La Chine, nouvelle puissance créancière et sa stratégie des nouvelles routes de la soie

25 septembre par Camille Bruneau


Depuis l’introduction de réformes d’ouverture à l’économie de marché en Chine à partir de 1979 (sous Deng Xiaoping), le pays a connu un impressionnant développement capitaliste, devenant une destination privilégiée pour les investissements. Depuis le tournant du siècle, la Chine regarde vers l’extérieur, se hissant parmi les principales puissances exportatrices et créancière. Le principal cadre de la politique étrangère chinoise est incarnée par le projet des « nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative, BRI). Ce projet est déjà fortement dénoncé par des mouvements sociaux dans les pays partenaires à cause des conséquences prévisibles en termes de perte de souveraineté, de violations des droits sociaux et de dégradation de l’environnement. Ce projet reste pourtant largement méconnu, d’où l’intérêt d’un atelier durant ces rencontres d’été. Il fut présenté de façons contrastées par Ya-Han Chuang, chercheuse d’origine Taïwanaise se penchant notamment sur les questions migratoires à l’université de Toulouse Jean-Jaurès, et Sushovan Dhar, militant et membre du CADTM en Inde.

Ya-Han commença par décrire les objectifs et la portée du projet. En voyant la carte illustrant les routes commerciales prévues, comment ne pas se poser la question suivante : Est-ce que la Chine est une nouvelle puissance impérialiste ? Pour Ya-Han, qui nous présente la situation de la perspective « officielle » du développement économique, la réponse est mitigée.

Elle commence par donner une synthèse du contexte économique et politique, expliquant que dés 1979, la Chine a pu tirer un avantage de sa démographie très élevée, centrale dans sa stratégie de développement économique : devenir l’usine globale pour les économies plus avancées. Ces dernières années, la société Chinoise à connu une augmentation des salaires moyens, plus particulièrement dans les villes côtières. La nouvelle route de la soie est pensée comme une « solution » pour le développement économique, permettant d’atteindre de nouveaux marchés. En plus d’une motivation économique, le projet incarne un objectif politique. Depuis 2013, le régime répète un discours dans lequel « Le Rêve Chinois » est central. Celui-ci s’inscrit dans un objectif à long terme, qui imagine la Chine comme « le pays socialiste idéal » d’ici 2049. Le pays espère en effet devenir une puissance globale et rattraper les États-Unis. Ce rêve chinois s’inscrit également dans un discours de « globalisation inclusive », plus ambitieux que le Consensus de Washington, qui permettrait d’unir les nations des ’seconds’ et ’tiers mondes’, non pas à travers des interventions politiques, mais à travers la « coopération économique » (bien entendu, en promouvant l’intérêt économique chinois). La liste des projets est terrifiante, incluant de nombreux trains à grande vitesse reliant les continents, des pipelines et des routes maritimes. Une de ces dernières part de la Chine en passant par le Sri Lanka pour arriver en Grèce, dans un port que la Chine a acheté.

Pour Ya-Han, il est trop tôt pour véritablement estimer les conséquences de ce projet, mais les inquiétudes de la diaspora chinoise servent d’avertissement. Quant à la population en Chine, la répression politique ne laisse pas de voix aux potentiels opposant.e.s au projet et le régime reste silencieux par rapport à la dimension environnementale du projet

Les investissements et constructions à l’étranger s’élèvent à près de 1,9 trillion de dollars, et les entreprises privées s’imposent de plus en plus comme investisseurs.