L’Éducation : un nouveau marché !

vendredi 9 novembre 2001, par Webmestre

L’Éducation : un nouveau marché !

Par le groupe Éducation d’attac35

L’Accord Général sur le Commerce et les Services

L’Education : un nouveau marché !

Dans l’économie mondiale, les dépenses de santé et d’éducation sont les secteurs en plus forte croissance : les dépenses de santé dans le monde sont de 3 500 milliards de dollars ! Et de 2000 milliards de dollars pour l’Education ! ! C’est l’un des marchés les plus juteux. Sans compter les 50 millions de travailleurs dans l’enseignement et le milliard de clients que représentent les élèves et étudiants !

L’importance économique de ce secteur est régulièrement évoqué. Rien que dans les pays de l’O.C.D.E. « ... les dépenses totales d’éducations représentent entre 5% et 8% du produit intérieur brut (PIB),[...] entre 10% et 15% des dépenses publiques totales[...](près de 98% au Portugal ou en Suède, et rarement en dessous de 80%) ». Soit un total annuel d’environ 1 000 milliard de dollars », 80 millions d’élèves et d’étudiants, 320 000 établissements scolaires (dont 5 000 universités et écoles supérieures de l’ Union Européenne), quatre millions d’enseignants, sont à présent dans la ligne de mire des marchands.

Selon l’INSEE, le coût d’un enfant s’évaluerait pour une famille entre 20% et 35% du budget. La part éducative des dépenses allant croissant, c’est un secteur d’intérêt de nombre de multinationales (multimédias, aides aux devoirs, compléments éducatifs,...) . Une année d’études supérieures coûte environ 10 000 francs, qu’elle que soit la filière, et jusqu’à dix fois plus cher pour un cursus en école privée. A côté de l’effort important des familles, l’Etat ne cesse d’augmenter ses dépenses pour l’Education.

De fortes pressions.

L’UNICE, la plus grande fédération patronale européenne fait une forte pression pour l’élimination des obstacles à la commercialisation des services (éducatifs). Le Baron Seillière y représente la France ! De même, l’ E.R.T. (Europeen Round Table, rassemblant 47 entreprises européennes) encourage fortement la déréglementation du système d’enseignement, déjà amorcée par Claude Allègre et Edith Cresson : cela va de l’ouverture à la concurrence, à l’ autonomie croissante des établissements,...

Pour la Commission Européenne l’affaire paraît claire : « L’A.G.C.S...c’est d’abord et surtout un instrument qui bénéficie aux monde des affaires... La Commission Européenne est enthousiaste pour aider les hommes d’affaires à faire avancer la libéralisation grâce à L’A.G.C.S. ». La déclaration, et les engagements pris par les chefs d’Etats et de gouvernements des 15 au sommet européen de Lisbonne (25 et 26 mars 2000) , laisse pantois : « ...Dorénavant le rôle de l’ Etat se limite à fournir une main d’œuvre la mieux adaptée et éliminer les entraves administratives et juridiques à l’initiative privée. »

Les Etats-Unis poussent à cette ouverture des marchés. Ils contrôlent déjà 16% du marché mondial des services, et sont aussi le premier exportateur de services éducatifs ; la France étant deuxième, à travers Vivendi (ex-Générale des Eaux) qui vient de prendre, via sa filiale d’Havas, le contrôle du géant américain Cendant Software.

Edufrance, l’agence d’exportation des services français d’ éducation, la Banque Mondiale et l’O.C.D.E. ont donné le ton : l’éducation est un marché qui fait rêver . L’e-éducation est le grand marché unique de demain ; Claude Allègre est extrèmement clair : « Je suis convaincu qu’ il s’agit là du plus grand marché du XXIè siècle. »

De plus, en décridibilisant l’école publique, on encourage les parents à accepter l’arrivée d’autres modes éducatifs.

L’A.G.C.S..

Après l’échec retentissant du lancement du « round du millénaire » ( Uruguay Round) par l’Organisation Mondiale du Commerce, à Seattle, en 2000, les 138 pays-membres veulent relancer le cycle, déjà entamé, de libéralisations commerciales qui a débuté à Marrakhech, en 1994. C’est à Doha, au Qatar, qu’aura lieu la prochaine réunion ministérielle, du 9 au 13 novembre prochain, qui va prolonger ces négociations. La date-butoir a été fixée à décembre 2002.

Après les secteurs déjà partiellement privatisés ou ouvert à la concurrence (le transport, la poste, l’audiovisuel, la recherche scientifique, la formation à distance, la formation continue,... ), l’A.G.C.S. jette les bases d’une libéralisation progressive et totale des services. Il ne concerne pas moins de 160 secteurs (dont 120 acceptés par la Commission Européenne !), tels que : l’agriculture..., la Santé et l’Education ! Le gouvernement français n’a formulé des exceptions que pour la police, l’armée, la justice et la fiscalité !

L’objectif de l’A.G.C.S. est bien la « libéralisation progressive des services » (article 19, partie 4) et en cela « l’élimination des effets défavorables de certaines mesures », telles la fin des monopoles d’ Etats dans le domaine de

l’ Education et « d’assurer un accès effectif aux marchés » des services.

Jusqu’à présent la santé, tout comme le logement ou l’Education étaient définis comme des « droits », or une modification de leurs statuts est déjà envisagée afin qu’ils puissent s’ouvrir à la concurrence. Aussi, pour l’ O.M.C., l’Education est désormais « un article destiné à la consommation publique et privée ».

C’est le déni du principe de Service Public ! La fin de l’égal accès à l’Education. L’ouverture à la concurrence ne permettrait plus à tous les établissements de fournir les mêmes missions dans les mêmes conditions, qu’avec la péréquation actuelle. Ils dépendraient alors des subventions et aides privées. Ceci reviendrait à permettre au privé de s’approprier les « segments » les plus rentables (universités, formation à distance, recherche,...) et de laisser aux Etats le coût des infrastructures et de l’Education de base (lire, écrire, compter) pour les « exclus » du « marché éducatif » ! Ce « service minimum » relèverait du service public par défaut de « rentabilité » !

L’A.G.C.S. préconise l’ouverture, non limitative, du capital des universités, grandes écoles,... aux investisseurs étrangers ! A quand Microsoft actionnaire de Science-Po ?

De plus, ces entreprises internationales se verraient accorder les mêmes traitements (aides) que les entreprises locales ou publiques ! (article 16) ; d’ailleurs, les subventions publiques sont aussi dans le collimateur de L’A.G.C.S. Ainsi, l’article 23.3 permettrait à un investisseur de porter plainte contre un Etat si son bénéfice escompté se trouvait annulé ou simplement diminué par une modification des réglementations nationales ! (Ce fut déjà le cas au Canada, où le gouvernement a du dédommager une entreprise américaine, car il avait durci sa législation sur la pollution !)

« Les systèmes publics européens seront livrés pieds et poings liés à des multinationales », estime Elie Jouen, responsable de l’Internationale de l’Education. Philippe Quéau de l’UNESCO affirme que d’ici quatre ou cinq ans les groupes les plus puissants auront investi le marché européen et que ce sera la mort annoncée de l’enseignement public !

Dans l’A.G.C.S., il n’y a pas d’accords spécifiques à l’éducation : il est traité comme n’importe quel autre secteur. La menace reste aujourd’hui cantonnée à l’enseignement supérieur et à la formation continue adulte.

Les attaques que subissent tous les services publics sont incontestablement préjudiciables à l’intérêt général. Mais, hélas, cette logique destructrice s’accélère un peu partout. Avant qu’il soit trop tard, il faut agir, pour qu’en tant qu’usagers ou que citoyens nous refusions le démantèlement du Service Public et de négociations qui veulent brader des droits essentiels ! Ces négociations ne doivent pas s’appliquer aux domaines essentiels de l’homme et de la planète : l’alimentation, l’eau, la santé, l’éducation, l’énergie, le savoir,... et doivent rester du domaine des Etats (public) et non soumis aux règles du commerce international ! !

Demandons, de plus, que ces négociations, mises en place par les « experts » de l’O.M.C., deviennent « publiques » et sortent des décisions secrètes et anti-démocratiques actuelles.

Pour plus d’information :

1.

« Alerte Générale à la Capture des Services publics »,

AGCS : Accord Général sur le Commerce des services.

Coordination pour le Contrôle Citoyen de l’OMC - CCC -OMC.

Avril 2000.

44, rue Montcalm - 75 018 Paris

2.

Where next ? the Gats 2000 négociations (www.mkaccdb.eu.int)
3.

Libération, 26 mars 2000.
4.

« Elèves à vendre ». Courrier International n°464, p.38

23 septembre 1999. Traduction : The Nation, New-York.

5.

« L’école, nouvelle terre promise des entreprises. »

Isabelle Brokman, Le Monde Diplomatique, octobre 1999.

6.

« Un rêve fou des technocrates et des industriels. L’école, grand marché du XXIe siècle. » Gérard de Sélys, Le Monde Diplomatique, juin 1998.
7.

« O.M.C. et Education ». Revue nouveau regard n°7 et n°10,

F.S.U. (www ;institut .fsu.fr)

8.

« l’éducation, nouveau marché mondial »,

Alternatives Economiques, décembre 2000, n°187.

9.

« l’OMC : l’éducation deviendra-t-elle une marchandise ? »,

Nico Hirtt, Le Courrier de l’Unesco, février 2000.

10.

Nico Hirtt,

membre de l’association « Appel Pour une Ecole Démocratique » (APED), (http://users.skynet.be/aped)

auteur de :

*

« L’école sacrifiée » (EPO, Bruxelles, 1996)
*

« tableau noir » (EPO, 1998)
*

« Les Nouveaux Maîtres de l’Ecole » (EPO et VO Editions, Bruxelles-Paris, 2000)

11.

Textes de l’OMC : http://www.wto.org/french/services.gats1.html

http://www.wto.org/wto/french/minf/ustrf.htm

12.

« L’éducation vue par l’AGCS »,

Groupe thématique « Education » du comité local ATTAC-Nord Essonne.

http://attac.org/fra/grou/doc/91/913.htm

13.

« Défis que le système commercial devra relever pendant le nouveau millénaire », Mike Moore, Directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce (http://www.wto.org/wto/ddf/fp/D4/D4021f.doc)

14.

« Education services, Background Note by the Secretariat, Council for Trade in Services, WTO, 23 septembre 1998, S/C/W/49(98-3691).

(http://www.monde-diplomatique.fr/1997/05/KHOR/8161.html)

15.

http://attac.org/listfr.htm
16.

http://attac.org/fra/themes/mondialisation.htm
17.

http://attac.org/fra/themes/mondialisation/accords.htm
18.

« Libéralisation de tous les services se négocie discrètement à Genève », Martine Laronche, Le Monde 16 février 2001.
19.

« la santé et l’éducation pris dans l’engrenage du libre-échange ? »,

Laurence Caramel, Le Monde , 16 février 2001.

20.

« Les ONG combattent le démantèlement des services publics »,

Le Monde, 31 mars 2001.

21.

« Les marchés jettent leur dévolu sur l’éducation », Lignes d’ATTAC n°8, septembre 2000.
22.

Les Echos, 3 février 1998.
23.

« Quel est le coût d’un enfant ? », Le Monde, 3 septembre 2001.
24.

« Remettre l’O.M.C. à sa place », Susan georges.

Répondre à cet article