Les quatre élus de la sensibilité « Avenir d’Attac » quittent le conseil d’administration d’Attac

samedi 27 octobre 2007, par Webmestre

Chères adhérentes, chers adhérents,

C’est avec regret que nous avons appris le mardi 23 octobre la démission de quatre élus du Conseil d’administration d’Attac France. Nous vous joignons ci-dessous :

- la lettre accompagnant leur décision, qu’ils ont diffusée à la presse, laquelle nous a contactés en retour,
- puis une réponse du bureau d’Attac France,
- et la réponse du président du Conseil scientifique d’Attac, particulièrement concerné par la lettre des démissionnaires.

Très cordialement,

Le bureau d’Attac France.


Les quatre élus de la sensibilité « Avenir d’Attac » quittent le conseil d’administration d’Attac

Par Audrey Barral, Laure Benyacoub, Aurélien Bernier et Bruno Ciofi

Le 22 octobre 2007.

Démissionner du Conseil d’administration n’est pas une décision qui se prend sur un coup de tête. Si nous faisons ce choix aujourd’hui, c’est que nous sommes maintenant convaincus de ne plus avoir notre place dans une instance dont les orientations et les modes de fonctionnement ne correspondent en rien à notre conception d’Attac.

Nous nous sommes présentés aux élections de 2006 en défendant le principe d’une Attac indépendante, active, crédible, résolument tournée vers la construction d’alternatives aux politiques libérales. Le scrutin de décembre nous a donné quatre sièges sur quarante-deux (avec pourtant 36 % des voix), dans des conditions que nous avons tous en mémoire. En étant aussi minoritaires, nous ne nous attendions pas à pouvoir réaliser de miracles aux côtés d’une majorité qui souhaitait donner une absolue priorité à la « convergence » des mouvements sociaux, quitte à y perdre tout ce qui a fait le succès d’Attac par le passé.

Mais la réalité est bien pire encore que ce que nous imaginions. Derrière un discours officiel qui fait état d’un redressement, c’est bien à une dilution que nous assistons depuis près d’un an. Muette pendant les campagnes électorales, aphone pendant la crise financière, Attac France n’apporte plus aucune dynamique aux comités locaux qui tentent coûte que coûte de maintenir leur activité. Signer des communiqués de soutien à d’autres organisations ou parapher des textes collectifs ne fait pas un projet. Jamais le Conseil scientifique n’a produit aussi peu, la nouvelle lettre électronique étant le plus souvent garnie de contributions extérieures à l’association, déconnectées des besoins de terrain des militants. Sur la question primordiale des forces militantes, la direction se refuse toujours à lancer une campagne d’adhésions en dépit d’une baisse catastrophique du nombre de cotisants, passé de 21 527 fin décembre 2006 à 13 329 fin septembre 2007. L’université d’été à Toulouse au mois d’août dernier ou l’approbation d’un rapport d’activité par seulement 2 351 votants sur 13 341 adhérents peuvent ponctuellement faire illusion, mais la vérité est toute autre : Attac est une association en dépression faute de projet structurant et plusieurs de ses composantes, telles le collège des fondateurs et le conseil scientifique, sont inactives. Il nous semble pourtant que jamais la charte fondatrice d’Attac n’a été autant d’actualité et qu’il suffirait d’une direction volontaire et ouverte pour relancer véritablement la machine.

Or, à l’exact opposé de l’idée d’ouverture, le fonctionnement du CA est totalement verrouillé. Enumérer la liste des méthodes sectaires que nous avons observées depuis décembre 2006 serait fastidieux (voir notre « Lettre des élus »).

Nous retiendrons le plus inacceptable, par ordre chronologique.

Tout d’abord, l’éviction arbitraire de l’Université d’été de deux membres fondateurs, en la personne de Jacques Nikonoff et Michèle Dessenne, pour délit de désaccord politique avec la tendance majoritaire. Il s’agit d’une première dans l’histoire d’Attac, qui constitue une véritable honte pour une association qui prétend militer pour un monde plus juste et plus démocratique.

Ensuite, la décision de ne pas adresser le matériel de vote pour l’assemblée générale 2007 à des adhérents ayant interrompu leur prélèvement automatique. Cette mesure, appliquée comme beaucoup d’autres sans consultation du Conseil d’administration, a privé du droit de vote des cotisants ayant simplement choisi de modifier leur mode de règlement pour des raisons qui leur appartiennent. La majorité, soupçonnant chez ces adhérents un désaccord politique avec les orientations de la nouvelle direction, les a donc délibérément interdits de voter sur le rapport d’activité, sur le rapport financier et sur les résolutions.

Enfin, par des transferts de courriels malheureux du secrétaire général, nous avons appris qu’il existait deux listes électroniques occultes sur lesquelles s’élaborent des textes officiels et se prennent des décisions politiques. La première est une liste restreinte correspondant aux inscrits sur la liste du bureau national, moins les élus de la sensibilité « Avenir d’Attac » (voir annexe 1). La seconde est une liste de soutien à la tendance majoritaire « altermondialiste et démocratique », constituée pour la campagne électorale interne de 2006, et qui comprend des personnes non élues (voir Annexe 2). Dans les deux cas, il s’agit bien d’outils décisionnels. Cette façon de procéder est tout aussi scandaleuse que si la majorité du Conseil d’administration se réunissait secrètement, avec des amis triés sur le volet, pour décider sans contestation possible des orientations d’Attac France. En effet, s’il n’est pas choquant qu’une tendance de l’association crée ses propres listes électroniques pour échanger entre ses membres, ce qui est inadmissible, en revanche, c’est d’avoir caché l’existence de ces listes, d’avoir contesté à Avenir d’Attac le droit d’en utiliser, et de faire de ces listes des substituts aux listes officielles de l’association en matière de décisions.

Ajoutons que ces méthodes inacceptables se doublent d’une façon de débattre on ne peut plus mortifère. Toute contestation qui provient de la sensibilité « Avenir d’Attac » est présentée comme une entrave au bon fonctionnement de l’association, et ceci en dépit du travail que nous fournissons depuis près d’un an. Pire, lorsque cette contestation devient plus insistante, l’argument de la fraude réapparaît pour clore le bec aux empêcheurs de converger en rond, avec chez certains élus des accents de haine qui ne semblent pas prêts de disparaître. Dans ces conditions, aucun débat démocratique sérieux ne peut avoir lieu dans cette instance, réduite à un simple lieu d’exercice du pouvoir et de règlements de comptes.

La majorité du CA a ainsi décidé de faire de nous des sous-élus, en pratiquant la rétention d’information et en prenant les décisions importantes dans notre dos. Dès lors, tout le travail que nous réalisons pour Attac peut très bien se faire en dehors du CA, et sans cautionner, même à notre insu, de telles pratiques. C’est pour cela que nous continuerons à nous investir autant que possible dans nos comités locaux, dans des commissions, dans la vie de l’association, mais que nous quittons cette direction confisquée par une tendance qui se baptise « altermondialiste et démocratique » mais qui se révèle surtout ambiguë et manipulatrice. Ambiguë car la mise en place d’une coprésidence ou la « collégialité » n’ont été que des décorations ; manipulatrice car la vraie direction d’Attac est en réalité un mélange entre des « indigènes de la république », des syndicats Sud, des membres ou proches de la LCR et quelques syndicalistes de la CGT et de la FSU qui pilotent Attac en fonction de leurs stratégie personnelles.

Les adhérents nous avaient confié une fonction et une responsabilité, alors que la majorité victorieuse nous accorde un rôle de figurants. Le contrat initial est rompu. Nous partons, avec regrets et désillusions, mais en ayant tenté de faire au mieux ce pour quoi nous avons été élus.

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Réponse du bureau d’Attac France, vendredi 26 octobre

La démission de quatre élus du Conseil d’administration d’Attac France est pour nous celle de membres que nous avons toujours considérés au même titre que tout autre, avec leurs aspirations et compétences propres. Il est particulièrement regrettable, selon nous, que cette démission se produise au moment où le redémarrage d’Attac a été confirmé depuis cet été, que ce soit par le succès de l’Université d’été, de l’Assemblée Générale, mais aussi par une visibilité d’Attac progressivement retrouvée autour de ses campagnes.

Certes, il nous reste encore de nombreuses difficultés à surmonter, suite à la terrible crise interne, y compris financière, que nous avons connue en 2006 et du fait de la situation politique générale. Mais nous estimons avoir parcouru déjà un long chemin depuis dix mois, tant sur le plan financier, que sur celui du fonctionnement interne et des mobilisations portées par Attac ; les résultats et débats de l’Assemblée Générale du mois d’octobre en attestent. Bien entendu, cela n’a pu être réalisé que par la participation de tous, Conseil d’administration mais aussi Conseil scientifique, comités locaux, adhérents et fondateurs.

La démission de ces quatre élus n’est pas surprenante. Elle fait suite à l’appel du réseau « Avenir d’Attac », dont ils se revendiquent, à voter contre le rapport d’activité. Or, il y a moins de dix jours, les résultats de l’Assemblée Générale montraient que cet appel n’a pas été suivi dans l’association. Plus largement, la stratégie de ce groupe d’élus et adhérents a consisté, dès les élections de décembre 2006, après avoir refusé notre proposition de participer au bureau dès la mise en place du nouveau CA, à dénigrer en permanence la direction élue, dans une démarche pour le moins non constructive.

Plus grave, nous avions, dès le mois de février, condamné l’utilisation illégale de leur part d’un fichier d’adhérents pour des envois de messages électroniques, mais aussi leur tentative de confusion entretenue avec l’association Attac. Il en est ainsi de leur envoi à la presse de communiqués, avec le logo et le nom d’Attac, contredisant les positions d’Attac. Pour parachever cette confusion, des membres du réseau ont créé l’association « Avenir », en essayant d’une part de continuer à détruire Attac, d’autre part d’entraîner le plus de monde possible avec eux dans cette nouvelle association.

Pour finir, le CA a défini des règles permettant l’expression démocratique de tous (principes de fonctionnement, ouverture des débats au CA, échos dans Lignes d’Attac de ces débats) sans que ces avancées soient jamais reconnues par le réseau « Avenir d’Attac ».

C’est malheureusement sans surprise que nous prenons acte de la démission de ces quatre élus. Malgré les difficultés qu’il nous reste encore à surmonter, la renaissance de l’association apparaît non seulement possible, mais elle est effectivement engagée. Contre vents et marées, la relance d’Attac est engagée, comme nous avons pu le voir à Toulouse pendant l’Université d’été et à Lyon pendant l’Assemblée générale, et comme le montrent les multiples initiatives des comités locaux et l’actualité de nos campagnes.

Réponse de Dominique Plihon, président du Conseil scientifique

Je suis très étonné des accusations portées contre le Conseil scientifique d’Attac par les quatre membres du CA démissionnaires.

Ecrire que la production scientifique du CS et d’Attac n’a jamais été aussi basse depuis l’élection du nouveau CA montre que les auteurs de la lettre de démission ne se sont pas tenus au courant des travaux d’Attac et de son conseil scientifique. Je rappelle que le Manifeste altermondialiste a été rédigé en grande partie par des membres du CS, et que ceux-ci ont participé à de nombreuses réunions publiques pour le présenter dès le début de 2007. De même, le contre-rapport sur la TVA sociale, qui est sur le site d’Attac et qui a largement circulé, a été rédigé conjointement par des membres du CS et des membres du CA. Toujours en étroite collaboration avec le nouveau CA, le CS a contribué à la rédaction de quatre pages, ainsi qu’à la nouvelle édition, profondément remaniée, du "1001 nuits" sur le G8 qui a été largement diffusée au moment du sommet en question.

Affirmer qu’Attac et son CS ont été aphones pendant la crise financière de l’été 2007 relève de la pure contre-vérité. Le communiqué d’Attac sur la crise du mois d’août, préparé par des membres du CS, a été repris dans la presse. Les responsables du bureau et du CS se sont exprimés à ce sujet dans la presse écrite (Le Monde, Libération, L’Humanité, Politis), développant une analyse critique et originale, qui a montré en particulier que cette crise financière a marqué un changement de régime dans le (dys)fonctionnement du capitalisme financier. Lors de l’Université de Toulouse qui a rencontré le succès que l’on sait, des ateliers animés par des membres du CS, avec une assistance nombreuse, ont été consacrés à l’analyse de la crise financière et à ses principaux rouages internationaux. Les deux derniers numéros de La Lettre électronique du CS contiennent plusieurs contributions de membres du CS sur la crise financière et ses prolongements récents. Dans la dernière période, les membres du CS ont tenu de nombreuses réunions publiques sur la crise financière, à la demande des comités locaux qui ne semblent pas avoir la même analyse que les quatre membres démissionnaires du CA sur les capacités d’analyse du CS.

Critiquer La Lettre du CS au motif que celle-ci contient, à côté des contributions du CS, des travaux émanant de diverses composantes dans et hors Attac montre le peu d’ouverture de nos contempteurs. Attac est là pour jouer un rôle d’éducation populaire et donc de diffusion d’analyses hétérodoxes et critiques, ce qui implique de nous intéresser aux idées des différentes composantes du mouvement social, et de ne pas nous enfermer sur nous-mêmes ! Dans le même temps, sans craindre la contradiction, l’association Avenir, dont se réclament ces exégètes, reprochait véhémentement de ne lire dans La Lettre que la signature de membres du CS.

Enfin, le CS a été à l’origine de l’axe, désormais stratégique, d’Attac d’articulation de l’écologie et du social, après l’organisation en mars 2007 d’un séminaire sur ce thème avec les principaux acteurs du champ syndical et écologique. Largement absente des analyses de la précédente direction d’Attac, la question écologique est désormais au coeur des travaux et des propositions d’Attac au sein du mouvement social. On ne peut que se réjouir de voir Attac rattraper le temps perdu dans ce domaine.

Il est triste et pitoyable de constater que d’anciens membres du CA s’abaissent à un tel niveau de mauvaise foi pour dénigrer Attac, ce qui ne peut que nuire à celle-ci. Est-ce là l’objectif que ces derniers recherchent ?

Dominique Plihon

Président du Conseil scientifique

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