Attac France : Sortie de crise ? par Christian Delarue

lundi 31 juillet 2006, par Webmestre

ATTAC France : Sortie de crise ?

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Que l’on soit convaincu de fraude lors des dernières élections du CA en juin 2006 ou que l’on évoque plus pudiquement ou plus prudemment des « anomalies » ATTAC ne saurait aborder son avenir sans examen de son passé afin d’inventer une solution viable à sa crise.

Une présentation minimale s’impose : Je suis délégué d’une organisation cofondatrice d’ATTAC, le MRAP (Mouvement contre le Racisme et l’Amitié entre les Peuples). Je suis aussi altermondialiste convaincu (plusieurs interventions sur ce thème et des articles dans Différences revue du MRAP). Je suis aussi un fondateur actif dans un comité local, celui de Rennes, ce qui est assez rare.

Avant les AG de Rennes, j’étais « non aligné » tout comme mon comité rennais d’appartenance. Depuis Rennes pendant l’été 2006, j’ai été élu non siégeant .

Je souhaite participer à remettre sur pieds ATTAC, une association « à nulle autre pareille », avec tous donc sans exclusion. Et « du pire peut naître un bien ».

J’aborde successivement trois grands points :
1 – La montée en puissance de la crise d’ATTAC
2 - L’acmée : 2005- 2006
3 – Pistes pour une résolution de la crise

1. - La montée en puissance de la crise d’ATTAC

I - Le débat qui a fait suite à Larzac 2003

1)Jacques NIKONOFF écrit en septembre un article dans Le Monde

2)Comprendre pourquoi certains « alters » s’en prennent au stand du PS :
ATTAC critique le socialibéralisme comme variante du libéralisme
Le drame des années Jospin après les années Mitterrand
L’échec du « printemps 2003 » : Ces contestataires se souviennent du socialibéralisme de la CFDT et de la « sagesse » d’une partie de la CGT (l’aile Jean-Christophe Le Duigou qui soutiendra aussi le Oui au TCE)
Le PS et même la « gauche plurielle » symbolise ce socialibéralisme honni
Un appel dit Ramulaud « pour une alternative à gauche » - PAG - de juillet 2003 confirme cette analyse et propose une perspective.

3)Un débat mal engagé ou « l’art de s’en prendre au PS avec les précisions utiles » :
- Le PS n’est pas l’intégralité du parti : une fraction reste à gauche qui critique comme nous l’appareil socialibéral. (Lire Filoche and co.)
- Les militants du stand du PS sur le Larzac étaient des camarades altermondialistes : Et alors ? Ce n’est pas eux qui étaient agressés mais le parti qu’ils défendent .
- Il n’était pas utile de démonter ce stand . Certes . Nul n’a défendu l’utilité de cette opération.
- Pour autant le rôle d’ ATTAC n’est pas de défendre le PS et de stigmatiser « ceux d’en bas » qui souffrent du social-libéralisme

II - 2004 ou « le coup d’état » manqué des listes 100% Alter :une « initiative »

mal engagée en interne : l’opération d’un quarteron de militants a été menée en catimini sans information de l’organisation, ni des adhérents individuels ni des adhérents organisationnels . Ici apparaît pour la première fois, à ma connaissance, le déficit démocratique d’ATTAC. La méthode du consensus a également été déficitaire.

mal engagée en externe : à l’égard des forces politiques et sociales déjà pleinement engagées dans la recomposition politique – ce qui allait devenir les CCAG – et des forces politiques de gauches potentiellement partenaires à savoir la fraction gauche des Verts et du PS plus le PCF et la LCR (le PT et LO n’étant pas traditionnellement candidates à ce genre de recomposition).

III – La « Nouvelle dynamique » d’ ATTAC ou l’élargissement problématique du champ de compétence d’ ATTAC

de la taxe Tobin à la lutte contre la financiarisation du monde ;
de l’AGCS à la tendance à la marchandisation des services ;
de l’appropriation publique et citoyenne à l’alter-démocratie
L’alterdéveloppement ou la liaison du social et de l’écologie
Etc.. (voir site)

La question de l’élargissement du champ de compétence d’ ATTAC a rebondi en 2005 sur celle des statuts à modifier mais seulement une minorité d’adhérents s’est emparée de ce débat.

Nous sommes de facto une association de transformation transnationale et globale du monde au profit des citoyens et des peuples.

2. - L’acmée : 2005- 2006

Cette période de crise exacerbée part de du soir du 29 mai et n’est pas terminée.

I - Entre le 29 mai et l’AG de décembre 2005 à La Roche sur Foron

1) La question du style de direction (ré)apparait :

La contribution des trois vices-présidents
L’intervention de Thomas COUTROT à l’université d’été d’ATTAC 2005
La prise de position de Susan GEORGE avant les élections réclamant des élus de soutien face au clan Nikonoff.
Une confirmation ? Le CA d’ATTAC comme lieu d’affrontement particulièrement virulent.

2) Le pendant à la question du style de direction :

Les pro Nikonoff accusent eux le « style » de détermination du choix des membres fondateurs valablement candidats à l’élection du CA. Il fustige plus exactement la méthode bureaucratique et secrète de présentation des candidats sur une liste bloquée et ils demandent l’ouverture du choix des candidats « membres fondateurs ».

3) Derrière l’affrontement se profile en fait plusieurs conceptions d’ATTAC :

A) Les conceptions organisationnelles concevables, possibles :

a) L’option proto-parti : Il s’agit de conformer ATTAC en quasi-parti pour qu’il puisse intervenir dans les élections françaises sans cependant. Comme pour la création de la liste politique « 100% Alter », la solution « proto-partidaire » suppose de se séparer des syndicats car ils doivent maintenir leur indépendance à l’égard du patronat mais aussi du gouvernement. La stigmatisation des « fondateurs » vise essentiellement les syndicats accusés de modérer les exigences du mouvement.

Pour les « proto-parti » le Manifeste d’ATTAC doit servir principalement voire exclusivement lors des prochaines élections. C’est un outil de combat contre les libéraux et sociaux-libéraux.

b) L’option mouvementiste : « L’enfouissement » dans les forums et dans le mouvement social avec une ATTAC strictement mouvementiste donc sans position propre voire sans apparition propre car focalisée sur ce qui « bouge », sur les mouvements sociaux , sur les processus – l’altermondialisation – mais oublieuse des buts de l’altermondialisme.

Le Manifeste doit rester ouvert, ne pas trancher certaines questions qui font débat et ne pas ressembler à un programme politique. Le terme même du Manifeste fait problème par sa proximité avec le manifeste communiste et les manifestes des partis politiques

c) L’option altermondialiste : ATTAC se constitue en mouvement critique orienté vers un but et porte constamment les exigences nécessaires à la réalisation de ce but : l’autre monde que nous voulons (mais aussi l’autre Europe et l’autre France). Il ne s’interdit pas d’intervenir ici et maintenant dans les futurs élections françaises mais son champ d’action et ses perspectives historiques ne sauraient se limiter à l’ici et maintenant.

Pour les altermondialistes, le Manifeste d’ATTAC doit contenir de réelles ruptures dans tous les champs de l’existence humaine, économique, sociale, écologique, culturelle. L’alternative se porte avec toutes les composantes du mouvement social, les syndicats, les associations voir les partis politiques dans un cadre unitaire mais aussi contre ces acteurs politiques lorsqu’ils s’inscrivent dans la vision du monde dite de la « fin de l’histoire »

B) Deux conceptions organisationnelles pour une seule orientation ?

C’est la thèse notamment défendue par Jean-Marie HARRIBEY à l’université d’été de 2005 : Il n’y aurait qu’une orientation globale avec certes quelques inflexions ici ou là mais deux conceptions de l’organisation qui la porte avec d’un côté les proto-parti (Nikonoff-Cassen ) de l’autre les mouvementistes (SusanGeorge, Gus Massiah ; G Azam).

La préparation de l’AG de La Roche sur Foron n’a pas permis la vérification pratique de cette hypothèse. Il était prévu un seul texte d’orientation mais avec des « fenêtres » d’expression des désaccords sur tel ou tel point particulier. Cette préconisation qui mettait en exergue à la fois une armature commune et des points de divergences n’a pas trouvé d’application.

L’histoire montre que cet abandon est dommageable notamment en rapport avec la solution « rennaise » des deux textes porteuse de forts risques de clivage. Le choix de sortie de crise des adhérents présents à Rennes se comprend fort bien - pouvoir choisir clairement - mais la solution est plus risquée que celle qui devait être pratiquée avant La Roche sur Foron.


II – De l’AG de La Roche à aujourd’hui (de décembre 2005 à septembre 2006)

1) La question posée par l’AG de La Roche sur Foron de décembre 2005 est :

Comment dégage-t-on une orientation dans ATTAC ? Le consensus suffit-il ? Faut-il un texte d’orientation à « fenêtres » ? La solution semblait pencher vers une combinaison des « deux : consensus » d’une part pour l’armature commune du texte d’orientation et d’autre part une présence des fenêtres pour la mise en évidence des différences de conception dans l’orientation et dans la composition ou la « nature » d’ ATTAC. Le texte final monolithique a été beaucoup critiqué.

2) La crise éclate à Rennes lors des AG des 17 et 18 juin 2006 : « l’appel du 18 juin »

- Sur la question de la fraude : Les mauvaises conditions du dépouillement étaient avérées mais sans doute pas connues de l’ensemble du mouvement. La question de la fraude apparaît donc à de Rennes avec 1 la publication des résultats, 2 l’intervention de Bernard CASSEN devant 300 adhérents décrivant combien il était aisé de tricher lors des dépouillement et 3 les premières analyses statistiques qui montrent à l’aide de tableaux des anomalies surprenantes. Pour certains il y a eu fraude, pour d’autres non. Les partisans de la fraude refusent de siéger au CA. Des groupes de discussion se forment entre élus siégeant et élus non siégeant, le tout hors de la plupart des adhérents qui restent en attente et ignorent les raisons de cette division.

- « L’appel du 18 juin » : La crise de direction sous-estimée apparaît alors violemment et heurte la base du mouvement qui dans un sursaut méritoire décide par un appel à une clarification sur des orientations. L’exigence première est bien de savoir les divergences d’orientation entre les deux fractions opposées de la direction.

3) La guerre des camps : De Rennes à l’Université d’été de Poitiers

De nouvelles élections doivent intervenir pour élire un nouveau CA sur cette base de deux orientations. ;
La question de la fraude a agitée l’association durant tout l’été. La bataille a fait rage autour des analyses statistiques. Deux menaces de procès sont intervenues ; l’une contre Thomas COUTROT est en cours d’exécution.
Finalement c’est le rapport de René PASSET (site ATTAC) publié la veille de l’université d’été qui va peser sur la très forte probabilité de la fraude qui va être à l’origine d’une commission exécutive mixte paritaire.

3. - La résolution de la crise

I. - « Du pire peut naître un bien »

1) L’apparition d’une troisième voie

La question s’est posée d’une réelle troisième voie, notamment par rapport à l’existence des fondateurs. Comme délégué du MRAP, et comme membre soucieux de sauver ATTAC, je suis intéressé de près par cette initiative pour peu que la place des fondateurs me paraisse correcte. Je suis en contact avec Henri Racine, l’un de ses initiateurs. Régine TASSI membre du CA a soutenu leur texte. La réélection du CA se fera donc sur la base de trois textes d’orientation

2) Nécessité du « lâcher prise »

La question de la fraude n’est pas restée clandestine. La presse en a abondamment parlé. Il faut donc opérer un grand changement, fondé sur l’abandon réciproque du combat interne. Il faut « lâcher prise. » Pour le noyau directionnel il faudra l’intervention de « casques bleus ». Pour le reste du mouvement, nous pouvons rester ensemble car il n’y a pas « une organisation qui a fraudé » et qui serait pestiféré. Pour autant, la fraude est chose grave et le mouvement ne saurait la banaliser. Mais la présomption d’innocence s’impose. De plus si la fraude est avérée, nul ne sait qui a fraudé. Enfin il n’y a pas d’un côté des saints et de l’autre des immoraux. La chute est concevable pour tous et chacun, il convient de tout faire pour l’éviter. Cela exige une certaine discipline et d’intégrer cette dimension éthique dans notre activité et orientation.

La conflictualité au sein de l’exécutif et du Conseil d’Administration est telle qu’elle tend désormais à s’étendre à l’ensemble de l’association et qu’elle risque de nuire à l’ensemble du mouvement donc au combat qu’elle mène contre le néolibéralisme.

Deux solutions ne semblent pas partagée donc ne portent pas. Il s’agit d’une part de la démission de tout le CA (B Cassen) ou d’autre part la solution de la disparition du noyau directionnel en conflit dur perpétuel ce qui signifie effacement simultané des trios de chaque camp : JN BC MD et SG GM PK . Aucune de ces solutions n’est acceptée par l’autre camp.

Il reste donc l’abandon du conflit sous pression des « non-alignés » et des comités locaux. Chacun des camps en présence abandonne ses armes : les statistiques sur la fraude d’un côté, la mise en procès de Thomas COUTROT de l’autre côté. Le refus des exclusions au Conseil scientifique comme au CA.

II. - La solution altermondialiste : « marchons sur les deux jambes »

1) - Les activités propres d’ATTAC :
contre la financiarisation du monde ;
contre l’AGCS et l’OMC, pour la défense et réhabilitation des services publics hors logique marchande ;
pour l’appropriation publique et citoyenne et l’alter-démocratie
Le « Manifeste » d’ ATTAC a ajouté des thématiques : Les ruptures doivent intégrer 12 secteurs d’intervention..

2) - Les activités unitaires sont de deux sortes :

au sein de collectifs
- aux contours variables avec des syndicats de salariés et de paysans, des associations et des partis le cas échéant :
- Exemple :
en 2003 pour la défense et promotion de la Sécurité sociale et des retraites et contre la décentralisation-féodalisation,
en 2004 pour la santé contre la réforme Douste-Blazy ;
en 2005 contre le projet de traité constitutionnel européen dans les collectifs pour une autre Europe (collectifs du 29 mai) ;
en 2006 avec la participation de comités locaux aux luttes contre le CPE et aux luttes de défense des sans-papiers.

au sein des forum :
ATTAC participe à la construction des FSM, FSE, FSL et autres forum respectant la Charte de Porto Alègre.
Cette participation est offensive et critique car l’altermondialisation comme processus fait converger des forces qui ne se sont pas clairement dégagées du socialibéralisme. Or l’altermondialisme lui ne s’inscrit pas dans « la fin de l’histoire », il veut un autre monde.

Christian DELARUE Secrétaire national du MRAP Membre élu du CA d’ATTAC

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