Tribune pour une école pensée : abrogation de la réforme des lycées

Les enseignants du lycée Honoré de Balzac 14 décembre 2018

2650 suppressions de postes dans les collèges et lycées à la rentrée 2019, pour des effectifs élèves qui, selon les chiffres du Ministère, doivent augmenter d’environ 30.000 élèves par an jusqu’en 2022 !

Refuser les suppressions de poste au sein de l’école, c’est refuser une logique de privatisation masquée de l’éducation. Les pires principes qui traversent et détruisent les conditions de travail au sein du secteur privé s’ancrent encore plus au cœur de l’école. Courte vue, concurrence, performance à tous les niveaux, flexibilité, rentabilité, management paternaliste, le mépris pour le travail des élèves et des enseignants sont en effet à l’œuvre derrière les réformes.

Les réformes qui touchent aujourd’hui le lycée professionnel comme le lycée général naissent de logiques comptables, budgétaires et non pédagogiques. Diminuer les horaires de l’enseignement général en lycée professionnel n’aura aucune vertu émancipatrice pour les élèves, et rendra leur accès à l’enseignement supérieur plus difficile encore qu’il ne l’est aujourd’hui. La diminution touchera également les matières générales de l’enseignement technique et l’enseignement général dans son ensemble.

Car la réforme ne parle pas de pédagogie mais d’économies : la nouvelle organisation du lycée est ainsi la conséquence plus que la cause de la volonté de supprimer des postes. La suppression des séries L/ES/S vise avant tout à diminuer le nombre de classes, en regroupant les élèves, et donc le nombre d’enseignants. La suppression du nombre de postes augmentera nécessairement le nombre d’élèves par classe : attendons-nous à atteindre le seuil de 35 partout, dans toutes les disciplines, à tous les niveaux.

La réforme met en concurrence des lycées généraux entre eux, par la palette plus ou moins réduite des spécialités qu’ils offriront aux élèves. Elle met aussi en concurrence les disciplines au sein de chaque lycée, tant du fait de spécialités mal définies (histoire-géographie-géopolitique-science politique) que parce qu’un misérable volant de 12 heures en Seconde et 8 heures dans le cycle Terminal est censé financer tout à la fois : les options, l’aide personnalisée, l’aide à l’orientation et les dédoublements ! La fin des dédoublements est ainsi mécaniquement annoncée, ce qui nuira évidemment aux élèves les plus fragiles. Tout cela défait le tissu éducatif. Ce n’est pas la paix que porte cette réforme du lycée.

Une spécialisation accrue des élèves (deux spécialités en Terminale au lieu de trois dans les séries actuelles), à rebours des exigences du marché du travail dont les transformations demanderont au contraire une grande capacité d’adaptation fondée sur une large culture générale. Des choix décisifs seront à faire dès la Seconde en fonction des « attendus » des formations supérieures, ce qui est fort précoce : les élèves n’auront plus droit à l’erreur, ni même simplement celui de changer d’avis. Qui parmi nous savait avec certitude, à 15 ou 16 ans, ce qu’il allait “faire plus tard ?”

Que dire aussi de cette flexibilité des élèves qui devront choisir entre aller suivre une spécialité dans un autre établissement que celui de rattachement si celle-ci n’existe pas sur place, ou renoncer à leurs envies ?