La Chine et les États-Unis : la confrontation est-elle inévitable ?

Pierre Beaudet - 20 octobre

Compte-rendu du webinaire La Chine et les États-Unis : la grande confrontation !, discussion menée par Guy Taillefer du journal Le Devoir avec Martine Bulard du Monde diplomatique du 17 octobre 2020.

Dans cette discussion organisée par Alternatives, les Amis du Monde diplomatique, la Commission altermondialiste de Québec Solidaire, Dialogue Global et la Plateforme altermondialiste, la journaliste du Monde Diplo[1] et l’éditorialiste du Devoir démêlent le complexe conflit qui oppose les deux superpuissances de notre monde.

GT : Le conflit entre la Chine et les États-Unis ne date pas d’hier…

MB : Au milieu du XIXe siècle, la Chine fut pour partie dépecée par les puissances de l’époque. L’Empire était en train de s’écrouler. Des pans entiers du pays étaient colonisés ,par l’Angleterre, la France, l’Allemagne, puis au début du siècle suivant, par le Japon. Par la suite, une puissante lutte de libération anti-impérialiste s’est levée sous la direction du Parti communiste chinois (PCC) et d’une partie des troupes de Tchang kaï-chek qui se sont farouchement affrontés après la défait du Japon. Le premier grand choc avec les États-Unis, date de la guerre de Corée en 1950/1953, où les combats ont fait des centaines de milliers de victimes. La péninsule était coupée en deux avec le Nord sous influence soviétique et le Sud sous influence américaine. Une coalition militaire menée par les États-Unis (avec la France et le Canada, notamment) a reconquis le territoire après l’intervention de la Corée du Nord qu’il a pratiquement anéanti, jusqu’à atteindre la frontière chinoise. Mao Zedong ne pouvait rester indifférent. La Chine a repoussé les États-Unis au 38ième parallèle. Seul un armistice a été signé. Le conflit encore aujourd’hui reste ouvert.

Et pourtant, il y a eu finalement un dégel en 1972…

Alors que la Chine était reconnue par l’ONU en 1971, les États-Unis ont fini par la reconnaitre, eux aussi, près d’un quart de siècle après la proclamation de la République populaire de Chine. C’est le sens de visite de Richard Nixon en Chine en 1972. Il faut dire que la guerre du Vietnam s’éternisait. Avec plus d’un demi-million de soldats, les États-Unis qui avaient voulu consolider leur emprise dans le sud du pays en soumettant le nord à des bombardements massifs, étaient embourbés. La Chine et les États-Unis voulaient faire contre-poids à ce qu’ils considéraient comme la menace soviétique. D’un côté comme de l’autre, on se disait, selon l’adage : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Finalement, le Vietnam a été libéré en 1975. En même temps, une nouvelle ère des relations entre les États-Unis et la Chine commençait. Une lune de miel qui va durer jusqu’en 2011

Et puis, il y a eu l’envolée économique …

À la fin des années 1970, l’État chinois amorçait un grand virage sous l’égide de Deng Xiaoping. Ce successeur mal aimé de Mao entreprit de remettre la Chine en marche en l’insérant dans le marché capitaliste mondial. Ces premiers pas ont conduit à une croissance fulgurante de la Chine propulsée par le commerce et les investissements. Les entreprises multinationales, notamment américaines, ont afflué en masse pour profiter des conditions favorables où se combinaient une main d’œuvre compétente, disciplinée et pas chère, de même qu’une administration favorable, tout en ouvrant la perspective de son immense marché intérieur. Washington pensait alors que la Chine allait devenir un maillon du dispositif néolibéral mondial et éventuellement de s’engager dans des réformes politiques, ce qui a poussé les États-Unis à favoriser son insertion dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment. Mais si le capitalisme se conjuguait automatiquement avec démocratie, cela se saurait.

Finalement, la Chine a joué son propre jeu…