Chapitre 2 : L’euro, Monnaie unique incomplète, instrument de la domination néo-libérale

Attac/Fondation Copernic - Cette Europe, malade du néolibéralisme. L’urgence de désobéir.

Chapitre 2 : L’euro, Monnaie unique incomplète, instrument de la domination néo-libérale

La crise de la zone euro n’est pas simplement une conséquence de la crise financière internationale.
Elle a pris une telle ampleur, entre autres à cause de :
• divergence des trajectoires économiques entre les pays
• emprise des marchés financiers sur les dettes souveraines
• Impératifs budgétaires des traités
L’euro, la monnaie unique, telle qu’elle a été construite, est l’un des instruments de domination du néolibéralisme dans l’Union.

Avant 2008 : aveuglement des dirigeants qui fêtent les 10 ans de l’euro.
Zapatero : « Notre économie fait rêver les français, les anglais, les italiens et les allemands. Notre croissance dépasse celle de l’UE et des États-Unis, la création d’emploi est permanente, la progression de notre pays ne peut être arrêtée. »
La commission reconnaît des disparités économiques entre les pays, mais déclare que c’est parce que « les réformes structurelles ont été moins ambitieuses après la mise en circulation de l’euro ».
Il est pourtant admis aujd’hui que la mise en place de la monnaie unique a manqué de cohérence.
L’euro est présenté comme un dispositif purement fonctionnel pour réduire les coûts de transaction et éliminer l’incertitude des taux de change alors qu’il s’agit essentiellement d’un projet politique.
D’entrée de jeu, la zone monétaire est sans mécanisme de régulation et livrée au libre jeu des marchés financiers, censés assurer par eux-mêmes cette action régulatrice.
Or la monnaie n’est pas un simple instrument marchand, c’est aussi une institution sociale et politique.

La question des différentiels d’inflation entre pays membres devient primordiale : dans le cadre d’une monnaie unique, tout surcroit de hausse des prix est synonyme de hausse relative des prix et donc de perte de compétitivité.

Que faire dans un tel cas ?
La solution des économistes de l’OFCE :
( Wikipédia : L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est un organisme indépendant de recherche, de prévision et d’évaluation des politiques publiques créé par l’État en février 1981, à l’initiative du Premier ministre Raymond Barre, au sein de la Fondation Nationale des Sciences Politiques. Il est généralement classé à gauche sur le plan politique.)

  • Accepter que ces pertes de compétitivité induisent une forte croissance du chômage qui ferait pression sur le niveau des salaires, et donc permettrait à terme d’améliorer la compétitivité.
    Mais ne pensent pas à :
    Une harmonisation des législations fiscales et sociales permise et accompagnée par des transferts financiers entre États ou par un budget européen conséquent.
    Cela aurait été une réforme structurelle du marché du travail : protection des salariés, garantie de l’emploi décent.
    Le projet de traité constit. de 2005 mentionne à 12 reprises la clause « à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ». Dispositions refusées par le vote, revenues par la fenêtre avec Traité de Lisbonne 2007.
    Politique menée décrète que dans le cadre de la monnaie unique, il faut dévaluer les salaires pour retrouver de la compétitivité. C’est un choix politique qui implique le refus de la solidarité et l’impossibilité de l’action des finances publiques.
    Mettre en concurrence, dans une zone monétaire unifiée des États dont les niveaux de productivité, fiscalité, salaires, protection juridique et sociale des salariés différent : c’est aller vers la divergence assurée des économies.
    Pendant toute cette période, bien que rendue invisible par les mouvements de capitaux, la fracture Nord-Sud s’agrandit.

La crise de 2008 panique les dirigeants, qui renflouent les banques en difficulté : 11 000 milliards de $ pour les USA, 700 milliards d’euros pour l’UE + politiques de soutien à la consommation.
Mais dès 2010, les dirigeants européens prennent un virage à 180° : politiques d’austérité d’une violence inouïe.
Il est strictement interdit au système européen des banques centrales de financer un déficit public (contrairement aux banques centrales britannique, américaine, et japonaise).
Ça laisse le champ libre aux marchés financiers qui décident seuls s’ils prêtent à un État, et à quel taux.

Exemple grec : volonté des institutions européennes de sauver les banques au détriment de la population. Faire exemple pour empêcher toute tentative de rompre avec le système néo-libéral.
Au départ, en 2012, Syriza prévoit l’annulation des mesures d’austérité, la suspension du paiement de la dette, la socialisation des banques. Et aussi des mesures sociales : rétablissement salaire minimum, conventions collectives, lutte contre l’évasion fiscale, arrêt des privatisations : un programme qui aurait néc essité une confrontation avec les institutions européennes.
Malheureusement :
• Reflux démocratique au sein du parti
• Augmentation du pouvoir du pdt du parti
• Décalage entre le programme et son application par le gvt
• Attitude contradictoire de Tsipras qui combine dans ses discussion avec l’Eurogroupe contestation radicale des institutions européennes et respect absolu des règles de fonctionnement de cette institution.
Référendum du 5 juillet : le vrai but n’est pas de soutenir le gvt dans sa désobéissance vis à vis de la troïka, mais de justifier un 3ème mémorandum.
3ème mémorandum : hausse de la TVA, recul de l’âge de la retraite à 67 ans, baisse des retraites des fonctionnaires… et surtout un contrôle accru des uinstitutions euro sur les décisions du parlement et du gvt.
75% des « aides » de la Troïka servent à refinancer de manière déguisée les banques privées.

  • Opération énorme de transfert du public vers le privé.

La crise s’aggrave, et en 2016 : la BCE se résigne à racheter des titres souverains, jouant ainsi le rôle de prêteur en dernière instance des États qu’elle s’était jusqu’ici interdit.
Elle a donc violé l’esprit des traités qui lui interdisent de financer des États .
Ces mesures prises par la BCE reviennent à distribuer de l’argent aux banques en espérant que celles-ci prêtent aux entreprises et aux ménages afin de relancer l’activité économique.
Mais faute de demande, l’argent de la BCE est peu injecté dans le circuit économique.
Les liquidités sont en grande partie conservées sur les comptes des banques à la BCE.
Le risque est grand si les banques se mettaient à prêter l’argent de la BCE pour des usages financiers (rachat d’actions, fusion-acquisitions) d’une nouvelle bulle financière.
Finalement, la BCE a montré à ses dépens qu’une autre politique est possible, et a fait apparaître la totale incurie des institutions européennes auxquelles elle s’est substituée.
La crise en Europe a pris la forme d’une crise des dettes souveraines, due au refus de mutualiser les dettes.

Aujourd’hui : le système bancaire n’est pas purgé.
Les banques systémiques de la zone euro (Wikipedia : les banques systémiques sont des banques dont les activités sont tellement importantes et variées que leur hypothétique faillite aurait nécessairement un effet très négatif sur la finance mondiale (BNP, HSBC…et bien-sûr Lehman Brothers).)
sont en moyenne moins capitalisées que les autres, ce qui représente un danger pour le système. Car ces banques sont en relation étroites avec des établissements financiers hors contrôle (shadow banking), le même type d’établissements qui ont permis la crise des sub-primes.

Le danger d’une nouvelle crise est donc toujours présent.
En 2017, les institutions européennes avaient d’ailleurs préconisé de transformer les prêts hasardeux en actifs financiers échangeables sur le marché en passant par le shadow banking. Ainsi, elles transféraient le risque sur un tiers et n’auraient pas eu besoin de provisionner.

Pour faire face au risque de crise bancaire, les autorités européennes créent en 2014 l’Union Bancaire Européenne :
• BCE superviseur unique des grandes banques
• Système européen de garantie de dépôt
• Mécanisme commun de résolution des crises bancaires.
But :
• renforcer la solidarité entre pays en cas de crise
• faire payer aux actionnaires plutôt qu’aux contribuables le coût des défaillances bancaires.
De beaux principes, mais qui ont peu de chance d’aboutir :
• les ressources prélevées aux banques pour alimenter le fonds européen de résolution s’élèveront à 60 milliards d’euros en 2026. C’est ridicule sachant que la seule BNP Paribas a un bilan supérieur à 2000 milliars d’euros.
• L’Allemagne refuse de payer pour les pays du sud, et a obtenu que les mécanismes de solidarité soient fortement réduits.

Et maintenant ?
Avec le retour à la normale du marché monétaire (après la crise), les tensions masquées par la politique monétaire exceptionnelle vont ré-apparaître. Les motifs de sortie de la zone euro vont s’amplifier en même temps que cette sortie devient de plus en plus aléatoire.

Sauf à se résigner à une explosion économiquement et socialement désastreuse, il ne reste qu’une solution : désobéir aux traités.