EDF une privatisation annoncée qui masque une spoliation à venir de la collectivité nationale

vendredi 1er septembre 2006, par Webmestre

Collectif Jean Marcel MOULIN

Derrière le pseudonyme collectif de Jean-Marcel Moulin, des cadres supérieurs d’EDF et de GDF souhaitant conserver l’anonymat, prennent position contre ce qu’ils appellent la « privation-spoliation » de l’entreprise du service public de l’énergie. Ils mettent à la disposition des citoyens leurs données, leurs réflexions et formulent des contre-propositions.

Electricité de France appartient à la Nation. EDF a été créé en 1946 comme entreprise publique, à l’issue d’un processus de nationalisation du secteur électrique de notre pays, inscrit dans le programme du Conseil National de la Résistance, mis en place par la volonté conjointe de Jean Moulin et du général de Gaulle.

Ce processus venait sanctionner des décennies de crises et de faillite des "trusts électriques", épithète utilisé quasi unanimement avant-guerre pour désigner l’oligopole français des grands électriciens. Concentrations, coûts élevés, abus de positions dominantes en matière de tarifs aux usagers ainsi qu’à une partie de l’industrie (notamment les PMI) ou aux collectivités locales distributrices, sous-équipement en moyens de production et de transport, incapacité à mener un programme hydro-électrique ambitieux et restrictions de l’offre en tous domaines, tel était l’état du secteur avant-guerre.

En 1946, le choix a été fait explicitement de la nationalisation de l’électricité en écartant l’étatisation. C’était un choix lourd de conséquences à bien des égards, qui s’est traduit notamment par le tripartisme du Conseil d’Administration (représentants de l’Etat, des usagers, du personnel) et, plus tard, par un cadre de régulation pluriannuel (les contrats Etat-EDF) fixant les engagements de performances au service de l’intérêt général et des usagers. Les collectivités locales, représentantes également des usagers-citoyens, avaient été, avec le personnel, à l’origine de la revendication de nationalisation : autorités concédantes de la distribution de l’électricité : elles ont joué un rôle important pour EDF depuis 1946.

Ainsi, dans l’affirmation "EDF appartient à la Nation" se sont trouvés directement concernés non seulement l’Etat, mais également les collectivités locales, les usagers et le personnel. Ce sentiment a été renforcé par le fait que, depuis des décennies, l’Etat n’a plus apporté de contribution financière à l’entreprise en capital, comme il aurait pu le faire en bon propriétaire. Les investissements, parfois très lourds comme le programme nucléaire et celui de réseau grand transport, ont été financés par l’autofinancement et les obligations (emprunts EDF), dont les charges ont toujours été supportées par les tarifs payés par les usagers. Dés lors s’est constamment trouvé confirmée, et renforcée, l’idée qu’EDF, en particulier, ses actifs, tels que les centrales de production ou le réseau de transport, n’appartiennent pas à l’Etat mais aux usagers-citoyens, ce qui contribue ainsi à garantir la qualité et l’efficacité du service public de l’électricité au service de ces usagers. Dans ce domaine, il est possible d’avancer, sans excès, qu’EDF n’a pas démérité depuis 1946 et que, malgré des points noirs qui doivent être corrigés, sa réputation de réussite en matière de service public, de réussite sociale et industrielle, n’est pas usurpée. Car c’est un fait qu’EDF a assuré, avec un succès certain, sa mission de développement d’un service public de l’électricité de qualité et de proximité, offrant des tarifs parmi les plus compétitifs en Europe, et réduisant la dépendance énergétique d’un des pays, la France, les plus démunis en ressources énergétiques.

C’est avec cette histoire passée, que les français entendent dire aujourd’hui que la privatisation d’EDF est décidée par le gouvernement actuel. Pour quelle raison ? Les arguments présentés varient mais ils n’enlèvent jamais la conviction qui est fondée sur ce constat : nous, citoyens-usagers, nous sommes propriétaires d’EDF et nous avons payé ses actifs, les moyens de cette entreprise, en payant nos factures d’électricité, de quel droit, au nom de quoi, au profit de qui, va-t-on nous spolier de ces biens en les vendant en bourse par cette privatisation ?

Légitimes interrogations ! D’autant que rien ne semble arrêter cette "résistible" marche à la privatisation, alors que chacun des maillons de sa justification est profondément contestable. Et puis, si on veut vendre EDF, quelle serait d’ailleurs sa valeur ? A l’examen précis de cette question fondée sur des données financières solides, il apparaît qu’EDF a une valeur très élevée pour la collectivité nationale, mais que, en raison des provisions qui devraient être faites par une entreprise privatisée, EDF, telle qu’elle est, ne pourrait être achetée que pour une valeur faible par un investisseur privé. Devant cette situation, il va donc être procédé à un transfert à l’Etat de dettes et d’engagements, pour vendre EDF à un prix "soutenable", (suffisant au regard de l’opinion) et pour garantir, en sus, des profits substantiels aux acquéreurs privés.

Ainsi se prépare une double spoliation : par la décision de cette privatisation, d’abord la perte de la propriété des usagers-citoyens sur EDF, et, pour la rendre possible, le transfert, ensuite, de charges actuelles et futures à l’Etat ainsi que la réduction des droits du personnel, des collectivités locales, des usagers.

Avec le processus actuel de préparation de la privatisation, (qui s’engage, comme en témoignent les positions patronales faites dans le dossier retraites d’EDF-GDF), on aboutira à l’étonnant paradoxe dans lequel l’Etat vendrait EDF en apparence pour quelques dizaines de milliards d’euros, tout en reprenant à sa charge des engagements futurs équivalents voire supérieurs. Ainsi la collectivité se dépossèderait d’une entreprise dégageant chaque année entre 4 et 5 milliards d’euros (26 à 33 milliards de francs) de cash-flow net pour un gain net voisin de zéro.

Ceci peut apparaître comme incroyable à première vue. C’est pourtant ce qui est préparé et que nous exposons ci-après avec les détails nécessaires, afin que chacun des citoyens et responsables de ce pays soit prévenu de ce que l’on nous prépare, sachant en plus que , en parallèle, une opération similaire est également en préparation pour privatiser GDF.

(...]

la suite sur www.fondation-copernic.org

Répondre à cet article