Lettre ouverte depuis Beyrouth assiégée

lundi 24 juillet 2006, par Webmestre

Stephen Sheehi, Beirut, Lebanon ATTAC LUBNAN Lebanon

Lundi 17 juillet 2006

CE N’EST PAS UN COMBAT D’EGAL A EGAL

Quoiqu’on puisse penser de l’enlèvement des soldats israéliens par le Hezbollah (et c’est une tactique qu’ils ont apprises des Israeliens) et de la défense du Liban, qui a suivie, par cette organisation, la réponse d’Israel constitue une violation franche des lois internationales et des conventions sur les Droits de l’Homme, y compris de la quatrième Convention de Genève.

Nous, ATTAC LIBAN, protestons auprès de la communauté internationale contre l’usage gratuit d’une force excessive au Liban, le manque de considération pour la vie humaine, la destruction délibérée d’infrastructures civiles, et le plan prémédité par Israël pour causer une crise humanitaire de grande envergure. De plus, nous protestons contre le fait qu’aucun communiqué des médias américains ou occidentaux, mis à part dans quelques pays, n’ait précisé que cette aggression est non seulement illégal et contraire aux conventions sur les Droits de l’Homme, mais surtout indigne de toute nation dite "civilisée" hormis ce pays qui reçoit des aides de plusieurs milliards de dollars des Etats-Unis et bénéficie de privilèges commerciaux avec l’Amérique du Nord et l’Europe.

Les officiels israëliens ont reconnu que cette offensive avait été préparée il ya longtemps. La vérité, c’est que la population civile du Liban, ses infrastructures ainsi que ses perspectives économiques globales sont en train d’être rançonnés pour les besoins de l’agenda politique israelien. Cet agenda inclue le désarmement du Hezbollah et l’application complète de la résolution 1559 et peut-être aussi de pousser la Syrie à entrer dans une guerre régionale, ce qui permettrait aux
Etats-Unis de déclencher une campagne aérienne contre le régime sclérosé et autoritaire de Bashar al-As’ad et d’éliminer par la force le programme nucléaire de l’Iran.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union Européenne et le G8 ont pratiquement diculpé Israël du déchaînement de violence et du carnage qu’il inflige aux libanais. La plupart des agences de presse font état de cette offensive comme s’il s’agissait d’un combat d’égal à égal. Ce n’est PAS un combat d’égal à égal. Dimanche, la BBC et plusieurs médias américains titraient "8 personnes tuées à Haifa", alors qu’au même moment 15 personnes, hommes, femmes et enfants étaient CIBLES et TUES par l’armée israélienne. Depuis, des quantités de civils innocents, essentiellement des enfants, des femmes et des personnes âgées ont été massacrées dans leurs maisons ou dans leurs voitures alors qu’ils fuyaient.

Ce n’est PAS un combat d’égal à égal, quand la mort de 16 israeliens équivaut à celle de plus de 184 libanais, à la destruction COMPLETE des infrastructures du Liban, et à la prise en otage de millions de libanais et de dizaines de milliers de ressortissants étrangers.


SUR LE TERRAIN,

Sur le terrain, une coalition de groupes religieux ou de gauche, actuellement rejointe par plusieurs organisations sociales apolitiques et des ONG, s’est transformée en service d’assistance aux réfugiés qui ont pu fuir les Banlieues Sud ou al-Dahiyah.

Le gouvernement de Seniora a pris son temps avant de s’occuper insuffisament de la situation humanitaire critique des réfugiés.Le gouvernement est clairement coupé en deux, avec un bloc incluant le ministre Mouawad et la majorité de Seniora, qui soutient tacitement et indirectement le siège dans l’espoir de briser le bloc du Hezbollah, bien organisé, bien implanté et discipliné. Désormais, Beyrouth et la totalité du Liban est en état de siège, et les Banlieues Sud, sur lesquelles se concentrent les attaques qui concernent Beyrouth, sont désertées. Les routes, les voies rapides et les ponts qui n’ont pas été détruits sont hautement dangereux comme le prouve l’épisode de Marwaheen, où quinze innocents, hommes femmes et enfants, ont été massacrés dans leurs voitures, samedi, ou le cas de beaucoup d’autres tués depuis alors qu’ils fuyaient.

Ce qu’il y a de cynique, c’est qu’ils étaient en train de fuir leur village sur ordre de l’armée israelienne, qui les a exécutés sur la route. Quand The Guardian a indiqué aujourd’hui (le 17 juillet) que le Brigadier General Dan Halutz avait déclaré qu"aucun endroit n’est sûr aujourd’hui" au Liban, nous avons vu clairement qu’Israel n’est pas en train de mener une campagne militaire contre un ennemi souverain, mais une réelle politique de terreur délibérée contre le Liban. Comme toutes les armées d’occupation du 20ème siècle, ils rejettent la cause de toutes les morts civiles libanaises sur le Hezbollah, arguant qu’ils ont "provoqué" la revanche "justifiée" d’Israel. N’est ce pas ce que dit le Cheikh Nasrallah, quand il fait référence aux dizaines de Libanais et aux centaines de palestiniens dans les prisons israeliennes ? N’est-ce pas la même logique de "résistance" pour punir, combattre ou se venger d’Israel, qui met en oeuvre des formes multiples de punitions collectives non seulement dans le siège de pays souverains (comme le Liban), mais aussi lors des dernières semaines à Gaza ? Les attaques du Hezbollah, quand elles ne ciblent pas directement du personnel militaire, consistent à envoyer aveuglément des missiles en Israël, en priant pour qu’ils fassent des dommages. Au contraire, Israël prend délibérément pour cible des habitations civiles, des quartiers, des voitures, des minibus et des réfugiés à pied avec des F-16, des hélicoptères Apache et toute sortes d’avions de combat.

La conséquence, au Liban, est que la plupart des gens ne peuvent ou ne veulent pas essayer de se rendre d’une ville à l’autre pour plus de sécurité, puisqu’il semble aussi dangereux de se déplacer que de rester sur place. Des villes du Sud, comme Sidon, Tyr ou Nabatiyah se retrouvent complètement isolées. Des millions de Libanais et des dizaines de milliers de ressortissants étrangers sont éparpillés dans tout le pays. Le pillonage de al-Dahiyah, l’aéroport international et le port, retentit clairement dans tout Beyrouth, accompagné du bourdonnement incessant des avions de combat qui survolent la ville en larguant des tracts, dont le contenu et le ton sont si puériles et stupides qu’ils font PRESQUE préférer les bombes !

En plus du siège aérien et naval qui est entretenu par le bombardement nocturne de plusieurs des ports du Liban, Israel a consciencieusement détruit toutes les routes terrestres menant à la Syrie, à l’exception d’un corridor vers le Nord. Auparavant, beaucoup d’entre nous, qui ne vivaient ni dans le Sud ni dans les Banlieues Sud de Beyrouth, étaient tendus, mais croyaient qu’Israël se concentrerait sur ces zones. Mais l’immense attaque de samedi nous a prouvé le contraire. L’offensive aérienne a frappé chaque région du pays. Aujourd’hui (le 17 juillet), l’armée de l’air israélienne bombarde régulièrement les ports, qui se trouvent juste à côté des centre-villes et à proximité de zones densément peuplées à l’Est de Beyrouth, Tripoli et Jounié. En plus des principaux ponts et de l’approvisionnement civil en carburant de l’aéroport et des centrales électriques, ils ont bombardé l’aéroport de l’armée libanaise, des postes-radar mais aussi des infrastructures de télécommunications privées. Ras Beyrouth a été touchée pour la première fois samedi, quand des israéliens, dans des hélicoptères Apache, fabriqués et payés par les Etats-Unis, ont fait sauter le phare de la Corniche (à seulement 200 mètres de l’Université Américaine).

Tyr, Sidon, Nabitiyah et d’autres villes du Sud, ainsi qu’al Dahiyah, densément peuplée et extrêmement appauvrie, subissent néanmoins la plupart de l’agression israélienne puisqu’elles sont sous le coup d’un siégé aérien et naval ininterrompu et implacaple depuis le mercredi 12 juillet. Ce sont dans ces zones ainsi que dans les villages ruraux, que l’on trouve la majorité des victimes civiles, dont le nombre s’élève aujourd’hui à presque 200 en seulement six jours.


LES REFUGIES ET L’AIDE AUX REFUGIES

Samedi, l’Armée Libanaise a fermé un campement "Open Sit-In", dans le Square des Martyres, que la coalition des groupes religieux ou progressistes, dont ATTAC LIBAN fait partie, avait mis en place mercredi, en solidarité avec les palestiniens assiégés à Gaza. Ironiquement, les israeliens ont décidés de faire de nous les camarades de souffrance de ceux qui sont sous l’horrible siège à Gaza. L’Armée Libanaise nous a expulsé car nous (environ 30 à 100 personnes en permanence) campions près de l’artère principale, le pont entre Beyrouth Est et Beyrouth West et qu’ils craignaient qu’il soit aussi détruit. Heureusement, ce sit-in a constitué un groupe de travail clé-en-main qui s’est vite transformé en une coalition spontanée, sur le terrain, pour porter assistance aux réfugiés. A voir : http://sanayehreliefcenter.blogspot.com/

Cette organisation était cruellement nécessaire dans les premiers jours de l’offensive israélienne. Le gouvernement pro-américain du Liban et Nayla Mouawad, le ministre des Affaires Sociales, n’a pas fait grand chose pour les réfugiés. Ce n’est que samedi et dimanche que le gouvernement a envoyé des "représentants" demander ce qui était nécessaire, avant de disparaître et de ne plus jamais faire parler d’eux. Ce n’est qu’hier, lundi 17 juillet, que le gouvernement à ouvert les écoles publiques pour que ces réfugiés puissent dormir.

Les réfugiés, dont beaucoup sont issus des communautés les plus pauvres du Liban, n’ont pas tellement d’endroits sûrs où aller, puisqu’ils viennent pour la plupart du Sud Liban, qui est à la fois inaccessible et dangereux. Actuellement, la coalition, basée à la Zico House (ndt : résidence d’artistes) de Beyrouth et Nadi al-Liqa (ndt : centre culturel), indique que plusieurs milliers de réfugiés sont répartis dans vingt-cinq écoles publiques à R’as al-Naba’, Hamra, Karakas et ailleurs. Il y a 350 réfugiés au jardin public de Sanaya, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées, qui dorment sans abris. La coalition a fourni de la nourriture et des couvertures. Cependant, ils manquent cruellement de nourriture de base, de lait en poudre, de nourriture pour bébé, de matelats, de vêtements, de couches, de médicaments et d’aide médicale adéquate.

Nous, ATTAC LIBAN, demandons à nos amis, à nos camarades et à tous les peuples conscients d’agir pour le Liban. Nous vous demandons de contacter votre gouvernement et vos représentants locaux, que ce soit en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud, pour appeller à l’arrêt immédiat et inconditionnel de la violence des israéliens à la fois au Liban et à Gaza. Nous vous demandons de faire connaître votre rejet des violations des droits humains par Israël, de son recours aux punitions collectives, et de son mépris des populations civiles.

Enfin, nous demandons à nos camarades juifs et palestiniens sur le territoire d’Israël de rejeter la politique irresponsable du gouvernement israélien et de l’obliger à négocier avec tous les acteurs de la région pour une paix durable et équitable

Stephen Sheehi, Beirut, Lebanon ATTAC LUBNAN Lebanon

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