Emmanuel Macron invente le « travail jetable »

mardi 12 septembre 2017, par Attac France

Emmanuel Macron dit vouloir « libérer le travail » par ses ordonnances, et il n’y a pas de raison d’en douter. Mais dans sa vision du monde, la liberté du travail c’est sa liquidité. Le travail doit être négociable à vue, achetable et jetable d’un clic de souris comme un titre financier. Micro-jobs en Allemagne, contrats « zéro heure » en Grande-Bretagne, plates-formes de « jobbing » autoproclamées « économie collaborative », figurent ce rêve qu’il conviendrait de généraliser.


Tribune initialement publiée sur le HuffPost

Le fil rouge de ces ordonnances est le travail jetable. La possibilité exorbitante, offerte par la loi El Khomri, de licencier en cas d’une simple baisse conjoncturelle du chiffre d’affaires ou même de la trésorerie, aurait pu satisfaire les aspirations patronales à la flexibilité. Loin de là ! Le pouvoir de l’employeur de se séparer du salarié doit désormais être sans limites. Pour faciliter les licenciements abusifs, on réduit les délais de recours, on plafonne les indemnités prudhommales et on réduit les planchers existants. On autorise l’employeur à ne pas motiver clairement le licenciement, à charge pour le salarié licencié de contester cette irrégularité. On reconnaît aux multinationales prospères le droit de licencier en France si elles y ont déclaré des pertes. En cas d’accord d’entreprise moins favorable que le contrat de travail, on autorise un licenciement « sui generis », sans aide au reclassement, des salariés concernés. On invente la « rupture conventionnelle collective », là aussi sans aide au reclassement, pour sécuriser les plans de « départs volontaires ». On satisfait la vieille revendication patronale du « contrat de projet », sans terme précis ni indemnité de précarité.

Quant aux dispositions supposées « renforcer le dialogue social », la plupart d’entre elles participent de cette flexibilisation en contournant les syndicats et en réduisant les moyens des représentants du personnel.

C’est une vision du travail très particulière que portent ces ordonnances et le patronat qui les a écrites. Un facteur de production abstrait et anonyme qu’on achète en juste-à-temps, qu’on dirige pour que sa production dégage le taux de profit désiré par les actionnaires et qu’on jette dès que son coût affecte ce taux de profit.

Pourtant le travail réel, celui qui permet l’efficacité productive et la qualité des produits et des services, n’a rien à voir avec ça. Tous les observateurs du travail le savent : les salarié.e.s, pour atteindre les objectifs fixés par le management, doivent en général déployer des trésors méconnus d’ingéniosité. Sans l’engagement des travailleurs, les consignes resteraient lettre morte. Sans leur expérience, sans leur coopération, sans leur attention aux équipements, sans leur liens avec leurs collègues, sans leur dévouement aux clients, rien ne serait possible, ni qualité, ni compétitivité, ni profit.


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