Appel international contre le réacteur nucléaire EPR

jeudi 13 avril 2006, par Webmestre

Attac a signé l’Appel international contre le réacteur nucléaire EPR
http://www.france.attac.org/a6120

Attac n’a pas de position à priori pour ou contre l’énergie d’origine nucléaire, d’une part ce n’est pas l’objet de l’association de prendre position sur tous les choix techniques, d’autre part il n’y a pas consensus entre ses adhérents sur cette question.
Attac s’est pourtant prononcée en octobre 2003 pour un moratoire à la mise en chantier rapide d’une nouvelle série de centrales électronucléaires de type EPR, les raisons invoquées à l’époque sont toujours d’actualité (sauf un « retard » dans la privatisation d’Areva !) :

- Les projets en matière d’énergie impliquent des choix à très long terme, la durée de vie d’une centrale est, suivant les hypothèses, comprise entre trente et soixante ans, des décisions dans ce domaine engagent donc les générations futures. Bien que ne rejetant que peu de gaz à effet de serre, les techniques nucléaires posent des problèmes environnementaux et de société (sécurité des installations) bien connus et à bien plus long terme encore. Toute décision dans ce domaine ne peut être prise qu’à la suite d’un débat démocratique le plus large possible, engageant toutes les composantes de la société.
- De l’avis même des experts qui se sont penchés sur cette question, la situation d’urgence semble sujette à caution et dépendre fortement des scénarios envisagés tant dans les méthodes de production que dans les mesures de maîtrise de la consommation qui pourraient être prises. L’énergie électrique ne peut être isolée de l’ensemble des besoins en énergie, incluant le chauffage des locaux et les transports.
- Nombre de déclarations officielles laissent penser que l’urgence de la mise en chantier de nouvelles centrales électronucléaires est fortement suggérée par ceux qui voudraient voir se constituer un pôle industriel privé, spécialiste mondial dans ce domaine, autour d’Areva, qui perdrait son caractère d’entreprise à capitaux publics par un désengagement de l’état au profit des marchés boursiers au cours de l’année 2004, et de groupes privés comme Siemens. Les marchés visés sont l’Europe (Finlande, Europe centrale) et les pays émergeants d’Asie (Chine, Inde). Le rôle des futures centrales envisagées serait de servir de démonstrateurs commerciaux pour ces sociétés.
- La privatisation des sociétés chargées de la fabrication et de l’entretien des réacteurs pose de multiples questions concernant la sécurité, ne nous trouverions pas en face d’une privatisation de la rente accompagnée d’une socialisation des risques ?
- Les questions énergétiques se posent à l’échelle mondiale, nous ne saurions restreindre le débat à des choix technologiques nationaux, l’avenir de la planète est en jeu.

Le débat démocratique auquel nous appelions en 2003 n’a pas eu lieu, il a été remplacé par une opération de communication en faveur de l’EPR, lancée en même temps qu’était prise la décision de construire un démonstrateur à Flamanville, dans la Manche. Il est donc légitime qu’Attac participe à la démonstration de Cherbourg, les 15 et 16 avril 2006, contre la mise en chantier immédiate de l’EPR. Cette participation ne constituant pas une prise de position « contre le nucléaire » en général.

Depuis un peu plus de deux ans, de nombreuses publications ont confirmé le bien fondé de notre opposition à ce projet :
- Les prévisions de demande, établies par RTE (établissement public chargé de la gestion du transport de l’électricité, issu du démantèlement d’EDF) et l’obsolescence du parc actuel de centrales électronucléaires montrent que la mise en service de nouvelles centrales de ce type s’impose pas pour satisfaire les besoins en électricité avant 2025, même en acceptant des conditions économiques d’exploitation très défavorables (moins de 50% d’utilisation). Dans des conditions économiques plus réalistes, le remplacement des centrales actuelles devrait intervenir à partir de 2030, ce qui laisse une dizaine d’année de réflexion sur les choix énergétiques à prendre. Ce délai de grâce pourrait être mis à profit pour lancer un vaste programme national et européen de maîtrise de la consommation électrique : réhabilitation des bâtiments, mises aux normes actuelles des équipements, etc.
- Le choix de la Manche, département qui exporte déjà environ 30% de sa production électrique, pour l’implantation d’une telle centrale, imposera de construire un nouveau couloir de lignes à très haute tension de 150 kilomètres, pour écouler l’excédent supplémentaire d’énergie hors de ce département, à 300 kilomètres du lieu de production. Sans parler des pertes considérables engendrées par un transport sur de telles distances, ce couloir rencontre de très fortes oppositions, notamment de la part des agriculteurs, parmi les populations des territoires traversés par ces futures lignes.
- L’incertitude sur les coûts réels du démantèlement des installations en fin de vie conduira inexorablement les opérateurs privés à ne conserver du nucléaire que la rente, en laissant à la charge de l’Etat les externalités négatives liées à ce démantèlement : décontamination des lieux et gestion des déchets ultimes. Ces opérations engagent les générations futures, bien au-delà de la durée prévisible d’une entreprise privée, quelle qu’elle soit. Les premières opérations de déconstruction programmées à l’échelle industrielle, notamment en Grande Bretagne, laissent apparaître des coûts (100 milliards d’euros pour une vingtaine d’installations, la France comporte 58 tranches en exploitation...) qui d’une façon ou d’une autre devront être pris en charge par la collectivité.
- La destruction accélérée des services publics, dont la privatisation d’EDF est un élément central en France, fait courir des risques considérables aux populations et aux salariés qui conduisent et entretiennent les centrales nucléaires, comme en témoignent de récents incidents. Les exigences de rentabilité financière à court terme, exigées par les actionnaires, conduisent à privilégier, pour l’entretien, la sous-traitance à des entreprises qui ne se préoccupent ni de la formation de leurs salariés, souvent embauchés sur des emplois précaires ni de la sécurité des installations (80 % de la maintenance du parc EDF est sous-traitée, 86% des salariés de la sous-traitance du nucléaire veulent quitter cette industrie, les salariés intérimaires représentent 30% des effectifs, source Sud énergie). Le développement des centrales nucléaires dans ce contexte de privatisation relève de la pure folie.

Attac France,
le 12 avril 2006

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