La guerre aux femmes

Les attaques se multiplient contre ce qui semblait être un acquis et se révèle fragile : le droit des femmes à disposer de leur corps. Hier, le gouvernement espagnol renouait avec le franquisme en abolissant la réforme de 2010 du socialiste Zapatero qui autorisait l’avortement jusqu’à 14, voire 22 semaines. Si la loi est ratifiée par le parlement, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ne sera admise qu’en cas de malformation du fœtus – si elle est confirmée par deux médecins différents –, de grave danger pour la santé de la femme ou à la suite d’un viol, et encore, uniquement si la victime a déposé plainte.

Cette poussée de fièvre conservatrice n’est pas isolée. La semaine dernière, le parlement européen rejetait un texte réclamant un accès généralisé pour les femmes à la contraception et à des services d’avortement sûrs. Au même moment, aux Etats-Unis, le Michigan rejoignait la liste des huit Etats qui interdisent aux compagnies d’assurance de prendre en charge les avortements, y compris en cas de viol ou d’inceste, sauf si la vie de la victime est en danger ou qu’une assurance spécifique a été souscrite. Dans trois autres Etats nord-américains, le droit même à l’IVG pourrait être prochainement remis en cause. Pourtant, ni les mesures vexatoires ni les lois restrictives ne réduisent le nombre d’avortements. Elles mettent par contre la vie de certaines femmes en danger. Les plus précaires.

De l’attaque frontale à la politique par omission, on retrouve cette même volonté de mettre sous tutelle, d’infantiliser, de dominer les femmes qui, depuis un siècle, tentent de s’émanciper du carcan patriarcal. Ainsi en France, les budgets consacrés aux centres de planning familial diminuent année après année. En Suisse, une initiative contre l’éducation sexuelle à l’école vientd’être déposée.
Elle pénalisera en premier lieu les jeunes filles, en restreignant leur accès, en connaissance de cause, à la contraception. En février, le peuple votera sur le maintien, ou non, du remboursement de l’IVG par l’assurance-maladie de base. Une initiative qui ne vise pas tant à augmenter le nombre de naissances qu’à punir les pauvres. Et pendant que les milieux féministes mènent campagne pour défendre une cause que l’on croyait gagnée, de multiples chantiers cruciaux restent en jachère : inégalités salariales, manque de places en crèche, congé parental, défense de l’âge de la retraite des femmes, etc.
Cette fronde conservatrice doit nous rappeler que les acquis – économiques, sociaux, syndicaux, etc. – sont l’objet de perpétuelles remises en cause. Seules la mobilisation et la vigilance citoyenne permettront de les garantir. Quant à ceux qui imaginaient, plus ou moins naïvement, que le féminisme n’avait plus de raison d’être, l’actualité, hélas, prouve une nouvelle fois combien ils ont tort.