Logiciels libres et commerce par Pierre Ponthus

samedi 29 octobre 2005, par Webmestre

Logiciels libres et commerce
Le logiciel libre fait-il une concurrence déloyale au logiciel propriétaire ?

Source :
http://www.local.attac.org/attac25/loglibres.php

Cette question sera sans nul doute de plus en plus souvent posée, à mesure de l’avancée des logiciels libres. L’OMC pourrait même s’en mêler, prétextant la clause de la nation la plus favorisée (l’absence de restrictions sur les copies faisant une concurrence déloyale aux produits propriétaires, qui ne bénéficient pas de cette facilité).

Avant de répondre, il convient de poser une autre question. Comment se fait-il qu’un mode de développement qui s’appuie sur le partage, l’ouverture du code source et la liberté de copie soit capable de faire de l’ombre à des produits commerciaux fermés et protégés ? Si la réponse à cette question semble évidente - les produits commerciaux doivent supporter les charges de personnel et les frais de publicité -, elle fait naître un malaise. La réussite du logiciel libre tend à démontrer le caractère parasitaire du mode de développement propriétaire, tout du moins en matière de logiciels. Cette réussite met au grand jour une erreur de parcours ; pour les logiciels, le mode de développement propriétaire n’est pas le bon choix.

Ce point de vue n’est pas partagé par tous. Les éditeurs qui ont bâti leur fortune et leur monopole sur des produits propriétaires fermés voient d’un très mauvais oeil le succès que rencontrent les logiciels libres. Certains de ces éditeurs se sont même découverts des qualités de médecin, au point de déceler un cancer en gestation au sein du logiciel libre. Cependant, le coeur de l’humaniste penche en direction du logiciel libre, si tant est on laisse à l’humaniste le choix des armes.

Si les logiciels propriétaires ont su atteindre une grande qualité, ce qui est la moindre des choses pour des produits commerciaux, leur fermeture et leur mode de développement centralisé entraîne de nombreux inconvénients, que l’on commence à percevoir. Failles de sécurité corrigées dans des délais inacceptables (voire jamais corrigées !), virus omniprésents, formats de fichiers texte secrets, incompatibles avec la concurrence (quand ce n’est pas avec eux-mêmes !), manque de souplesse des systèmes d’exploitation, peu propices à une adaptation personnelle. Enfin, il ne faut pas oublier l’introduction, par la force du marketing plus que par une qualité intrinsèque quelconque, de pseudo standards qui ne sont standards qu’avec eux-mêmes. On pourrait aussi citer le non respect des standards (les vrais) de l’internet. Non respect que permet facilement une position de monopole. Si le prix, parfois élevé, des logiciels propriétaires ne fait pas partie de ce sombre descriptif, c’est qu’il n’a que peu d’importance. De même, la gratuité des logiciels libres n’est pas l’élément principal qui les caractérise. Les logiciels libres sont d’abord libres et, accessoirement, gratuits. Ils peuvent par conséquent êtres payants, ce qui devrait rassurer ceux qui ce sont jusqu’à présent appuyés sur la vente de produits propriétaires. L’essentiel étant de proposer, sous forme de compétence par exemple, une valeur ajoutée aux logiciels libres vendus. On appelle cela s’adapter. C’est là l’une des contraintes inhérentes du commerce. Cette adaptation est, de loin, préférable à un raidissement face à un mode de développement nouveau. Pour ceux qui veulent gagner de l’argent avec le logiciel libre, l’offre de compétences est d’ailleurs la seule voie plausible. On retrouve là l’une des caractéristiques de l’évolution de la société marchande moderne, à savoir, la prépondérance du service post-vente sur le produit lui-même, devenu de plus en plus complexe à maîtriser.

On le voit, l’économie du logiciel libre bouscule certaines certitudes, pose de nouvelles questions. Cette économie nouvelle jette aussi les bases d’un commerce véritablement équitable, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Il est d’ailleurs fort probable que, dans le cadre de l’OMC, des conflits apparaissent. C’est pour toutes ces raisons qu’Attac devrait de toute urgence se pencher sur la place du logiciel libre dans le monde meilleur auquel cette association aspire.

Pierre Ponthus

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