Le Conseil d’Etat met en garde le gouvernement contre un état d’urgence permanent

03 février 2016, par Franck Johannès, journaliste au Monde

Le Conseil d’Etat a donné, mardi 2 février, un avis favorable à la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 26 mai - le texte n’apporte pas d’éléments nouveaux quant à la nécessité de maintenir ce régime d’exception, les liens entre terrorisme intérieur et dirigé depuis l’étranger « n’ont rien perdu de leur intensité » et pour la juridiction administrative, « les précautions prévues contre d’éventuels excès dans l’emploi de ces mesures, ainsi que leur contrôle juridictionnel, se sont révélés effectifs ».

L’intérêt est ailleurs : le gouvernement s’est engagé à ne pas prolonger automatiquement les assignations à résidence, qui ne pourront être reprises « qu’après un nouvel examen particulier ». Matignon entend par ailleurs « réduire très substantiellement le nombre de mesures restrictives de liberté ».

« L’état d’urgence est par nature temporaire »

C’est le principal enseignement de cet avis du Conseil d’État : l’état d’urgence est légitime, mais il n’est pas question qu’il soit permanent. « L’état d’urgence reste « un état de crise », relèvent les conseillers du Palais royal, qui est par nature temporaire. Ses renouvellements ne sauraient pare conséquent se succéder indéfiniment ».

Le Conseil relève un peu vaguement que le gouvernement doit trouver « des instruments pérennes », juge le projet de loi antiterroriste bien adapté pour se faire, et avance quelques vœux pieux, comme « une bonne coopération » de la police et de la justice, et un effort commun de « l’ensemble des politiques publiques dans les domaines du renseignement, de la sécurité publique, de la défense, de l’éducation, de l’intégration et de la coopération internationale »…

Le message important tient en une ligne : « il convient donc que le gouvernement prépare dès maintenant la fin de l’état d’urgence ».

AVIS SUR UN PROJET DE LOI
"prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence"

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 26 janvier 2016 d’un projet de loi prorogeant, pour une nouvelle période de trois mois, l’état d’urgence déclaré par les décrets n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 et n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 et déjà prorogé par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015.

Cette nouvelle prorogation s’achèverait le 26 mai 2016.

2. Il a reconnu que cette nouvelle prorogation était justifiée par la persistance d’ « un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », selon les termes de l’article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dès lors :

 que les liens entre le terrorisme intérieur et le terrorisme dirigé depuis l’étranger contre la France n’ont rien perdu de leur intensité ;

 qu’en particulier, un nombre important de ressortissants français sont présents en zone irako-syrienne aux côtés de groupes terroristes et sont susceptibles de revenir en France à tout moment pour y accomplir des actions violentes ;

 que des actions terroristes de moindre ampleur qu’avant l’instauration de l’état d’urgence, mais pareillement inspirées, continuent de se produire sur le sol national, illustrant la persistance de la menace.

3. L’expérience acquise depuis le 14 novembre a confirmé la nécessité des mesures prises au titre de l’état d’urgence tant pour prévenir les attentats que pour désorganiser les filières terroristes, leur armement et leur financement, notamment dans le cadre des saisies et procédures judiciaires.

4. Le Conseil d’Etat a constaté que les précautions prévues contre d’éventuels excès dans l’emploi de ces mesures, ainsi que leur contrôle juridictionnel, se sont révélés effectifs.
En particulier, le juge de l’excès de pouvoir s’assure que ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à leur finalité (CC n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, cons. 11). Pour sa part, la procédure du référé-liberté permet, dans des délais très brefs, un débat oral et contradictoire devant un juge qui dispose, vis-à-vis de l’administration, de larges pouvoirs de suspension et d’injonction. Au terme de cette procédure, un nombre significatif de mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence ont ainsi été suspendues, modifiées ou abrogées.


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