Appel d’Attac-Maroc pour la tenue de la Conférence non gouvernementale euro-africaine sur le respect des droits fondamentaux des migrants

vendredi 16 juin 2006, par Webmestre

Nous, acteurs des sociétés civiles d’Afrique subsaharienne, Afrique du
Nord et Europe, militants engagés dans la lutte pour les droits des
migrants et dans la solidarité avec les exilés, spectateurs indignés de
l’hécatombe en vies humaines qui s’amplifie d’année en année au large
des côtes méditerranéennes et atlantiques, refusons la division de
l’humanité entre ceux qui peuvent circuler librement sur la planète et
ceux à qui cela est interdit, refusons également de vivre dans un monde
aux frontières de plus en plus militarisées qui segmentent nos
continents et transforment chaque groupe de pays en forteresse assiégée.

Nous savons que l’origine du « problème », sur ces questions
migratoires, entre l’Europe et l’Afrique est à chercher d’abord en
Europe : ce n’est pas le flux migratoire africain, démographiquement
insignifiant, qui envahit l’Europe mais les intérêts, le protectionnisme
et les phobies de celle-ci qui impose d’une main des accords de libre
commerce et s’érige de l’autre en forteresse assiégée, fermant les
frontières les unes après les autres.

Cette Europe stigmatise l’étranger comme menace et opère un amalgame
inadmissible entre migration et terrorisme, dévoie l’aide au
développement en moyen de lutte anti-migratoire et transforme le droit
d’asile en droit de rejet pour justifier les rafles et expulsions des
déboutés. Cette Europe multiplie les accords avec les pays de la rive
Sud de la Méditerranée pour imposer le partage des politiques de
filtrage et de répression des migrations, subordonnant même des
acteurs de solidarité à des finalités de fixation au loin des étrangers.

Cette responsabilité première des Etats européens n’exonère pas de
leurs propres responsabilités les Etats d’Afrique lorsque leurs carences
et dysfonctionnements dégénèrent en marasmes politiques ou économiques
qui ne laissent à leurs citoyens d’autre espoir que celui du départ.
Mais nul ne peut ignorer l’état des rapports de forces entre les Etats
européens et ceux d’Afrique.

Sur la base des évolutions politiques et diplomatiques observables depuis
dix ans au moins et des développements les plus récents, nous constatons
l’incapacité des acteurs institutionnels, notamment dans l’espace
euro-méditerranéen et euro-africain, à s’abstraire des idéologies
anti-migratoires qui prédominent au sein des élites dominantes notamment
en Europe et par contagion, de plus en plus, au nord de l’Afrique. A
quelques mois de prochaines conférences intergouvernementales sur le
sujet, nous craignons plus que jamais que les technocraties policières
et diplomatiques s’accordent par delà les frontières, sur la fermeture
sélectives de celles-ci aux plus démunis et aux plus exposés tant à la
misère qu’aux persécutions. Nous savons que les nationalismes xénophobes constituent un référentiel de politique gouvernementale toujours aussi facile d’utilisation et aussi dangereux pour notre avenir qu’il a été dévastateur dans notre passé. Nous savons que ce référentiel peut s’adjoindre des logiques marchandes de tri sélectif de la main d’œuvre utile et de drainage des cerveaux. Nous pensons qu’il existe un risque réel de consensus élitaire fondé sur des arrangements réciproques par-delà la Méditerranée, sur les dissociations d’intérêts entre les élites et les peuples et menant à la constitution de zones tampons ainsi qu’à la segmentation de l’Afrique.

Pour ces raisons...

Nous appelons l’ensemble des acteurs des sociétés civiles d’Afrique du
Nord, d’Afrique Subsaharienne et d’Europe à participer à la CONFERENCE
NON GOUVERNEMENTALE EURO-AFRICAINE sur le respect des droits
fondamentaux des migrants, sur la liberté de circulation pour tous, sur
une politique de développement et de partage de la prospérité non
conditionnée à des finalités sécuritaires, sur la lutte contre les
politiques sécuritaires et leurs conséquences, sur des politiques
d’accueil et d’intégration qui réhabilitent le droit d’asile et assurent
la reconnaissance aux personnes migrantes de l’ensemble de leurs droits,
de travailleurs et de citoyens.

Au terme de cette Conférence sera adopté le premier Manifeste non
gouvernemental euro-africain sur les migrations, les droits
fondamentaux et la liberté de circulation.

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