L’Enseignement supérieur et la recherche dans l’œil du cyclone

mercredi 4 février 2009, par Webmestre

L’enseignement et la recherche, lieux de première importance dans le fonctionnement d’une démocratie, constituent une cible privilégiée des attaques du président de la République et de son gouvernement.

L’Université est, entre autres, accusée par de nombreux médias ou par le gouvernement de ne pas suffisamment collaborer avec le monde de l’entreprise pour former les étudiants à des métiers utiles à la société ou pour alimenter l’économie française en nouvelles découvertes. D’où une avalanche de réformes marquées par une obsession du court terme et par la défense des intérêts des grandes entreprises et de leurs actionnaires, sur fond de croyance illimitée dans les bienfaits de la concurrence. Même si aujourd’hui, en février 2009, la crise financière et ses suites remettent en causes les dogmes néolibéraux, rien n’y fait, et un entêtement aveugle préside aux réformes. Dans les universités et les organismes de recherche, l’inquiétude monte et se transforme en résistance.

Certes, la transformation néolibérale des établissements d’enseignement supérieur et des laboratoires de recherche a débuté avant l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Mais cette élection en a ouvert une phase d’une ampleur et d’une gravité sans précédent, dans laquelle des principes fondamentaux comme l’égalité entre étudiants et entre territoires, la liberté académique ou la démocratie interne sont bafoués par la mise en concurrence, par la répartition des moyens publics en fonction de critères de rentabilité à court terme, par un accroissement de la précarité du personnel, et par les renforcements du pouvoir de financeurs privés et du pouvoir du ministère : « Pacte pour la recherche » du 18 avril 2006 ; loi relative aux Libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007 ; réforme des Grands organismes de recherche (2008), opération campus (2008), projet de réforme de la formation et du recrutement des professeurs de l’enseignement primaire et secondaire (2008) ; projet de modification des statuts des enseignants-chercheurs (2008). À cette liste s’ajoute une attaque frontale contre la laïcité, l’accord du 18 décembre 2008 signé avec le Vatican donnant aux facultés catholiques le droit de collation des grades universitaires, c’est-à-dire le droit de décerner les diplômes de licence, master et doctorat. À terme, le baccalauréat, premier grade universitaire, pourrait être concerné.

L’enseignement supérieur et la recherche nécessitaient une nouvelle politique, ambitieuse, garante d’indépendance, de renforcement de la démocratie et de développement sociétal. Les États généraux de la recherche de 2004, portés par les personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur, avaient fait de nombreuses propositions en ce sens. Elles n’ont pas été reprises.

La loi LRU se décline en trois aspects :
- Tout d’abord, la « gouvernance » de l’université, avec un président aux pouvoirs fortement accrus. Notamment en ce qui concerne les personnels, avec un droit de veto au recrutement des fonctionnaires, l’entière liberté d’embaucher des personnels sous CDI et sous CDD, les pleins pouvoirs quant à l’octroi de primes, et enfin la possibilité d’augmenter (bâton) ou de baisser (carotte) les heures d’enseignement d’un enseignant-chercheur.
- Ensuite, l’autonomie de gestion – sans financement public suffisant et en présence d’une baisse du nombre de personnels fonctionnaires – qui va jusqu’à permettre aux universités qui le souhaitent de prendre en charge la gestion de leur patrimoine (immobilier, historique ou culturel) : achat, vente, location...
- Enfin, le développement des financements privés, via des fondations.

Se développeront ainsi le recours à une main-d’œuvre précaire, éventuellement financée sur fonds privés, des coupes budgétaires dans certaines filières, voire la revente du patrimoine immobilier ou culturel de l’Université, ainsi qu’une certaine soumission aux intérêts des mécènes. Les lettres et les sciences humaines et sociales sont tout particulièrement menacées, dans leur existence, sinon dans leur indépendance.

Et se présente le risque que l’université se tourne vers les étudiants afin de compléter ses ressources par l’augmentation des droits de scolarité. Cela s’est produit dans différents pays européens ayant fait le choix de « l’autonomie » (Pays-Bas, Italie, Espagne, Royaume-Uni…) ou sur d’autres continents. Ainsi, Harvard a augmenté ces droits de 5 % en moyenne par an durant les vingt dernières années, pour arriver en 2007 à près de 40 000 $ par an, soit 21 % de ses ressources propres.

Harvard, où près de 90 % des étudiants viennent de familles gagnant plus que le revenu médian, est en tête du classement de Shanghai [1], référence à laquelle nombre de nos parlementaires ont fait appel dans les débats qui ont précédé le vote de la loi LRU. Ce classement privilégie la taille de l’établissement, le nombre de publications scientifiques plutôt que la qualité, et condamne tout système universitaire où l’excellence se déploie en réseau plutôt que de se concentrer sur un nombre limité de pôles.

suite.source : http://www.france.attac.org/spip.php?article9529

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