacité des classes dominantes à obtenir le consentement actif des populations. Défiance radicale vis à vis de l’ensemble des institutions politiques qui semblent non seulement incapables mais surtout responsables de la dégradation de la situatioConséquences de la grande transformation néolibérale (droite et sociaux démocrates) qui détériore la situation des classes populaires, fragilise de plus en plus les couches moyennes et a brisé le « compromis social » mis en place après la guerre et progressivement remis en cause depuis les années 80 en but de rétablir les taux de profit. Les classes possédantes progressent aux dépens des autres, et tout particulièrement des classes populaires salariées dont les revenus ont baissé.

Autre conséquence, moins visible, c’est l’affaiblissement des médiations politiques et idéologiques qui assuraient la stabilité de la domination capitaliste : partis, idéologies, religions, dont la disparition ouvre un espace pour l’antipolitique néofasciste.
Paradoxe, le capitalisme conquérant après 1989 est aussi très fragilisé par sa crise d’hégémonie. Mais cela n’avantage pas les forces d’émancipation car chômage, mise en concurrence, précarisation affaiblissent les solidarités effectives et rendent difficiles les alternatives progressistes.

C’est l’extrême droite qui en profite. Elle dispose désormais d’une audience électorale qui lui permet d’assurer ou d’envisager la prise de pouvoir politique.
Face aux contradictions et aux résistances, les gouvernements néo-libéraux réagissent par l’autoritarisme et les discours xénophobes. C’est se tirer une balle dans le pied, car ils reprennent et légitiment ainsi le discours de l’ED et participent à leur diffusion.

1.3. Une extrême droite hétérogène
Les partis d’ED progressent dans les élections avec des discours d’anti-élitisme, d’anti-cosmopolitisme, d’anti-intellectualisme, de nationalisme et de xénophobie.
Les programmes peuvent diverger : néolibéralisme brutal ou programmes sociaux plus keyneysiens (retraites, salaires, re-nationalisations, services publics). Mais toujours anti-syndicalisme, lutte contre l’assistanat, anti-altermondialisme, anti « droits de l’hommisme ».

Les positions sont mouvantes car ces partis se caractérisent par un opportunisme total. Ils prônent un anticapitalisme de façade quand ils sont dans l’opposition, mais ne s’en prennent pas à l’exploitation patronale et qui se réduit le plus souvent à la critique de la finance internationale (juive).
Peut importe les politiques sociales, leur projet n’est pas là. Ce qui les rassemble, c’est un projet idéologique, fondamentalement nationaliste : visée d’une régénération nationale qui débarrassera la nation de ses ennemis, purification ethno-raciale (les étrangers) et purge politique (militants de gauche et élites mondialistes).
Néofascisme basé sur le fantasme d’homogénéité ethno-raciale et qui veut les moyens ultra autoritaires pour y parvenir. Racisme et xénophobie consubstantiels à l’ED européenne : hostilité aux migrants et islamophobie.
Ils instrumentalisent les peurs liées aux attentats et la désespérance sociale. Ils profitent des politiques ultra libérales de l’EU pour expliquer que la « Nation » constitue la seule protection viable contre la mondialisation, la destruction des droits sociaux, la dégradation des conditions d’existence.
Discours défendant le « Nous » blanc, chrétien, contre « Eux », les mondialistes (du haut et du bas).

« Le défi contemporain pour les gauches européennes consiste à construire un bloc antagoniste ayant son centre de gravité dans les classes populaires et les groupes opprimés en portant conjointement une critique du néolibéralisme autoritaire et xénophobe, une stratégie crédible de conquête du pouvoir politique et un projet de transformation sociale » !

Il faut échapper à « la fausse alternative entre le poison néolibéral ou le cancer fasciste ».

1.4. Politique migratoire
Evocation rapide.
Voir les fiches Attac « Décrypter l’UE » : Fiche sur les questions migratoires

Conseil européen de Séville 2002 : priorité absolue à la lutte contre l’immigration clandestine. Politique d’asile limitée par l’obsession du contrôle des frontières européennes. Paradoxe : l’espace Schengen assure liberté, sécurité et justice dans l’espace intérieur, pendant que le traité de Lisbonne verrouille les frontières extérieures.

Les migrants sont considérés comme source de risques majeurs : fermeture frontière, restriction des visas, hotspots extérieurs, poursuite des clandestins, réduction du droit d’asile, nombreuses personnes laissées sans aide, internements et expulsion au mépris des droits de l’homme. Délire de l’application des accords de Dublin. Délire de la définition des « pays sûrs ». Renforcement des actes inhumains à l’extérieur (Lybie) : esclavage, tortures, rançons, viols...

Les gouvernements européens ne se démarquent guère du discours d’extrême droite qui se contente de les accuser de leurs manque de résultats.
La politique de fermeture des frontières entraîne la violation des droits internationaux : droits de circulation, droit d’asile, protection des mineurs, sauvetage en mer...
Résumé par François Crépeau, rapporteur aux Nations unies, en 2014 : « Laissez les mourir, ça les dissuadera ! ».

1.5. Focus sur l’Italie.
L’affrontement entre le gouvernement italien de Salvini et l’UE ne porte pas sur sa politique raciste et sa chasse aux migrants, mais porte sur le budget et la remise en cause des accords budgétaires de Matteo Renzi.

Nouveau budget : mélange néolibéralisme (amnistie fiscale et flat tax pour la Ligue) et mesures sociales (revenu minimum, baisse âge retraite pour les 5 Etoiles).
Malgré un déficit prévu inférieur aux 3 %, L’UE s’inquiète
 de l’inflation de la dette italienne (la + élevée de l’UA après la Grèce, mais qui reste soutenable car l’Italie peut encore emprunter à des taux favorables)
 de l’accroissement du déficit structurel
L’UE retoque ce budget, mais après négociations, un compromis est trouvé en déc 2018 après report et abaissement des mesures sociales par Salvini, désavouant la ligne plus sociale des 5 Etoiles.

MG.

Petits complément sur les extrêmes droites et Europe