La vie au ralenti, journal d’un confiné


Jean-Marie Harribey est ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV.

18 avril 2020, trente-troisième jour de confinement.

Le confinement ne tient pas lieu de congés payés.

Travailler plus longtemps, comme le préconise le président du Medef, n’est pas la solution pour relancer l’économie. Il faut au contraire modifier en profondeur les structures productives et mieux rémunérer les métiers peu valorisés que la crise a mis en avant.

Ce texte signé par Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers, Dominique Plihon et Pierre Khalfa a été publié par Libération, le 17 avril 2020. [1]

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, affirme dans Le Figaro du 10 avril 2020 qu’« il faudra se poser la question des RTT et des congés payés ». La période de confinement va se traduire, nous dit-il, par un arrêt de l’économie de 30 à 40 % en moyenne. Ce qu’il oublie, c’est que les estimations de l’Insee et de l’OFCE n’annoncent un tel chiffre qu’en annualisant l’impact mesuré sur un mois.

Quel serait le remède à la paralysie de l’économie ? « Retrousser ses manches et travailler plus longtemps » selon le président du Medef. Ainsi, ce sont les travailleurs qui font marcher l’économie ! Ainsi, ce sont eux qui permettent la fameuse « création de richesse » ! Quand ? Pendant leur temps de travail. Il aura fallu une pandémie pour s’apercevoir que ce sont les soignants, les enseignants, les livreurs, les caissières, les éboueurs qui maintiennent la société debout. Pendant ce temps-là, où sont les actionnaires et leurs porte-parole, ceux qui ne paient pas d’impôts ou très peu ?

Allongement de la durée de travail

La déclaration du président du Medef a pour elle le mérite de la clarté. Il s’agit pour les élites économiques qui nous ont mis dans la nasse de profiter de la crise sanitaire pour renfourcher l’un de leurs principaux chevaux de bataille : augmenter la durée du travail. Cela ne leur suffit pas que la loi d’urgence sanitaire et les ordonnances l’accompagnant aient prévu de rallonger la durée hebdomadaire du travail jusqu’à 44 heures, voire 60 heures si l’employeur en ressent le besoin. Il s’agit d’aller encore plus loin en remettant en cause le principe des congés payés, ne serait-ce que pour l’année 2020. Et si ça ne suffisait pas, en 2021… aussi ?

Il y a quelques mois à peine, la société française débattait de la réforme des retraites. La pierre d’achoppement était l’âge pivot et l’âge d’équilibre, soit comment faire travailler les salariés jusqu’à 64, 65 ans ? Le Medef demandait même 67 ans. La réforme est suspendue, mais ne doutons pas que les préceptes qui y étaient contenus referont surface. Monsieur Roux de Bézieux prend date.

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