STRATEGIES DES MOUVEMENTS ET PROJET D’EMANCIPATION

Gustave Massiah janvier 2016

Article rédigé pour Le Monde Diplomatique, Brésil

Nous sommes dans une période de grands bouleversements et de très fortes incertitudes. Nous vivons probablement un changement de période dans lequel se crispent les anciennes tendances et s’amorcent de nouvelles. La citation de Gramsci est d’une grande actualité « le vieux monde se meurt ; le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Il faut à la fois lutter contre les monstres et construire le nouveau monde. Il n’y a pas de fatalité, ni dans le succès, ni dans l’échec.

La situation mondiale semble désespérante
De 2008 à 2015 s’ouvre une nouvelle séquence dans l’histoire longue de la situation mondiale. Depuis 2011, des mouvements massifs, quasi insurrectionnels, témoignent de l’exaspération des peuples. Les révoltes des peuples répondent à la crise structurelle officiellement admise depuis 2008. Elles confirment l’épuisement de cette phase de la mondialisation capitaliste. Les inégalités sociales, le chômage, la précarisation ont fait baisser la consommation populaire et ouvert une crise de
« surproduction ». Le recours au surendettement a trouvé ses limites ; par l’extension des marchés financiers dérivés, il a contaminé tous les marchés de valeurs. L’explosion des « subprimes » a marqué le passage de la dette des ménages à la dette des entreprises bancaires. Le sauvetage des banques par les Etats a ouvert la crise des dettes publiques. La réduction des déficits par les plans d’austérité est supposée permettre une sortie de crise qui sauvegarderait les profits et maintiendrait la prééminence du marché mondial des capitaux et les privilèges des actionnaires.
A partir de 2013, la situation semble s’être retournée. Les politiques dominantes, d’austérité et d’ajustement structurel, sont réaffirmées. L’arrogance néolibérale reprend le dessus. La déstabilisation, les guerres, les répressions violentes et l’instrumentalisation du terrorisme s’imposent dans toutes les régions. Des courants idéologiques réactionnaires et des populismes d’extrême-droite sont de plus en plus actifs. Ils prennent des formes spécifiques comme le néo-conservatisme libertarien aux Etats-Unis, les extrêmes-droites et les diverses formes de national-socialisme en Europe, l’extrémisme jihadiste armé, les dictatures et les monarchies pétrolières, l’hindouisme extrême, etc. Mais, dans le moyen terme, rien n’est joué.

Les contradictions majeures restent déterminantes

La situation ne se réduit pas à la montée des positions de droite ; elle est marquée par la permanence des contradictions. Ce que l’on a convenu d’appeler la crise s’approfondit. La dimension financière, la plus visible, est une conséquence qui se traduit dans les crises ouvertes alimentaires, énergétiques, climatiques, monétaires, etc. La crise structurelle articule cinq contradictions majeures 2 : économiques et sociales, avec les inégalités sociales et les discriminations ; écologiques avec la mise en danger de l’écosystème planétaire ; géopolitiques avec la fin de l’hégémonie des Etats-Unis, la crise du Japon et de l’Europe et la montée de nouvelles puissances ; idéologiques avec l’interpellation de la démocratie, les poussées xénophobes et racistes ; politiques avec la fusion du politique et du financier qui nourrit la méfiance par rapport au politique et abolit son autonomie.


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