Chronique d’une victoire improbable. La belle et véridique histoire du 57 bd de Strabourg – Paris Xème

Une lutte que nous avons soutenue dès le début.

Chronique d’une victoire improbable

La belle et véridique histoire du 57 bd de Strabourg – Paris Xème

I - Le cadre : une zone de non-droit en plein coeur de Paris
Autour de la station de métro "Château d’eau", dans le Xème arrondissement, se sont établis 80 salons de coiffure et d’onglerie pour une clientèle africaine, venant de toute l’agglomération parisienne.
Les employées de ces salons, pour la plupart non déclarées :
travaillent 10 heures et plus par jour dans des conditions d’hygiène à la limite du supportable.
Sont payées à la tâche pour gagner au total 500 à 600€ par mois, et qu’il leur faut trop souvent "mendier" au gérant.
La grande majorité de ces salariées sont des "sans papiers" arrivées récemment et donc, en principe, non régularisables.

II – Le mouvement : une longue lutte aux nombreuses batailles

Avant le 57, en 2013/2014, il y avait eu le 50 (cf., le récit de Sylvain Pattieu : "Beauté Parade") : leur patron "envolé", les 4 à 5 employées, présentes de longue date, avaient occupé et fait "marcher" leur salon pour, au final, obtenir leur régularisation.
A partir de juin 2014, ce sont les 18 salariées du 57 qui, faute d’être payées sont entrées en grève à leur tour en occupant leur lieu de travail.
Grâce à la pression de la CGT et de l’inspection du travail, elles obtiennent le paiement d’une partie de leurs salaires en retard et la signature de contrats de travail.
Mais le patron riposte : il se met en liquidation judiciaire ; le salon est fermé tandis que les filles et les gars (il y en a quelques-uns parmi les employés) continuent l’occupation.
La CGT dépose alors une plainte pour "trafic d’êtres humains et mise en situation d’esclavage" : aucune réaction, ni de la magistrature, ni de la police.
Des tentatives d’intimidation interviennent alors, sans doute télécommandées par quelque parrain de la "maffia" locale : pavés dans la vitrine, menaces de "décapitation" sur une camarade. Plainte a été déposée.
A la suite de dures négociations avec le cabinet du ministre de l’intérieur et de différentes interventions de personnalités politiques, tandis que l’occupation se poursuit, ponctuée de rassemblements et manifestations, on apprend la régularisation de 4 des filles, puis, la tentatives de division ayant échoué, le régularisation de toutes et tous.
C’est la fête : sur place d’abord avec les filles et les gars (merci Fatou et les autres) ; puis à la mairie du 10ème avec tous ceux qui s’étaient mobilisés (merci Eric et ses semblables).
On est à la mi-avril 2015, après 10 mois de lutte ininterrompue.

III – Le bilan : les leçons à en tirer
A – Combiner différents moyens et plans de lutte avec une direction unique, celle du syndicat (merci Marylin – UDCGT de Paris)
à la base, le soutien matériel et moral au quotidien des militants dévoués (merci Elie) ; et les réunions régulières de sympathisants dans des rassemblements et manifestations qui relancent le mouvement
développer l’echo médiatique de la lutte : la plupart des grands quotidiens ont consacré des articles importants à notre lutte ; et le collectif de cinéastes a réalisé un court métrage à son sujet, visibles dans de nombreuses salles (merci Romain Goupil)
faire intervenir des personnalités politiques, en particulier les plus directement concernés, pour faire du "lobbying" sur le centres de décision gouvernementaux (merci Rémi Féraud, Didier Le Reste, Seybah Dagoma, Marie-George Buffet)
B- Pratiquer une unité à la base, sans exclusive aucune
union sacrée entre militants syndicaux, politiques et associatifs : chacun apportant sa dimension propre au mouvement
en ce qui concerne les partis politiques, étant entendu que cette unité est ponctuelle, limitée à un problème, un espace et un temps, elle permet aux militants d’oublier leurs préjugés, de débattre sans polémique, et de s’entendre sur le plus petit commun dénominateur. Elle ouvre ainsi la voie à des regroupements, pourvu que vive une véritable union de la Gauche.

François Maréschal – avril 2015