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Consultation Charte pesticides : Fausse concertation et vraie arnaque

La chambre d’agriculture propose sur son site de participer à la consultation publique pour une « Charte d’engagements départementale des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques 2020 ». Une fois de plus, gouvernement , représentations territoriales et chambres consulaires s’associent pour nous faire croire à de la concertation quand ils font du passage en force. En plein confinement Covid-19 de plus. Le CADE a d’ores-et-déjà répondu au préfet et a contacté la presse. Il propose également une réponse détaillée que nous vous proposons in extenso.

Le CADE dénonce les conditions de rédaction, de consultation et d’intentions de cette charte :

– Seules la FNSEA et la FNJA qui défendent une agriculture intensive et le renforcement de l’utilisation des pesticides de synthèse ont été consultées. Ni la Confédération Paysanne ni EHLG, et encore moins les associations de défense de l’environnement et de consommateurs n’ont été associées. C’est la chambre départementale d’agriculture qui élabore la charte et désigne les membres du comité de suivi !

– Quant à la consultation publique, le projet n’est consultable que sur le site de la Chambre d’Agriculture sans garantie de la promotion de cette consultation, sans garantie sur le traitement des données, sans garantie sur le contrôle des intervenants qui peuvent visiblement faire des réponses multiples. Nous n’apporterons donc aucun crédit aux conclusions de cette consultation.

– Cette charte au final fait fonction de réglementation.

En ce qui concerne les points techniques abordés par cette charte :

Les distances de sécurité:

Nous rappelons que l’arrêté du 27 décembre 2019 fixant de nouvelles distances réglementaires revoyait déjà à la baisse les prescriptions de sécurité émises par le CGEDD et que la charte entérine l’application immédiate de nouveaux chiffres de distance de sécurité fournis sans support scientifique avant la validation de la consultation publique.


« Avis » du CGEDD** Arrêté du 27/12/19 Dérogation actuelle
(03/03 /20)
Cultures basses 10m 5m
(ou 3 m avec DAD*)
3 m
Viticultures
20m
5 ou 3 m
Cultures hautes ,arboriculture 50m 10 m
(ou 5 m avec DAD)
5 m
Produits dangereux

20 m
(ou limite citée / AMM)

*DAD :
dispositif anti-dispersion, système de buses des rampes d'épandage
pour éviter une dispersion trop importante
**CGEDD :
Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable

Les pesticides de synthèse :

Il existe un flou opaque dans l’attribution ou le retrait des AMM (autorisation de mise sur le marché) de ces substances qui déterminent aussi les distances de sécurité avec une seule constante : l’absence d’études d’impact dans le temps sur l’évaluation de la toxicité des molécules, l’absence de garantie de non-toxicité et surtout la prédominance des voix des laboratoires. Ces dernières font régulièrement l’objet de dénonciations par les associations de défense de l’environnement et par les services spécialisés. Des pesticides de synthèse comme le metham sodium ont ainsi été interdits (provisoirement) après l’intoxication de plus de 80 personnes en 2019 alors que l’AMM était validée. Autre exemple de cette fragilité, ce sont 34 AMM qui ont été retirées en 2019 (bulletin ANSES 2019), et pourtant, si des distances de sécurité figurent sur ces documents, elles dérogent à la réglementation même si elles sont moins strictes.

Ambitions de cette Charte, propositions de la FNSEA et de la FNJA :

– Respecter la réglementation en vigueur. Ce en quoi nous leur sommes gré !

–  Supprimer les ZNT aux abords des bâtiments à occupation irrégulière, si le bâtiment est inoccupé dans les 2 jours suivant le traitement. Ce point est clairement impossible à contrôler et à mettre en place, faudra t-il prévenir de notre absence « je reviens dans 2 jours » ? Mettre des caméras de surveillance ?

– Inclure la ZNT à l’intérieur des grandes propriétés, et non sur la parcelle agricole, dans les zones non régulièrement fréquentées. La notion de « grande propriété » n’est pas définie, et l’usage de ces zones « non fréquentées » non plus. Cet article est à nouveau un blanc-seing fourni à l’agriculteur pour traiter comme il le souhaite aux abords des bâtiments.

– Pour les projets de bâti, de laisser à la charge du porteur de projet de mettre en place cette ZNT ce qui est incohérent avec l’arrêté du 27/12/19. Cela équivaut à un report de responsabilité : au propriétaire d’assurer sa sécurité. C’est également renié le principe constitutionnel du pollueur-payeur.

– Proposition d’appliquer la réduction de distance des ZNT selon l’annexe 4 de l’arrêté du 27/12/19. Cette annexe impose une obligation de moyens mais pas de résultats. En effet, les caractéristiques des équipements pour réduire la dérive des pesticides ne sont pas précisées et aucun contrôle de l’efficacité de ces équipements n’est prévu. Mais, un budget de 25 millions d’euros est prévu pour financer de « meilleurs »pulvérisateurs !

– La chambre départementale d’agriculture qui élabore la charte désigne les membres du comité de suivi : « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ».

En l’état, et face à l’ensemble des problèmes le CADE demande :

– le retrait de cette charte partiale de la consultation publique,

– une rédaction collégiale d’une nouvelle charte impliquant l’ensemble des représentants du monde agricole, les associations de défense de l’environnement, et des représentants des riverains,

– dans cette attente, l’application du principe de précaution et donc des distances de sécurité retenues par le CGEDD.

– le lancement à l’échelle nationale et dans les plus brefs délais d’une étude scientifique indépendante sur la dérive des pesticides après épandages afin de disposer de données fiables,

– une remise à plat des AMM par des organismes indépendants pour interdire le plus rapidement possible les produits dangereux,

– la mise en place d’un SIG (système d’information géographique) permettant de connaître précisément, zone par zone, l’impact de ces distances de sécurité sur les traitements pesticides. L’argument de la charte concernant le « mitage de l’habitat » n’apporte en effet aucun élément fiable permettant une évaluation de l’impact des décisions à prendre.

Cette parodie de consultation proposée par la FNSEA et FNJA est donc partisane, sectaire, sans fondement scientifique, sans prise en compte du principe de précaution et fragile quant à sa mise en œuvre. Ils proposent de respecter, éventuellement, la réglementation en vigueur en rognant sur les bordures pour consolider et libérer de toute contrainte le plein champ. De plus, elle intervient dans un contexte de confinement qui ne permet pas une consultation large. Enfin, nous dénonçons l’influence de lobbies puissants et l’absence de contrôle des pratiques agricoles avec une impunité quasi systématique des cas de mauvaise pratique en matière d’épandage de pesticides.

Surtout, le CADE rappelle son engagement auprès des agriculteurs et notamment d’EHLG (voir ici leur avis sur cette charte) pour « sortir des pesticides », proposer des techniques pour adapter leurs pratiques en conséquence, et mettre en place « un véritable plan de transition » vers une agriculture durable et écologique. Plus généralement, le CADE s’associe à tous les mouvements agricoles pour un changement sociale et écologique qui remette la santé, l’environnement, l’agroécologie au centre des pratiques agricoles. Dans ce cadre, proche ou loin des habitations, les pesticides de synthèse n’ont plus leur place et les seules questions auxquelles nous souhaitons répondre sont les conditions de leur interdiction définitive.