Nous avons gagné le droit précieux de recommencer

Comme l’écrit Annick Coupé, « Ce livre est d’abord une histoire de vie et d’engagement depuis cinquante ans ! » et cela n’est pas si courant. Les mémoires ouvrières publiées sont le plus souvent masculines (lire par exemple, Monique Piton : C’est possible. Une femme au cœur de la lutte de Lip (1973-1974), fabriquer-et-vendre-fabriquer-sans-patrons-remettre-en-route-lusine-sans-patrons/). Celles des établies plus rares encore. (lire par exemple, Marie-France Bied-Charreton : Usine de femmes : il-y-a-quelque-chose-de-change-sur-la-chaine/).

Une vie marquée par Mai 68 et un témoignage sur la condition ouvrière, « les conditions de travail sur les chaînes de production, la taylorisation, la hiérarchie, la place des ouvriers immigrés, les secteurs de production réservés aux 10% de femmes salariées du secteur… », la solidarité, les luttes collectives, les grèves, la répression ou la division syndicale.

L’organisation hiérarchique du travail peu interrogée, les femmes renvoyées à leur condition féminine, la double journée de travail, «  La prise de conscience féministe de Fabienne va être confortée par le fait de partager cette condition ouvrière féminine au quotidien »…

Le temps de l’activité syndicale, les pratiques et les discours sexistes, la solidarité, le droit à l’avortement, les commissions syndicales non-mixtes, les moments de luttes, les révoltes, la dignité et l’égalité…

« Ce livre nous raconte aussi l’apprentissage d’un syndicalisme combatif, de l’organisation des actions, des grèves, et des tensions relatives à tout mouvement : comment impliquer les salarié·es dans la conduite de l’action, des négociations ? Comment convaincre et élargir un mouvement ? Comment dépasser la peur de se lancer dans la bataille, surtout quand on est une femme ? »

Quelques éléments de ce très beau livre.

Devenir mécanicienne, être embauchée dans une usine de construction automobile, une usine majoritairement d’ouvriers, l’atelier de couture, les « qualités féminines » en rapport au taches ménagères assignées, la division sexiste du travail, l’économie des gestes, le matricule comme un tatouage, ce quotidien où le cerveau et la pensée s’atrophient. Et comme un paradoxe, « Bousculer ce état, refuser de s’y soumettre, serait comme raviver une plaie qu’on veut endormir, oublier ».

68, les assemblées générales lycéennes, les lycées occupés, la liberté revendiquée, « Comme si nous voulions faire sauter les verrous d’un carcan étouffant, dont subitement nous prenions conscience et qui bridaient notre avenir et notre épanouissement », la parole libérée en permanence, les groupes se réclamant de la révolution, cet étrange parfum de solidarité… Les choix, s’établir, se faire embaucher à Renault Flins, « un projet collectif de transformation qui se voulait global ».