La crise de l’agriculture

, par René Rochange

La crise de l’agriculture

La longue liste de promesses déroulée par Gabriel Attal satisfera sans doute la FNSEA et la JA – cogestionnaires, pour ne pas dire plus, de la politique agricole française – mais ne résoudra en rien les problèmes de la majorité des paysans, parce qu’elle ne remet pas en cause le modèle agricole français. Celui-ci est basé sur la recherche forcenée des rendements (par la taille des exploitations, par les intrants et la mécanisation), ceci au prix de la stérilisation des sols (qui, justement, limitent ces rendements !), de l’effondrement de la biodiversité, de la surutilisation et de la pollution de l’eau, de la mise en danger sanitaire de l’ensemble de la population et en premier lieu des agriculteurs eux-mêmes … et d’un endettement, insoutenable par la plupart des intéressés.

Cette crise remet sur le devant de la scène médiatique deux questions étroitement liées : la place capitale de l’agriculture et le problème de l’alimentation. Les manifestants ont abondamment – et justement – communiqué sur ce dernier thème, de nombreux panneaux rappelant « C’est nous qui vous nourrissons ». Evidence qu’il était bon de souligner …

ATTAC Béarn avait été moteur dans la création du collectif Stop TAFTA, devenu ensuite Stop CETA, et qu’il faudrait rebaptiser Stop ALE, tant l’histoire montre que ces Accords de Libre-Echange sont, à des variantes près, des démolisseurs opiniâtres de la paysannerie – et ceci dans tous les pays contractants. Seules, les grandes exploitations exportatrices peuvent y trouver leur compte (ce qui explique le silence prudent de la FNSEA, dominée par ce secteur, et dont le président lui-même possède 700 hectares et préside par ailleurs un géant de l’agro-industrie). Emmanuel Macron s’est prononcé (pour le moment …) contre l’Accord de Libre Echange avec le Mercosur, mais a approuvé plusieurs ALE, dont le dernier, avec la Nouvelle-Zélande, nous promet l’importation de 38 000 tonnes de viande ovine, 10 000 de viande bovine, 15 000 de beurre, 25 000 de fromage et 15 000 de lait en poudre … dont nous n’avons aucun besoin et qui devront parcourir 20 000 kilomètres pour concurrencer nos éleveurs ! Quel bilan ! Malgré nos campagnes auprès des élus ou du public, ce collectif n’a pas trouvé l’écho qu’il aurait dû avoir, la Presse locale n’a jamais publié nos communiqués. Les manifestations récentes ont fait ressortir ce problème, peut-être faudrait-il relancer ce collectif ?

L’alimentation est devenue un sujet brûlant, et pas seulement à cause de cette crise : la précarité alimentaire atteint des sommets inédits - et scandaleux dans notre pays riche : on considère que 1,2 million de personnes ne mangent pas à leur faim en France, l’aide alimentaire concerne 5,5 millions de personnes, chiffre qui a doublé en dix ans, de telle sorte que les Restos du Cœur, les Banques Alimentaires … ne sont plus capables de faire face.. Notre comité local fait partie, avec la Conf’, d’un Collectif SSA Béarn qui s’attelle au projet de Sécurité Sociale de l’Alimentation. L’objectif premier de la SSA est de déclarer un droit universel à une alimentation choisie et de déterminer les moyens de concrétiser ce droit. Cela passera par un financement par des cotisations, et par un conventionnement des produits. Si on ne peut évidemment pas prédire ce que décideront les instances démocratiques, formées sur le modèle des Conventions Citoyennes, on peut raisonnablement penser qu’elles choisiront des produits sains, locaux, respectueux de la santé et de l’environnement, en concertation avec les producteurs. Cela changerait fondamentalement les règles du marché. Pour le moment, le chiffre communément admis est d’attribuer 150 euros par personne et par mois, ce qui suppose un budget annuel de 120 Milliards d’euros : une somme considérable ! Cela assurerait une visibilité bienvenue à un réseau de producteurs, dans un échange inversé : ce seraient en quelque sorte les « mangeurs » qui passeraient commande aux paysans ! Ce projet permettrait donc de changer en profondeur le modèle agricole, pour le plus grand bénéfice des consommateurs et des agriculteurs. On peut espérer des embauches dans un monde paysan mieux rémunéré, de la diversité et de la qualité dans les produits, une avancée dans la souveraineté alimentaire ...

L’explosion de la colère agricole aura eu le mérite de mettre en lumière ces deux combats : contre les ALE et pour la SSA !

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