Débat avec Susan George sur le pouvoir des multinationales

Attac Paris Centre.

Compte-rendu du débat du 18 mars 2015 avec Susan George sur le pouvoir des multinationales

A partir de ses derniers livres :

  • - Les usurpateurs : Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir (Seuil, 2015)
  • - Cette fois, en finir avec la démocratie : Le rapport Lugano II (Seuil, 2012)

Principaux thèmes abordés lors de l’intervention de Susan George et du débat.

Sur le TAFTA (Traité Transatlantique) nous sommes engagés dans une bataille que nous pouvons gagner, comme nous avons gagné contre l’ AMI (Accord Multilatéral sur les Investissements).
Ce traité entre l’Europe et les Etats-Unis est en préparation depuis 20 ans par les plus grosses entreprises des 2 côtés de l’Atlantique. Susan George utilise le terme « transnationales », plutôt que « multinationales » pour les désigner.
Le texte du traité est rédigé dans le plus grand secret, seuls quelques députés européens, membres de commissions peuvent le consulter, sans avoir le droit de prendre de notes.
Pour Attac, le traité n’est pas amendable, il doit être supprimé.
L’Observatoire des Entreprises à Bruxelles a obtenu la liste des réunions préparatoires au TAFTA. La Commission a tenu plus de 120 réunions de préparation dont 93% avec les industries et/ou leurs lobbyistes, ce qui laissait 7% pour les écolos, les syndicats, les consommateurs etc.. Le citoyen est évacué.
Depuis 1975, les entreprises se sont réunies par groupes pour essayer d’obtenir les mêmes régulations des 2 côtés de l’Atlantique. Le Transatlantic Economic Consil a pour objectif l’intégration et le renforcement du secteur privé.

Le libre échange est un affichage, mais a peu d’importance car les tarifs douaniers sont de l’ordre de 1% à 2% , sauf pour l’agriculture. L’agriculture américaine totalement industrialisée ayant une très haute productivité , l’abaissement des droits de douane serait catastrophique pour les européens.

L’important c’est l’investissement. De très nombreux traités bi-latéraux sur l’investissement, donnant tous les droits aux investisseurs ont été signés depuis que l’OMC est en veilleuse.
Les entreprises veulent l’ISDS - tribunaux où les investisseurs peuvent porter plainte contre les états sans que la réciproque soit vraie, pas de procédure d’appel. C’est une privatisation du judiciaire ! Entre les USA et l’ Europe la situation ne le justifie pas : 3 billiards d’investissements ont été réalisés, sans plainte.
Quelques exemples de litiges : Philipp Morris contre l’Australie sur la présentation des paquets de cigarettes ; en Egypte lors de l’instauration d’un salaire minimum Veolia porte plainte pour atteinte à la stabilité de l’environnement...
Un traité est supérieur à la loi nationale et à la Constitution.
Jusqu’ici plus de 560 litiges, décision pour 280 d’entre eux , l’entreprise a gagné 30 %, l’état 1/3 et pour le reste, entente hors tribunal où l’état a payé.
Pour contraindre les états à payer : menaces de stopper les investissements, saisies de bateaux et de marchandises...
Le Brésil n’a pas signé ce type de traités.
Si un état veut prendre des dispositions législatives : ex la Slovénie qui veut ré-étatise la santé publique, il se fait attaquer par des entreprises.

Les régulations. Les entreprises pensent que c’est coûteux de répondre à 2 types de régulations.
Il existe deux philosophies très différentes : aux USA, la charge de la preuve est au régulateur ; en Europe, principe de précaution, la charge de la preuve est à la firme, dans le doute on s’abstient.
Un exemple, la directive REACH a interdit 1200 produits, aux USA depuis 1966 on en a interdit 12.
Pour la finance, la régulation américaine est un peu meilleure.
En plus, les directions d’entreprises veulent un accord évolutif, auquel on peut ajouter des dispositions dans le futur.
L’application du traité est prévue à tous les niveaux : état, régions, communes.

Comment justifie-t-on tout ça ?
L’Europe a fait faire une étude par un centre londonien qui a conclu qu’avec le traité l’on peut s’attendre à 580 dollars de plus pour chaque famille européenne en 2027 et à des créations d’emploi. Ce qui est mis en avant est l’hypothèse haute supposant que toute personne qui perd son emploi en retrouve un.... Un économiste américain qui prend un autre modèle arrive à des gains négligeables et 600.000 emplois perdus dont 130.000 pour la France.

Géopolitique. Les États-Unis négocient un traité côté Pacifique, s’ils arrivent à signer les 2 traités, ils sont en position favorable face à la Chine et aux BRICS.

Mise en œuvre des traités. Le CETA (traité Europe-Canada) est paraphé, on peut donc lire le texte. Il doit passer à la phase de la mise en forme juridique. Selon la classification de l’accord (mixte ou non) il doit être voté seulement par le parlement Européen ou en plus par chaque pays.
« L’application provisoire » est un procédé particulièrement néfaste qui consiste à commencer à appliquer un traité avant sa ratification.

Pour la première fois un mouvement européen fonctionne dans toute l’Europe. L’initiative Européenne (ICE) contre le TAFTA en est à 1,6 millions de signatures et les pays de l’Est commencent à signer.
La coalition Anti-TAFTA insiste sur la signature des 2 pétitions (ICE) et Hors TAFTA.
Aux USA un combat est mené pour que la voie rapide soir refusée au Président.

Comment lutter contre les traités ?
Il faut mettre ceux qui_soutiennent le traité en face de leurs contradictions. Pourquoi a-t-on besoin d’un ISDS entre des pays qui ont des systèmes judiciaires non corrompus ?
La Commission Européenne a peur et a engagé des débats par secteurs.
Le Gouvernement français avait engagé un Groupe de concertation avec la société civile sur le TAFTA. ; Attac et d’autres organisations viennent de claquer la porte.
Hier l’Attaché de cabinet du Ministre du Commerce a contacté Susan George car le Ministre souhaite la rencontrer sur l’ISDS.
Le 18 Avril, Journée Mondiale contre les ALE (Accords de libre Échange) Susan George sera à Montreuil.
Le gouvernement grec s’est déclaré contre le TAFTA.
Quelques pistes ont été avancées au cours du débat :
 Quelles actions structurelles pouvons-nous mener pour changer la façon dont les décisions sont prises ?
 Argumentation de base pour faire passer les droits de l’homme avant le commerce et une autre façon de mener les négociations commerciales ?
 Développer les actions auprès des élus et aussi dans la rue
 Dénoncer les pressions directes des lobbies bancaire et industriel sur le pouvoir en France.

CR par Claude Bohain